La titrisation, un outil financier en développement sur le continent

520871-001La technique de titrisation qui a émergé aux Etats Unis puis en Europe vers les années 80, avait comme premier objectif de refinancer les portefeuilles hypothécaires. La titrisation peut jouer un rôle important dans l’allocation de l’épargne pour assurer le financement de l’économie. Aussi, permet-elle de développer et de diversifier l’offre sur le marché financier. Durant ces dernières années, le phénomène de titrisation a connu une propagation surtout en Europe. Parmi les facteurs qui peuvent contribuer à la progression des techniques de titrisation, les dérivés de crédit. Ces derniers permettent de transférer le risque de crédit d’un actif d’une contrepartie vers une autre pour un même propriétaire. En pratique, la titrisation est une opération qui consiste à transformer les créances en titres financiers liquides et négociables. Il s’agit en effet d’un outil de refinancement et de gestion du bilan pour les banques. Pour ces dernières, la titrisation est capable d’améliorer le ratio (fonds propres/endettement) et donc d’agir positivement sur le ratio de solvabilité des banques.

L’entité par le biais de laquelle s’effectuent les opérations de titrisation est le Fond Commun de Créances (FCC). Ce fond  est un organisme de placement collectif qui a comme objectif l’acquisition des créances à une banque ou à une assurance et l’émission sur le marché des parts représentatives de ces créances souscrites par des investisseurs. Les titres émis dans le cadre des opérations de titrisation sont nommés ABS « Asset Backed Securities ».

La titrisation est une activité émergente dans les pays africains, dans la mesure où certains pays ont essayé récemment de mettre en place et de développer un cadre propice pour cette activité. On peut mentionner :

L’Afrique du Sud : pays pionnier dans l' adoption de la technique de titrisation en Afrique. La première opération de titrisation a été effectuée par l’United Bank of South Africa Limited en 1989. En Afrique du Sud, la cession des créances se fait avec tous ses droits et ses obligations. Les actifs titrisés doivent être homogènes et toute opération nécessite l’accord de la « South Africain Reserve Bank » (SARB).

Le Maroc : en 1999, c'est avec la promulgation de la loi 10-98 qui avait comme objectif l’amélioration et le dynamisme du secteur de l’habitat qu’on a assisté à l’émergence de la titrisation. La première opération a été en 2002 d’un montant de 1.5 Md MAD  liée aux créances hypothécaires de premier rang détenues par les banques. En 2008, une nouvelle loi (la loi 33-06) a fixé le régime juridique applicable à la titrisation des créances à travers des fonds de placements collectifs en titrisation. Désormais, le champ de la titrisation s’est élargi à d’autres types de créances telles que les créances détenues par les établissements publics et les entreprises d’assurance.

La Tunisie : les textes législatifs régissant la titrisation sont les articles 35 à 48 du code des organismes de placement collectif, le décret 2001-2278 du 25 septembre 2001 et le règlement du Conseil du Marché Financier (CMF) relatif aux FCC et aux sociétés de gestion de ces fonds visé par l’arrêté du ministre des Finances du 31 janvier 2002. En Tunisie, le processus de titrisation est soumis au contrôle du CMF, du commissaire aux comptes et de l’organisme de notation afin d’assurer une protection pour les porteurs de parts. Le FCC qui a été crée en 2001, est soumis à un agreement délivré par le CMF. Le FCC est doté de la personnalité morale et a la forme d’une société anonyme au capital minimum de 100 000 dinars. Le rôle du FCC est l’acquisition des créances saines[1] issues des opérations de crédit ayant une durée supérieure à 3 ans. Il convient de noter aussi que les titres disposés à ce fond peuvent être des bons du Trésor, des actions ou parts d’OPCVM.

La zone UEMOA : la loi N° 02/2010/CM/UEMOA relatif aux Fonds Communs de Titrisation de Créance constitue le cadre juridique des opérations de titrisation dans l’UEMOA, qui autorise seulement la titrisation sur les prêts immobiliers. Les Fonds Communs de Titrisation de Créance sont constitués à l’initiative d’une Société de Gestion de Titrisation et d’un dépositaire responsable de la conservation des preuves des créances titrisés qui doit être une banque de  l’UEMOA. Le premier Fonds Commun de Titrisation de Créances dans la zone UEMOA a été mis en place et est géré par BOAD TITRISATION.

La titrisation est de plus en plus utilisée dans les marchés financiers internationaux pour drainer des ressources à moyen et long termes malgré qu’elle ait été à plusieurs reprises associée à la propagation de la crise financière de 2008, qui était liée à la mauvaise qualité des crédits octroyés ; démontrant bien que la titrisation, comme les autres techniques financières, comporte des risques. Par conséquent cette technique doit nécessairement être accompagnée par des mesures de précaution et de gestion de risques adéquats.

En Afrique cet instrument peut jouer un rôle fondamental dans le financement des économies et surtout dans le financement des infrastructures dont l’Afrique a besoin. Toutefois et pour éviter toute mauvaise utilisation de cette technique, cette dernière doit toujours faire l'objet d'une supervision rigoureuse de la part des autorités monétaires, avec une définition adéquate des normes décrivant la nature des prêts destinés à être titrisés. 

Aymen Ben Hassine


[1] D’après la règlementation bancaire, ces créances ne doivent être ni immobilisées, ni douteuses, ni litigeuses.

 

 

 

 

 

L’Afrique peut-elle s’inspirer de l’Asie du sud-est pour accroître son intégration régionale ?

UEMOA, CEDEAO, SADC, CEMAC, CEEAC, UMA, UA ; autant  d’organisations qui bien qu’importantes par leur nombre présentent une efficacité discutable et ont eu peu d’impact sur l’intégration régionale en Afrique notamment en raison de batailles de leadership entre les poids lourds économiques et politiques de ces régions.  [1]

Cet article analyse  les causes du retard africain en termes d’intégration régionale et appelle à la diversification des partenaires commerciaux du continent. S’appuyant sur le modèle de développement sud-asiatique les Etats africains auraient tout intérêt à intensifier les flux  commerciaux intra-continentaux et à développer les relations économiques qu’ils entretiennent avec leurs voisins.

 

  1. Le partage d’une monnaie commune ne permet paradoxalement pas aux pays membres de la CEDEAO de renforcer leurs liens commerciaux.

L‘exemple de la CEDEAO illustre ce phénomène. Cette zone est composée de quinze pays dont la moitié utilise une monnaie commune, le franc FCFA. Si l’objet de cet article n’est pas de débattre sur les avantages ou les inconvénients du FCFA, une question concernant cette monnaie attire l’attention : En plus de 70 ans d’utilisation, pourquoi le FCFA  n’a-t-il pas permis de faciliter le commerce entre les pays de la CEDEAO ?

En matière d’exportations et d’importations, les principaux partenaires économiques des membres de la CEDEAO sont aujourd’hui extra-continentaux et majoritairement européens. Les principaux pays de destination de produits tels que le cacao, le café, le coton et même les produits de pêche, sont en majeur partie des pays européens. Concernant les importations, en 2014, environ 40 % des biens importés viennent d’Europe et seulement 18 % des importations viennent d’Afrique. Ces biens importés incluent même des produits alimentaires basiques comme le blé ou le lait.[2]

Ce problème peut être généralisé sur l’ensemble de l’Afrique. En effet, les pays africains commercent peu entre eux. En 2013, seuls 12% des exportations africaines étaient dirigées vers d’autres pays africains. En dépit de ses zones monétaires et des tentatives de régionalisation, l’Afrique demeure un continent commercialement cloisonné.[3]

 

  1. Les pays africains ne bénéficient pas toujours d’accords commerciaux favorables et devraient diversifier l’origine de leurs partenaires.

La  crise du secteur avicole en Afrique du sud suite à l’importation massive de poulet à bas prix en provenance de l'Union européenne, pose plusieurs questions.[4] En effet il convient de s’interroger sur le réel impact économique et social que peuvent avoir des accords tels que l’Accord de partenariat économique (APE) sur les populations et les agriculteurs locaux.

Depuis la fin des années 1960 l’Afrique continue à privilégier les relations marchandes avec l’Union Européenne sans achever son intégration régionale pourtant nécessaire pour peser dans le commerce internationale.

Dans Les damnés de la terre, Frantz Fanon proposait déjà une analyse des difficultés qu’affronteraient les Etats africains au lendemain de leur indépendance. En effet du fait d’un manque de coordination et d’une volonté de développement court-termiste les dirigeants africains auraient bâti leur stratégie commerciale sur les circuits existant par le passé espérant ainsi faire face à la fuite des capitaux. Ceci pourrait partiellement expliquer les liens commerciaux forts existant entre les pays d’Afrique notamment de la CEDEAO et l’Europe.

  1. Les Etats africains ont tout intérêt à s’inspirer de la stratégie de développement des pays d’Asie du sud-est en intensifiant leur commerce intra-continental.

Le Japon, Singapour ou la Corée du sud, pays ayant peu de matière première ont pu développer fortement leur économie après la seconde guerre mondiale. Par exemple, la Corée du Sud qui en 1960 avait un PIB par habitant de 260 dollars, soit le même niveau que de nombreux pays africains, a réussi à devenir la septième puissance mondiale en 2016.

La très forte intégration économique en vigueur dans la région est l’un des facteurs du développement de ces pays asiatiques. En effet, la Chine continentale compte parmi ses dix premiers partenaires commerciaux, cinq Etats asiatiques (Hong-Kong, le Japon, la Corée du Sud, Taïwan et la Malaisie).

De même, le Japon a mis en place un système d’aide publique au développement. Celle-ci qui se situait au 1er ou 2e rang mondial selon les années, était pour plus de la moitié destinée à l’Asie. Dans les années 2000, le Japon était le premier investisseur étranger dans la plupart des pays asiatiques.[5]

En dépit de rivalités et de rancœurs historiques les liens économiques sont très forts entre les trois piliers de l’économie sud-asiatiques que sont la Chine, le Japon et la Corée du Sud. En effet, la Chine et le Japon s'échangent technologies, capitaux et même main d'œuvre.  Et la Corée du Sud grâce à sa stabilité économique permet de recueillir les capitaux de ces deux pays. [6] Afin de faciliter les échanges économiques, le Japon a toujours mené une politique de stabilisation de ses voisins via des investissements ou des aides.

  1. Recommandations

L’Asie du sud-est est un excellent exemple pour l’Afrique dans la mesure où elle illustre depuis cinquante ans l’intérêt qu’ont les pays en développement à renforcer leurs relations commerciales avec leurs voisins afin d’être plus puissants économiquement et d’avoir une plus grande influence dans le monde.  En effet, les similitudes culturelles entre Etats d’une même région garantissent la stabilité et l’équité des relations économiques et diplomatiques.

Pour l’heure cependant, le tissu industriel africain et notamment ouest-africain est encore dominé par des entreprises extra-continentales qui logiquement ne font pas du commerce intra-africain une priorité. L’émergence de champions nationaux tels que l’entreprise nigériane Dangote ainsi que les efforts de coopération sud-sud menés actuellement par le Maroc permettront d’accentuer l’intégration régionale.

Les plans d’émergence qui se multiplient à travers l’Afrique doivent prendre en compte cette donnée. Une croissance exclusivement basée sur l’exportation de matières premières ou de ressources naturelles vers les régions occidentales avec peu de création d’emploi [7] n’est ni souhaitable ni efficace sur le long terme comme l’illustrent les crises actuellement engendrées par l’effondrement du prix des matières premières. L’exemple asiatique montre qu’une émergence est très complexe sans un minimum d’intégration régionale.

Sans verser dans le protectionnisme ou le repli sur soi, l’Afrique doit songer à limiter sa dépendance commerciale à l’égard des régions occidentales et accroître de façon significative les flux commerciaux intra-continentaux  afin de garantir une plus grande stabilité régionale.

Une meilleure confiance entre les africains permettra d’établir une véritable intégration régionale comme l’appelaient déjà de leurs vœux les dirigeants Kwame Nkrumah ou Sekou Touré au lendemain des indépendances.

 

Souleymane Coulibaly

[1] http://www.jeuneafrique.com/165089/politique/cedeao-cemac-sadc-quels-sont-les-points-forts-et-les-faiblesses-des-organisations-africaines/

[2] http://www.bceao.int/IMG/pdf/rapport_sur_le_commerce_exterieur_de_l_uemoa_en_2014.pdf

[3] http://terangaweb.com/quelle-integration-regionale-pour-le-developpement-et-la-stabilite-en-afrique/

[4] http://www.jeuneafrique.com/399169/economie/aviculteurs-sud-africains-rue-contre-dumping-europeen/

[5] https://www.tresor.economie.gouv.fr/File/413946

[6] http://www.lexpress.fr/actualite/monde/chine-japon-coree-les-freres-ennemis-d-extreme-orient_472394.html 

[7] https://www.contrepoints.org/2014/02/14/156636-le-paradoxe-de-la-croissance-africaine

 

Le système financier malgache

Madagascar sort de cinq ans de crise politique. Dans ce contexte délicat, il est utile de faire le point sur la santé du système financier. Il croît à partir d'une petite base et des risques apparaissent mais restent contenus. Les réformes visant à soutenir le développement du secteur financier sont néanmoins essentielles dans la mesure où il ne peut actuellement soutenir la diversification et la croissance économiques du fait d'un accès restreint aux financements. Un système financier plus développé permettrait de renforcer l'effet des politiques publiques, tant budgétaires que monétaires, et de faire de l'accès au crédit un moteur de la croissance. Il est nécessaire de renforcer la surveillance, d’améliorer la mise en place de la réglementation et de définir un cadre de résolution des crises pour assurer la stabilité financière.

  1. Panorama

Evolution du taux de change

Ces dernières années, Madagascar a enregistré une volatilité considérable des  flux de la balance des paiements. Cette volatilité était imputable à des investissements de grande échelle dans des projets miniers  et à l’instabilité économique causée par la récente crise. Il est donc difficile de porter un jugement définitif sur la stabilité et la compétitivité extérieures de Madagascar. Si les modèles du taux de change ne donnent pas une évaluation claire de la valorisation, d’autres preuves plus larges mettent en exergue l’insuffisance de la compétitivité.

 

Répercussion du taux de change à Madagascar

On estime que la répercussion du taux de change sur les prix intérieurs se situe aux environs de -0.35 à son pic, chiffre similaire aux estimations pour les autres pays d’Afrique subsaharienne. Il est également prouvé que les chocs plus marqués sur le taux de change ont une répercussion plus prononcée sur les prix que les chocs de moindre envergure. Cela suggère que les autorités devraient laisser le taux de change réagir aux chocs au lieu de laisser les déséquilibres s’accumuler ce qui finira par déboucher sur des corrections plus perturbatrices.

 

La mobilisation des recettes fiscales à Madagascar

Le ratio des recettes fiscales de Madagascar est l’un des plus faibles d’Afrique subsaharienne, et est loin de répondre aux besoins de développement importants du pays. L’objectif du gouvernement est de porter le ratio des impôts au PIB à 14 % environ à moyen terme. Pour y parvenir, il faudra prendre des mesures visant à élargir l’assiette de l’impôt, notamment en limitant les incitations fiscales, en faisant mieux respecter les obligations fiscales et en réduisant les possibilités d’évasion fiscale. Pour encourager la morale fiscale, ces efforts devront aller de pair avec une amélioration des services publics. 

 

  1. Recommendations

 

Comme c'est le cas dans de nombreux pays à faible revenu, le secteur bancaire domine le système financier malgache.

Dans l'ensemble, les banques sont en bonne santé mais il existe des poches de vulnérabilité, notamment chez les acteurs les plus récemment arrivés. Les nombreuses IMF offrent des services financiers restreints aux foyers à faible revenu, contribuant ainsi au renforcement de l'accès au système financier. Le reste du secteur financier national se constitue principalement des compagnies d'assurance. Il n'y a pas de marché boursier et le marché obligataire ne finance que l'état. L'analyse comparative montre que le système financier malgache n'est pas particulièrement inhabituel, vu les caractéristiques structurelles du pays.

Le système bancaire est stable mais comporte des poches de vulnérabilité, les principaux risques étant la concentration des crédits et la qualité des actifs; le secteur de la microfinance mérite un suivi minutieux.

Les ISF semblent indiquer que les banques sont, dans l’ensemble, suffisamment capitalisées, rentables et liquides. La profondeur financière s'est renforcée ces dernières années et correspond globalement aux caractéristiques structurelles du pays. Il reste néanmoins une marge d'approfondissement, ce qui faciliterait la mise en œuvre de la politique budgétaire et permettrait de gérer plus facilement la volatilité et de soutenir les investissements et la croissance. Le secteur de la microfinance doit être suivi de près, en particulier la gouvernance des IMF, la fermeture récente d'une institution étant un signal d'alarme clair.

 

La réglementation micro-prudentielle et la surveillance des banques et institutions de micro financement pourrait être renforcée.

Ce processus est déjà en cours avec le renforcement de l'équipe à la Commission de la Supervision Bancaire et Financière (CSBF). De nombreuses lacunes identifiées dans le PESF de Madagascar (2005) et de nombreuses analyses et recommandations faites à l'époque restent pertinentes. Une mesure importante serait de renforcer la surveillance internationale et de signer des arrangements administratifs avec des autorités de surveillance étrangères.

De plus, il ne suffit pas, pour avoir une bonne surveillance d'avoir un cadre réglementaire solide, qui existe déjà à Madagascar, mais il faut vouloir agir et le pouvoir, ce qui semble actuellement moins évident. La capacité d'action doit exister en droit et en fait. Les autorités de surveillance doivent avoir des ressources adéquates, du personnel compétent et en nombre suffisant et doivent rendre des comptes pour contrebalancer leur indépendance opérationnelle.

 

Les autorités sont incitées à améliorer la qualité de leurs statistiques et à avoir une vision plus globale du système financier et des risques systémiques.

En janvier 2013, la banque centrale a constitué une division de la stabilité financière dont le rôle est d'assurer un suivi macro prudentiel du secteur financier et d'identifier les principaux risques systémiques en mettant sur pied un système d'alerte précoce. Il est essentiel de développer cette compétence  alors que le système financier se complexifie, avec des interconnexions de plus en plus nombreuses entre banques et non-banques. Comme la crise mondiale l'a montré, avoir une vision systémique des choses permet aux autorités de surveillance de compléter leur approche micro prudentielle en intégrant les externalités qui s'accumulent. Il faudrait renforcer encore cette fonction. Le prochain Rapport sur la stabilité financière, résultant d'une autoévaluation, est un moyen de faire avancer une analyse de ce type.

 

Un autre domaine d'analyse potentiel est le cadre de prévention et de résolution des crises.

Le fait que des banques théoriquement insolvables puissent poursuivre leurs opérations ou qu'il faille plusieurs années pour fermer de telles banques pourrait illustrer des faiblesses dans le cadre de résolution des défaillances bancaires. Il sera important de définir un système de prévention des crises financières et des régimes spéciaux de résolution pour fermer les établissements bancaires.

Les récents évènements qui se sont déroulés dans la Grande Ile, notamment l’accueil des sommets du COMESA et le plus récent sommet de la francophonie vont apporter une bouffée d’air à l’économie malgache, il reste maintenant au gouvernement de bien gérer les investissements et les dons octroyés par les partenaires mondiaux de Madagascar afin d’éviter de replonger dans la série de crise qu’a connu le pays depuis son indépendance jusqu’aujourd’hui.

 

Omar Ibn Abdillah

 

ICT and sustainable development in Africa

Throughout the centuries, technological innovations have shaped relations between individuals, as well as interactions between these individuals and their environment. One can think for example of printing, first used by the Chinese (since the 2nd century A.D.) and then sophisticated and generalized by Gutenberg.

It has been said that printing strongly contributed to the diffusion of the thinking and ideas since the Renaissance, consequently revolutionising the transmission of information and knowledge between individuals. The development of the internet since  the early 2000s significantly modified our ways of life  and paved the way to new tools and models of communication. Through this New Information and Communication Technologies (NICT), the world became a "global Village"- globalization as they said!

By revolutionising our surroundings, living environments, our thinking schemes, in a nutshell our daily lives, ICT has  reshaped from top to bottom  the structure of our societies.  At the heart of these transformations, technological innovations brings answers to social, economical and environmental issues. This observation is even more emphasized in African countries-the boom of telecommunication has created ideal conditions for local apps and softwares to develop.

The most striking example is the rise of the mobile telephon in Sub-saharan Africa. The mobile is currently the best way of accessing the internet. According to a study published in 2013 by the GSM Association, the number of mobile subscribers in this area of the world has increased by 18% per year between 2007 and 2012. In Africa, most of the mobile phones are sold with an Android system. This is an operating system on which it is very easy to create mobile applications/softwares. It also enables the creation of synergies between different sectors and contributes to social innovation (e-health, e-learning, and etc), economical innovation (mobile banking, urban waste management, and etc).

First restricted to private use, today ICT is acclaimed in the formal and institutional sphere.It is seen as a real tool for development, for socio-economic growth and for populations looking for emerge in the global economy. These technological innovations also impact in different ways to African GDPs. According to a study of the McKinsey Global Institute (MGC) made available to the public in November 2015, the internet contributes 3.3% to the GPD of Senegal ; 2.9% to the GPD of Kenya ; 2.3% to the GPD of Morroco and 1.2% to the GPD of South Africa [2].

So it is not surprising that ICT is directly mentioned in 4 out of the 17 Sustainable Development Goals (SDGs) adopted by the UN in September 2015. As a catalyst for education, gender equality [3], or driving force of the construction of resilient infrastructures for a sustainable industrialization [4] profitable for all, it is largely admitted that ICT play a major role in the emergence of Africa. This article revisit the role that ICT can play in the emergence of Africa as well as the way they will contribute to inclusive growth on the continent.

1. ICT as catalyst of development in Africa

The interest of ICT in Africa lies on their utilities and the services they allow to develop : they're no longer only used as simple communication materials (private or professional), but rather as real tools of socio-economic development. The help of ICT in the continent went from "leisure use" to "therapeutic use" : they bring solutions to the populations regarding their basic needs : education, health, transportation, nutrition, access to energy and drinkable water, and so on. [5] But this wasn't always like this ; for a very long time, " ICT-scepticals" saw the emergence of these new means of communication as the wood for the trees : a lure that distract the attention away from the "real" issues of Africa : famine, malnutrition, illiteracy, epidemics and pandemics, wars, natural disasters and other calamities attached to the representation that some people (and some still have today!) had of the continent. But isn't time the best ally? On this subject, time has ruled in favour of the "ICT-optimisitcs". Indeed, for a decade, an abundance of mobile applications, developed by innovative start-ups has proved that ICT aren't unnecessary, on the contrary they are one of the solutions to resolve "real" issues african countries are facing.

The most well-known are Obami in South Africa (online plateform of free courses and educative videos), Gifted Mom in Cameroon (mothers and infants healthcare), M-Pesa in Kenya (mobile banking), Jumia (e-shopping), W Afate in Togo (3D printer made from electronical waste), M-Louma in Senegal (agricultural stock exchange). Every bold initiative illustrates the key role that ICT play in the fight against poverty, in the access for a good education for all, in the access of healthcare. As Alain François LOUKOU [6] emphasized "ICT aren't a problem completely disconnected from other development-related issues. They rather as in interaction with them." Moreover, the use of ICT through the development of mobile applications has an extent of intergenerational responsibility, not highlighted in the analysis of the rising of ICT in Africa. Indeed, by developing an application as Gifted Mom or Obami, the developers have responded to actual needs as well as those of future generations : access to healthcare and education and so on.  In that sense, ICT are well and truly tools that will allow the reach of the SDGs as set by the UN. Thus, we can paraphrase the definition of sustainability saying that ICT are technologies enabling to answer to the needs of the present generations as well as those of the future generations.

2. ICT as tools of inclusive growth

It is undeniable that ICT contribute to boost development for the african continent. The time we saw ICT as luxury for Africa (prey to heavy structural and infrastructural backwardness) is over. Today thanks to ICT, many african entrepreneurs offer to their compatriots local solutions to local problems. But some initiatives even have an international impact, this is "glocalization"  : develop local solutions that can extend beyond the national market (especially in countries that share the same issues). For instance, this is the case of the applications for money transfer by mobile in companies where very few private individuals own classic bank account, but do own 2 or 3 mobile phones. Today the thought isn't about the usefulness of ICT for Africa's development. The fundamental question now is: how ICT can contribute efficiently to a sustainable and inclusive growth for african countries?

In front of all the benefits mentioned, rulers and economic agents get down to the job to implement strategies promoting ICT through the rising of digital economy. According to the Australian Bureau of Statistics, digital economy can be defined as the whole wealth-generating economic and social activities that are activated by plateforms such as the internet, the mobile phones or sensors, including e-commerce. This new category of the economy includes the ICT sector, digital-oriented sectors which couldn't exist without these new technologies. The versatility of the technological innovations makes them vehicles for growth, productivity and competitiveness in some fields such as agriculture, finance, access to energy, consumer goods and services, and so on. Yet, for ICT to become true growth levers, necessary resources have to be mobilised.

a. The role of States

Starting by an offer in education and formation that are in line with the needs of the employment market. Very few educational structures provide courses to learn how to use ICT : very few elementary schools, middle schools, high schools in Africa have computers for computer science teaching. Rare are the schools that offer internet classes or workshops. Learning is completely informal (with friends, family and internet café).

There's no point of specifying the downward slides that this lack of frame engenders (communication tools hijacked for unethical purpose).

A lot of learners are self-taught men and women, or have followed courses in training structures dedicated to ICT [7]. Those trainings come too late in the global educative offer when not marginal. The sector of digital economy is booming, and its need in skills will be huge in the future. With this aim in mind, Africa needs to form future coders, engineers, IT developers and not remain in a lethargic state that will make the continent a desert of skills.

Besides public administration didn't invest the digital sphere : for a while now, we note a digitalization of the government bodies (website, social media account, access numbers via mobile application, and so on). This indicates a mobilization by the rulers who gradually understand the interest of ICT in the daily management of services. The setting up of a dematerialized administration would allow the States to be more efficient and to better serve their citizens.

b. The role of firms

Let's remind that for an inclusive growth of the african countries, the on-site firms have a key role to play. Still today, internet access is expensive for a lot of private individuals. The rates (very wide so every consumer can be satisfied) often stay very high for a continuing consumption. It's not rare for some people to not have access to internet for several days because their bundle is over. They have to recharge their mobile to have internet. The access to this latest is indeed increasing, but still not enough to fill the North-South digital divide and reduce inequalities inside the regions (rural, suburban, urban areas). High rates are the consequences of the weakness of infrastructures and the weak connectivity inside the continent [8]. The decrease of the prices of the internet "subscriptions" is the minimum requirement in order to guarantee continuous internet access to all.

In order to do that, IT firms in collaboration with the states and investors have to work to improve telecommunication infrastructures. As part of their Corporate Social Responsibility (CSR), it would be to the firms’ advantage to deploy telecommunication networks more efficient and modern : the dilapidation of equipment and the low rate of electrification on the continent are the biggest handicaps impacting the quality of the services delivered by the operators.

The lack of funds in the telecommunications sector can be resolved by the setting up of guarantees and by an improvement of a business climate more healthy and responsible. Together with the States, firms have to fight against corruption and unfair practices. This is how african countries will know how to appeal new investors, to compensate the low renewal of equipment and the dilapidation of infrastructures. The difficulties stemming from this dilapidation are also the result of the failure in the maintenance of the infrastructure. These lacks can also be explained by the lack of human resources highly qualified. Still in the frame of CSR, firms can benefit from the strengthening of the skills and capacities by building partnerships with training centers, so these latest can train apprentices to the jobs firms really need. Once more, education and training offers are at the heart of the impact of ICT on african countries' development.

Let's mention, before ending this article an element little addressed in the thoughts on ICT in Africa : the management of electrical and electronical waste (EEW). In a context in which the communication between 2 rival operators is excessively expensive, consumers have taken the habit of having multiple phones (one for each operator) or one phone with multiple chips. It is necessary to add to this, tablet computers, laptops and computers. If we consider that each individual changes his mobile phone every 18-24 months, all of this represent a ton of waste badly recycled or even not recycled. Some cautions (for example wearing protection equipments) have to be taken in the treatment of this waste. Indeed all of these devices are composed by elements that are toxic for humans' health and environment if not correctly recycled. Without regulations, the market of recycling and EEW's increasing is mostly informal, so subject to severe negligence in the respect of security measures. In the frame of CSR, telecommunication firms will have to find solutions to manage "e-waste". These latest, if neglected, would generate severe health issues to recyclers (cancer, breathing issues) and severe environmental damages (pollution of ground waters and grounds close to the wild sorting and recycling centers.)

ICT are indeed tools in the service of the sustainability of Africa, but if we think further, we can confirm that with some fulfilled prerequisite, ICT can be catalysis for the sustainable and inclusive growth of the african countries. We've enumerate some improvement targets for the States and the firms as they are the main actors of the development of the continent ; without denying though the importance of civilians on this path toward emergence. ICT are today a key link of the economy of a lot of african countries, and the contribution of the internet might reach 5 to 6% of the african countries' GPD by 2025. This reveals that the sector is highly dynamic. It is necessary to add an informal sector whose datas are "informal" and escape to any formal statistics. The informal sector generate thousands (even millions) of small jobs and substantial incomes to people from every age and sex, who practice wherever networks are available.

To confirm those facts, reliable indicators should be set up in order to appreciate the real impact of ICT on the development of african societies. There are two trails to do this : on one hand, quantify the share of digital economy in the africans GPDs (for example, through the number of descent and lasting jobs created in the ICT sector). We mention countable approaches because they express themselves uniquely in financial terms or job creation. On the other hand, quantifying the shortfalls in case of "deprivation" of ICT ; we would evaluate the organizational consequences of unused ICT on firms, private individuals and administrations."

Translated by : Ornella-Ashley Sangronio

Original Article by: Rafaela ESSAMBA

 

[1] http://www.gsma.com/publicpolicy/wp-content/uploads/2013/04/gsma_ssa_obs_exec_french_web_01_13.pdf

[2] http://www.medias24.com/MEDIAS-IT/pdf6666-En-Afrique-Internet-est-promis-a-un-bel-avenir.html

[3] 5.b  Renforcer l’utilisation des technologies clefs, en particulier l’informatique et les communications, pour promouvoir l’autonomisation des femmes

[4] 9.c  Accroître nettement l’accès aux technologies de l’information et de la communication et faire en sorte que tous les habitants des pays les moins avancés aient accès à Internet à un coût abordable d’ici à 2020

[5] Besoins qu’on peut assimiler aux 2 premières bases de la pyramide de Maslow à savoir les besoins physiologiques et ceux de sécurité/protection

[6] Alain François Loukou, « Les TIC au service du développement en Afrique : simple slogan, illusion ou réalité ? »

[7] Signe d’un fort engouement pour l’économie numérique et les TIC, des espaces d’innovation digitale (hub, pépinières, espace de co-travail, incubateurs..) voient de plus en plus le jour en Afrique.

[8] La plupart des pays africains utilisent la largeur de bande passante internationale pour un partage de données au  niveau local ; opération extrêmement chère.

[9] http://www.geo.fr/environnement/actualite-durable/le-ghana-poubelle-pour-les-e-dechets-25740

Réformer les indicateurs économiques : et si le sursaut venait d’Afrique ?

Alors que le débat autour de la redéfinition des indicateurs économiques se cristallise dans les sociétés occidentales, c’est d’Afrique que pourraient provenir des réformes audacieuses.
Dotés d’une croissance économique dynamique mais confrontés à des défis sociaux et environnementaux majeurs, certains pays du continent bénéficieraient d’ajustements de leurs indicateurs. Une meilleure gestion de ces défis nécessite en effet la création d’indicateurs pertinents et aptes à contrôler les évolutions (positives et négatives) dans ces domaines.
Au-delà d’une simple remise en question du PIB, c’est également l’opportunité d’une rupture idéologique inédite dans l’histoire économique et des relations internationales.

Un débat historique mais en suspens dans les économies occidentales

La limite de la croissance du PIB comme indicateur central dans notre appréhension et notre gestion des défis actuels est la question fondamentale. Historique, comptable et essentiellement quantitatif, il est en effet considéré comme caduc et inapte à mettre en lumière les problèmes sociaux et environnementaux contemporains. Reportant uniquement l’accroissement de la production, il ne révèle rien sur les évolutions sociales et environnementales de nos sociétés.

Depuis 1972, et le rapport « Limits to Growth » du Club de Rome, différentes contributions questionnent la « pertinence de ces données en tant qu’outils de mesure du bien-être sociétal » (Rapport « Stiglitz », 2008). Toutefois, jamais la mise en place d’indicateurs performatifs complémentaires au PIB ne s’est concrétisée.

Ces critiques militent pour l’ajout d’indicateurs propres aux questions sociales  et à la préservation de l’environnement. On peut notamment évoquer les inégalités de revenus, la proportion d’individus vivant sous le seuil de pauvreté, l’accès à l’éducation, la pollution atmosphérique, la gestion des ressources en eaux, la dégradation des sols, etc. Il reste néanmoins important de noter que ces indicateurs ne doivent pas être substituables, c’est-à-dire que de bonnes performances dans un domaine ne doivent pas masquer de piètres résultats dans un autre. Ceux-ci permettraient de sortir d’une vision uniquement quantitative et d’orienter nos activités vers l’amélioration des conditions de vie des populations et la durabilité de nos écosystèmes.

Néanmoins, ces volontés d’ajustements se heurtent à de nombreux refus dans les sociétés occidentales. Tous se fondent en partie sur l’atonie actuelle de la croissance : en cette époque de croissance faible, la priorité serait son rétablissement, pas sa remise en question en tant qu’indicateur phare. Il leur semble déplacé de vouloir discréditer cet indicateur au moment précis où il vacille. C’est donc parce que ces sociétés cherchent aujourd’hui à renouer avec la croissance que les aspirations à revoir le modèle d’analyse sont écartées.

Une chance en Afrique subsaharienne ?

Il est donc approprié de se tourner vers des pays jouissant d’une croissance dynamique pour impulser cette initiative, notamment en Afrique de l’ouest francophone.

Le Sénégal ou la Côte d’Ivoire bénéficient, par exemple, de performances économiques saluées par des observateurs reconnus, comme la Banque Mondiale ou le cabinet McKinsey. Ils bénéficient d’une croissance stable, autour de 5% par an[1], depuis plusieurs années et les perspectives sont encourageantes.

Au-delà de leur croissance économique, c’est sa relative qualité qui en fait des candidats opportuns : ces économies sont relativement diversifiées, ne dépendent pas des exportations d’hydrocarbures et ont des marchés intérieurs dynamiques. Difficile donc d’objecter les mêmes critiques qu’en occident. Ces performances offrent également un certain prestige régional qui peut servir de catalyseur et, à terme, entrainer certains pays voisins, comme le Bénin ou le Togo, plus modestes et plus discrets sur la scène régionale.

Une réforme urgente au vu de la situation

Même si la croissance offre ici un avantage indéniable à ces économies, c’est surtout l’ampleur des défis à relever dans la région qui rend cette réforme urgente. Ces pays sont en effet les premiers concernés par les conséquences sociales et environnementales d’une croissance non-inclusive et d’une dégradation rapide de l’environnement.

La situation des littoraux d’Afrique de l’ouest[2] illustre cette urgence. Les industries minières et l’exploitation du sable accélèrent l’érosion du littoral, où vit plus du tiers de la population, et  menace les écosystèmes naturels et les sociétés. Les destructions d’emplois issues de ces changements accentuent la précarité et la marginalisation socio-économique, en particulier des jeunes, ce qui amplifie la violence et les trafics. Il semble donc nécessaire de contrebalancer l’hégémonie de la croissance sur les décisions économiques et politiques par l’intégration d’indicateurs qualitatifs.

Outre cet exemple, c’est une prise de conscience plus large du danger inhérent aux facteurs quantitatifs qui est crucial. C’est le cas de la démographie et de l’urbanisation, qui sont encore trop souvent considérés comme des opportunités de fait et proclamés comme les principaux atouts du continent. En réalité, ces dynamiques quantitatives restent fondamentalement des défis à la stabilité de la zone.

L’évocation constante du « dividende démographique » illustre cette confusion entre quantitatif et qualitatif. La population de l’Afrique subsaharienne atteindra en effet plus de 2 milliards d’individus d’ici 2050 (environ 1.2 actuellement)[3] et sa main d’œuvre sera la plus abondante au monde, devant la Chine ou l’Inde. Ce « dividende » sous-entend que l’explosion démographique aurait naturellement un effet positif sur le développement général.

Néanmoins, ce lien est loin d’être évident. Comme le suggère la notion d’explosion, cette dynamique quantitative reste imprégnée du risque inhérent à l’accroissement rapide d’une population. Le dividende ne s’opère que si les services de base (logement, éducation, emploi, santé) sont fournis à l’intégralité des populations et si les jeunes intègrent le marché du travail sereinement. Marché sur lequel doivent se combiner formations adéquates et accessibles avec une offre suffisante d’emplois correspondants. Plus généralement, le dividende démographique est une conséquence d’une croissance inclusive et équitablement répartie à l’ensemble de la population et non un phénomène quantitatif, spontané et naturel.

Dans son dernier rapport[4], le cabinet McKinsey réalise également un raccourci optimiste sur les bénéfices de l’urbanisation rapide du continent. Vantant ses mérites, il passe brièvement sur les besoins qu’elle implique, concluant sur la nécessaire provision de « logements » et de « services ». Il aurait fallu être cynique pour évacuer le besoin de logements pour les nouveaux urbains, mais les auteurs n’ont pas approfondi la notion de « services », euphémisme osé qui englobe les minima requis pour des millions de citadins supplémentaires et sans lesquelles les bidonvilles grossiront.

A l’heure des plans ambitieux (notamment le Plan Sénégal Émergent[5]), ces réflexions sur les indicateurs ne sont donc pas de simples challenges intellectuels mais apportent des ajustements décisifs. Dépasser les paramètres quantitatifs (production, démographie, urbanisation) et superviser les évolutions sociales et environnementales  est déterminant pour soutenir des trajectoires prometteuses mais encore fragiles.

Au-delà de la réforme technique : une révolution idéologique

Ce changement de paradigme implique également un recul idéologique vis-à-vis des politiques économiques traditionnelles en faveur d’un modèle endogène de croissance et de développement. Passée la période des plans d’ajustements structurels (caractérisée par le recul de la puissance publique et la rigueur budgétaire), les gouvernements régionaux suivent néanmoins encore les dogmes libéraux traditionnels dans leurs politiques. La suprématie de la croissance du PIB reste donc incontestable et favoriser des indicateurs complémentaires, malvenu. Les performances du PIB sont notamment un sésame précieux pour obtenir le soutien des bailleurs internationaux et elles focalisent donc l’attention de gouvernements.

Cette innovation impliquerait donc de s’émanciper de ces institutions en favorisant l’intégration régionale. L’UEMOA offre un cadre intéressant de discussion mais ne possède pas de capacités financières, contrairement à la Banque Africaine de Développement.  Celle-ci dépend néanmoins à plus de 70% de l’étranger et nécessite donc des réformes profondes pour devenir une réelle force de proposition. Quoiqu’il en soit, financer son propre mode de développement semble décisif pour dépasser la simple déclaration de principe et promouvoir un modèle inédit.  

 

Cette innovation incite donc à penser le développement hors des cadres hérités et calqués systématiquement. Elle implique de prendre du recul sur la notion de « rattrapage », de s’émanciper de la référence occidentale comme universelle et indépassable. Elle invite au contraire à tirer les conclusions des crises multiples qui la traversent pour éviter de tomber dans les mêmes écueils. En un mot, il est important de cesser de faire « du passé des autres notre avenir » pour reprendre la formule lapidaire du sociologue et écrivain togolais Sami Tchak (cité par Felwine Sarr dans « Afrotopia »).

Bien entendu, cela laisse planer de nombreuses questions et inconnues, notamment autour du choix de ces nouveaux indicateurs. Néanmoins, il semblerait que ce soit à l’Afrique de prendre ce débat en main, il en va de sa stabilité.

Gilles Lecerf 


[1] Banque Africaine de Développement, « African Economic Outlook » 2016

 

[3] Projection des Nations Unies – World Population Prospects 2015

 

[4] McKinsey&Company – Global Institute – « Lions on the Move II. Realizing the Potential    of Africa’Economies » – September 2016

 

[5] Cadre de référence pour les politiques sénégalaises. Plans quadri-annuels sur les périodes 2014-2035 – http://www.presidence.sn/pse

 

Le secteur privé, maillon fort de l’intégration économique du Maroc en Afrique

Les deux chefs d Etat, Mohammed VI et Macky Sall, président le lancement du Groupe d impulsion economique entre le Maroc et le Senegal, le 25 mai 2015.
Le Maroc « est déjà le deuxième investisseur du Continent, mais pour peu de temps encore, avec sa volonté affichée de devenir le premier » déclarait le Roi Mohammed VI dans son Message au 27ème Sommet de l’Union Africaine à Kigali, le 18 juillet 2016. En effet, plus d’1,5 milliard de dollars ont été investis par les entreprises marocaines entre 2003 et 2013 en Afrique de l’Ouest et Centrale, soit la moitié des investissements directs étrangers du Maroc réalisés ces dernières années.

Dès le début des années 2000, plusieurs entreprises marocaines privées sont allées s’installer en Afrique, couvrant un ensemble diversifié de secteurs. A titre d’illustration, l’implantation de filiales bancaires de la Banque Centrale Populaire, de BMCE Bank of Africa et d’Attijariwafa Bank dans une quinzaine de pays africains. Le holding d’assurance Saham est également présent dans une vingtaine de pays du continent, depuis le rachat de l’opérateur nigérian Continental Reinsurance en 2015. Dans les télécommunications, Maroc Télécom a renforcé son emprise dans le continent avec le rachat de 6 filiales africaines de son actionnaire émirati Etisalat. En outre, plusieurs holdings comme Ynna Holding et la Société Nationale d’Investissement (SNI), à travers sa filiale minière Managem interviennent en Afrique. Dans le secteur immobilier, Alliances Développement Immobilier a signé des accords de partenariat avec les gouvernements camerounais et ivoirien pour la construction de milliers de logements sociaux, Palmeraie Développement a lancé des projets de construction au Gabon, en Côte d’Ivoire et récemment au Rwanda. Le Groupe Addoha a également jeté son dévolu sur le continent via ces deux entreprises : Addoha et Ciments de l’Afrique (CIMAF), motivé par les importants investissements en infrastructures (autoroutes, ponts, ports, logements sociaux, universités, etc). Rejoint depuis peu par LafargeHolcim Maroc Afrique (LMHA), filiale détenue à parts égales par le cimentier LafargeHolcim et le holding royal SNI.

Ainsi, le secteur privé joue un rôle primordial dans l’intégration économique régionale. La mobilisation des investissements privés y est essentielle pour la création d’emploi, l’amélioration de la productivité et l’augmentation des exportations. L’intégration économique maroco-africaine dessinée par le Roi Mohammed VI appelle les opérateurs nationaux à partager leurs expériences et à raffermir leurs relations de partenariat avec les pays africains. Le secteur privé marocain aura alors pour rôle de transférer ses connaissances, tout en exploitant le potentiel de production, contribuant ainsi à l’amélioration de sa compétitivité à l’échelle internationale. Pour sa part, le commerce interrégional offre une occasion de dynamiser les échanges commerciaux – encore faibles – et de réduire le déficit structurel de la balance commerciale marocaine. Le potentiel économique étant important. La CEDEAO (Communauté des Etats de l’Afrique de l’ouest) et la CEMAC (Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale) comptent plus de 300 millions de consommateurs, soit un marché 9 fois supérieur à la population marocaine.

Rôle des Groupements d’impulsion économique dans le renforcement des relations économiques bilatérales

A chaque déplacement officiel de Mohammed VI, le Maroc conclut avec les autres pays africains des accords préférentiels prévoyant des facilités douanières et des avantages fiscaux afin de promouvoir les échanges commerciaux et développer les investissements intra-africains. Aujourd’hui, les relations économiques entre le Royaume et les autres pays africains sont régies par un cadre juridique de plus de 500 accords de coopération.

Ceci est tellement important que le Roi Mohammed VI a invité le Gouvernement – lors de la 1ère Conférence des ambassadeurs organisé en août 2013 – à œuvrer en coordination et en concertation avec les différents acteurs économiques des secteur public et privé en vue de saisir les opportunités d’investissements dans les pays à fortes potentialités économiques. Ainsi, les derniers périples royaux ont été marqués par la mise en place de Groupes d’impulsion économique (GIE) entre le Maroc et le Sénégal, d’une part, et le Maroc et la Côte d’Ivoire, d’autre part. Ces instruments, co-présidés par les ministres des Affaires étrangères et les présidents des patronats de chaque pays, visent à promouvoir le partenariat entre les secteurs privés et à booster les échanges commerciaux ainsi que les investissements[1].

Avec une population de près de 22 millions d’habitants, la Côte d’Ivoire est la 1ère économie de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest africaine) et est également la 2e puissance économique de la CEDEAO. Et les opportunités d’investissements n’y manquent pas : l’industrie, les infrastructures et BTP, les mines, énergies, etc. Le Sénégal n’est d’ailleurs pas en reste. Il existe de nombreuses raisons qui encouragent les investissements dans le pays tels que la stabilité politique, l’ouverture économique et la modernité des infrastructures. La protection des investisseurs marocains est également assurée grâce notamment aux accords de promotion et de protection réciproque des investissements et des accords de non double imposition. Le protocole d’accord relatif à la création d’une joint-venture entre le groupe marocain « La Voie Express » et la société sénégalaise « Tex Courrier » signé le 9 novembre 2015 lors de la cérémonie de présentation des travaux du GIE maroco-sénégalais – présidé par le Roi Mohammed VI et le Président Macky Sall – témoigne à juste titre du rôle moteur joué par cet instrument pour la dynamisation du partenariat privé-privé[2].

Par ailleurs, les échanges entre le Royaume et le continent africain ont connu une nette augmentation durant la dernière décennie. Sur la période 2004-2014, les échanges globaux du Maroc avec le continent ont quadruplé, passant de 1 milliard de dollars à 4,4 milliards de dollars. L’étude ‘‘Structure des échanges entre le Maroc et l’Afrique : Une analyse de la spécialisation du commerce’’ réalisée par OCP Policy Center en juillet 2016 montre que l’Afrique de l’ouest reste la 1ère destination des exportations marocaines[3]. Cette région a notamment accueilli environ 50,08% de ces exportations en 2014, soit l’équivalent de 1,04 milliard de dollars[4]. Toutefois, l’analyse de la structure des exportations fait ressortir que les exportations marocaines vers le continent sont dominées par les biens intensifs en matières premières et ressources naturelles[5]. Un fort potentiel reste encore à développer pour dynamiser davantage les exportations marocaines. La Direction des études et des prévisions financières (DEPF), rattachée au Ministère de l’Economie et des Finances marocain, soulignait dans son étude ‘‘Relations Maroc-Afrique : l’ambition d’une nouvelle frontière’’ que « les entreprises marocaines, ciblant le marché africain, devraient privilégier une stratégie de pénétration basée sur des considérations de coûts à partir de choix sectoriels ciblés en fonction de l’évolution des besoins actuels et surtout futurs des populations africaines, l’essor démographique, la montée des classes moyennes et l’urbanisation rampante du continent sont autant de facteurs à prendre en considération pour anticiper la configuration ascendante de ces économies en voie d’émergence ». Dans ce sens, les entreprises exportatrices marocaines ont intérêt à anticiper les dynamiques de transformations économiques, sociales et culturelles qui se profilent à l’horizon en Afrique subsaharienne en mettant en place des stratégies d’adaptation afin de capter une part de marché supérieure et combler leur retard sur cette région dynamique.

L’action économique au cœur de la stratégie d’intégration du Maroc en Afrique

L'intégration économique est aussi importante pour le Maroc que pour le continent. La récente tournée royale effectuée au Rwanda, Tanzanie, Sénégal, Ethiopie, Madagascar et Nigéria a vocation à la renforcer. L’Afrique de l’est est la région africaine la plus dynamique. Et le potentiel économique y est encore inexploité. Ainsi, afin que le Maroc puisse renforcer davantage sa présence sur le continent africain, il convient d’explorer un certain nombre de pistes. Tout d’abord, encourager l'internationalisation des entreprises marocaines et leur investissement en terre africaine en mettant à leur disposition une véritable base de données sur les spécificités et le potentiel de chaque économie. Ensuite, favoriser les flux d’exportations vers les pays africains. Les acteurs publics et privés sont tous les deux concernés par la promotion des produits marocains. La nouvelle Agence marocaine de développement des investissements et des exportations mais également l’ASMEX (Association marocaine des exportateurs) devront conduire des missions commerciales dans différents gisements africains et offrir aux entreprises nationales l’accompagnement nécessaire pour développer leurs exportations et/ou réaliser leur projet de développement sur le continent. Enfin, renforcer l’intégration commerciale avec les différents pays africains. Le marché de consommation est en train de se constituer avec l’émergence d’une classe moyenne davantage tournée vers les produits manufacturés et à forte valeur ajoutée. La négociation de partenariats avancés avec la CEDEAO et la CEMAC incluant la mise en place de zones de libre-échange, constitue à son tour une porte d’entrée idéale sur ce grand marché de plus de 300 millions d’âmes.

A l'ère de la mondialisation et de la concurrence internationale acharnée, la projection accrue des économies émergentes sur le continent africain est empreinte de rivalités : Chine, Inde, France, Japon ou encore l’Allemagne, tous ont dévoilé leurs ambitions africaines. Face à ce contexte international, la diplomatie marocaine se veut plus ambitieuse et agressive. Le Roi Mohammed VI déclarait à l’ouverture du Forum Maroco-Ivoirien du 24 février 2014 : « les relations diplomatiques sont au cœur de nos interactions. Mais, à la faveur des mutations profondes que connaît le monde, leurs mécanismes, leur portée ainsi que leur place même dans l'architecture des relations internationales, sont appelés à s'adapter aux nouvelles réalités. » Dans ce sillage, le Maroc gagnerait à organiser un sommet d’affaires maroco-africain. Ce dernier s’inscrirait dans la continuité de l’Africa Action Summit et porterait sur le potentiel de développement économique du continent. Le Sommet réunirait, ensemble, les gouvernements et entreprises, les secteurs public et privé, autour du développement économique, social, et humain de l’Afrique. L’enjeu étant de réaffirmer la stratégie d’influence du Maroc sur le continent.

Hamza Alami


[1] Les groupements d’impulsion économiques comprennent 10 secteurs d’activités identifiés comme prioritaires : il s’agit des commissions Banque-finances-assurance, agri-business-pêche, immobilier-infrastructures, tourisme, énergie-énergie renouvelables, transport-logistique, industrie-distribution, économie numérique, économie sociale et solidaire-artisanat, capital humain-formation et entreprenariat

[2] Christophe Sidiguitiebe, Quatre nouveaux accords signés entre le Maroc et le Sénégal, Telquel.ma, le 10.11.2016 : www.telquel.ma/2016/11/10/quatre-nouveaux-accords-signes-maroc-senegal_1523082

[3] Quatre des cinq principaux partenaires commerciaux africains (Algérie, Mauritanie, Sénégal, Côte d’Ivoire et Nigéria) font partie de l’Afrique de l’ouest.

[4] En ce qui concerne les importations, le poids de l’Afrique du nord a constitué la source de près de la totalité des importations marocaines, avec une part de 82% en 2014 contre 53% en 2004, en important principalement du gaz naturel, du gaz manufacturé, du pétrole et produits dérivés.

[5] Les exportations marocaines sont constituées essentiellement de produits alimentaires et animaux vivants (25%), les machines et matériels de transport (18,5%), les produits chimiques et produits connexes (18,1%), les articles manufacturés (15,9%) et les combustibles minéraux, lubrifiants et produits connexes (11,7%).

Les fintech en Afrique : des outils à géométrie variable favorisant l’inclusion financière

Mina habite à Sahuyé, à 70kms d’Abidjan. Depuis 2008, elle a un compte mobile money qui lui sert à envoyer de l’argent à sa tante à Ouagadougou et à se constituer une petite cagnotte chaque mois. Avec près de 100 millions d’autres personnes[1], Mina a désormais ainsi accès à des services financiers de base dont elle était auparavant exclue. Quel est le degré d’inclusion offert par les fintech sur le continent ? Permettent-ils effectivement d’offrir des services financiers à tous, du Cap à Alger en passant par Dinga en République Centrafricaine ou Gondere en Ethiopie ?

Si les fintech ne représentent pas une solution unique et globale pour l’Afrique – il serait réducteur de le croire – ils apportent néanmoins des réponses pertinentes à des défis quotidiens ainsi que des innovations qui bouleversent l’écosystème financier mondial.

La percée singulière des fintech en Afrique 

L’Afrique se positionne comme une terre nouvelle pour les services financiers. L’Afrique est l’un, sinon le seul continent à avoir adopté directement des services financiers virtuels, sans passer ni par la case départ des agences en dur ni par la téléphonie fixe à grande échelle[2].

Cette singularité s’explique par un accès peu propice à l’offre financière classique. Les services formels sont fournis par des agences concentrées en zone urbaine[3] – tandis que la population rurale représente 2/3 de la population africaine – et pratiquant des taux d’intérêt et de commissions élevées – autour de 10,07% en moyenne dans la zone UEMOA par exemple[4]. Le recours à des moyens peu onéreux de technologie financière se comprend alors facilement.

Ce recours a ainsi favorisé une plus grande inclusion financière en faisant accéder un grand nombre de personnes à des personnes exclues des services financiers de base. Alors que le nombre de personnes non bancarisées est de 66% en Afrique[5] – avec toutefois des différences notables entre les pays – le recours aux fintech change la donne avec 12% d’Africains ayant accès à des services financiers via des fintechs[6].

Toutefois, il est clair que le mobile money est une solution parmi d’autres proposées pour résoudre le problème. On trouve ainsi le paiement par mobile (mobile money), le transfert d’argent, les services bancaires et les opérations d’investissement et de gestion de fortune, etc. Cette diversité est à comprendre au regard de celle des marchés africains, de leur maturité et de leurs besoins. Si certaines options – en particulier le mobile money – sont effectivement fructueuses ici, elles ne font guère de sens là, où une option plus ou moins sophistiquée sera plus indiquée.

En outre, le profil de certains pays facilite le déploiement d’une solution, où ailleurs elle ne répondrait que partiellement ou pas du tout à réduire le manque d’accès aux services financiers. Ainsi, le succès de M’Pesa au Kenya, basé sur la proposition d’une solution créée par une demande du marché, n’a pas abouti en Tanzanie et au Nigeria. Ces échecs sont liés à la diversité des écosystèmes, soulignant la nécessité d’adopter une approche plurielle pour penser l’inclusion financière.

Les défis à surmonter pour faire des fintechs de réelles solutions d’inclusion financière

Le mobile money représente aujourd’hui la plate-forme la plus développée et aboutie en matière d’inclusion financière en Afrique, en se positionnant comme une porte d’entrée à une variété de services pour ses usagers. Cependant, de nombreuses problématiques doivent être résolues pour offrir véritablement un accès inclusif, c’est-à-dire des services financiers accessibles en tous, y compris aux personnes « en bas de la pyramide ».

En effet, fintech ou pas, le défi d’inclusion financière des personnes dites « au bas de la pyramide » reste aigu. Cette population, qui vit en-dessous du seuil de pauvreté, effectue des opérations qui ne dépassent pas les 2 dollars par jour. Or, le modèle de l’agent dans le système de mobile banking, dont le revenu est assuré à 100% par les transactions, requiert un certain montant total pour être rentable. Avec l’hypothèse d’opérations à 1 dollar, pour un agent dont le coût mensuel est compris entre 150 et 200 dollars, en prenant un pourcentage par transaction, l’agent devrait enregistrer un montant de 20 000 dollars pour arriver au point mort, ce qui fait 2 transactions par minute, 8 heures par jour, 7/7…

En outre, les chiffres fanfaronnant sur la pénétration du mobile en Afrique ne doivent pas masquer certaines réalités. Des pays africains ont des taux d’usagers mobile inférieurs à 30% – sur 100 personnes, seules 30 au Burundi et 6 en Erythrée utilisent un téléphone portable[7]. Cette carence existe aussi en matière de données numériques. Pour l’entreprise en telco Tigo, seuls 20% de ses clients à travers le continent utilisent des données. Ainsi, si des services financiers de plus en plus innovants se multiplient, l’accès au service de base n’est pas encore assuré sur tout le continent.

D’autres défis restent à surmonter pour accroitre la couverture des fintechs et leur accessibilité à tous tels que l’interopérabilité, qui entrave le transfert d’argent domestique et international, et les efforts en matière de sensibilisation et d’éducation financière. Alors que le Rwanda peut être cité comme un exemple en matière de pédagogie financière, d’autres pays comme le Nigeria ne promeuvent pas une culture des technologies financières. Ainsi, le Gouvernement rwandais a soutenu la mise en place de plates-formes numériques pour les services de base (Irembo) : paiement des factures d’électricité, procédures administratives, etc. A l’inverse, l’économie nigériane est principalement basée sur la liquidité avec des agents de rue – appelés esusu ou ajo – opérant informellement des opérations courantes. 

Le potentiel des fintech offre une ambition visionnaire pour l’Afrique

Si ces limites doivent être résolues, des avancées majeures en matière d’inclusion financière ont été permises par le développement des fintechs en Afrique. Cependant, l’inclusion financière ne se limite pas aux paiements. Cette « innovation frugale » déploie toute une gamme de services financiers rendus accessibles au plus grand nombre.

Parmi les services proposés, on trouve bien sûr des services bancaires classiques, offrant la possibilité aux personnes exclues du système bancaire de contracter des prêts (comme avec Aire ou Kreditech), des services d’assurance et micro assurance, d’investissement, de paiement et de transferts en ligne. Des startups comme Afrimarket, Azim ou Mergims facilitent le transfert d’argent et de biens à des taux réduits et en toute sécurité ; WeCashup et Dopay offrent la possibilité de payer en ligne et/ou de recevoir son salaire de manière électronique, sans risque de corruption et d’insécurité.

En outre, ces services accroissent non seulement l’inclusion financière mais également sociale avec des produits facilitant l’accès à des services de base dans la santé et l’éducation. Par exemple, la fintech sénégalaise Bouquet Santé s’appuie sur la diaspora pour résoudre certains manques du système de santé national. 

Ces initiatives sont portées par un ensemble d’éléments facilitant le déploiement de solutions numériques. Premièrement, la simplicité de la technologie la plus couramment utilisée, l’USSD, ainsi que le dynamisme de ce secteur qui propose constamment des innovations améliorant cette technologie et des applications nouvelles. Deuxièmement, le bas coût des mobiles, qui favorise une pénétration facile et croissante. Troisièmement, la capacité à mettre en place un réseau de distribution étendu, même en zone rurale, avec un système d’agents pour le mobile money. Enfin, la tendance croissante des acteurs à saisir cette opportunité et à développer des partenariats (entre les opérateurs, les banques, les coopératives, les institutions de micro finance) et faciliter l’extension de leurs services avec un effort en formation et sensibilisation.

Jusqu’à présent, les résultats enregistrés par les fintech pour accroitre l’accès aux services financiers sont nombreux. Aujourd’hui, plus de 80% du continent est couvert par des services d’argent mobile[8]. Au Kenya, le taux de bancarisation a augmenté de 58% depuis 2007, année de lancement de la licorne nationale M’Pesa[9]. Il est indéniable que l’accès aux services de base s’est renforcé sur le continent avec 15,4% de la valeur totale des transactions de 2014 revenant aux paiements de factures et de transactions marchandes[10].

L’accès et la participation étendus au système financier ne sont pas une fin en soi mais un moyen. Ils offrent des bénéfices directs et indirects majeurs. Au sein du système, ils permettent d'abaisser le coût des virements de fonds transfrontaliers et celui de l’offre des services financiers de 80-90%, permettant ainsi à des sociétés de proposer leurs services à des clients à faible revenu tout en assurant leur rentabilité. Pour les usagers, ils diminuent l’insécurité liée au fait d’avoir de l’argent liquide sur soi et offrent la possibilité de lisser leur consommation, de gérer les risques de chocs financiers en se constituant une épargne et, petit à petit, d'investir dans l'éducation et la santé. Pour les entreprises ayant un accès facilité au crédit – en créant des historiques de crédit – de croitre et de créer des emplois.

Ces avantages ne sont les pas derniers, car les fintech sont un arbre en plein épanouissement. L’interopérabilité et l’ouverture croissantes, favorisées par l’intégration africaine, donnent des perspectives réjouissantes. Au-delà du mobile money, le bitcoin et les blockchain sont des chantiers en développement en Afrique – certains y voyant même le berceau d’une révolution : « Révolution Impala ». Le blockchain, qui permet d’établir des historiques de crédit, de conforter et/ou créer une identité financière basique, pourrait peut-être même être le prochain levier innovant d’inclusion financière, faisant de l’Afrique une pionnière au niveau mondial.

En conclusion, la possibilité d’offrir un accès le plus large possible aux services financiers implique de proposer des solutions adaptées à la variété de besoins existant sur le continent, en adoptant même une perspective locale – ce qui est vrai dans la capitale ne l’est plus au village. Il est donc crucial de ne pas croire en un modèle unique capable de résoudre les défis de l’Afrique comme une entité homogène. Enfin, l’enjeu clef est de maintenir la vitalité entrepreneuriale observée jusqu’à présent dans l’offre des fintech.

Pauline Deschryver 

 

 


[1] Banque mobile en Afrique sub-saharienne : 251 millions de clients potentiels d’ici 2019, BCG, 2015

 

[2] En 2015, 24 652 adultes sur 100 000 possèdent un compte mobile en Afrique Sub Saharienne, contre 3 485 en Asie du Sud ou 416 en Europe. (Source : Banque Mondiale et Groupe Spécial Mobile Association)

 

[3] On trouve 3,2 agences pour 100 000 habitants, Etude du cabinet Roland Berger

 

[4] Source : Banque Centre de l’Union Economique Ouest Africaine

 

[5] Données Banque mondiale 2015

 

[6] Idem

 

[7] Données Banque Mondiale

 

[8]Un Agency for Information and Communication Technology

 

[9] Source : Commission des communications au Kenya

 

[10] Données : GSM Association

 

La RSE, un outil pour le développement de l’économie verte en Afrique

rse-ethiqueLa Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE- corporate social responsability en anglais) est un concept qui promeut une gestion éthique et civique des entreprises. C’est le cadre d’action par lequel est envisagée actuellement une économe verte. Au niveau africain, la RSE reste ambivalente.

Cet article s’inscrit dans  le cadre de la préparation du Forum International sur le Green Business qui sera organisé à Pointe Noire du 17 au 19  mai 2016"​

Forgée au niveau international[1], la RSE s’impose d’abord aux multinationales qui sont invitées à «appliquer dans leur sphère d’influence un ensemble de valeurs fondamentales, dans les domaines des droits de l’Homme, des normes de travail et de l’environnement et de la lutte contre la corruption »[2]. Il s’agit pour les entreprises de contribuer au développement durable et de considérer leur performance d’un point de vue global : financière, environnementale, sociale[3]. En Afrique, cette démarche est encore difficilement reprise. Elle est pourtant prônée par certains comme étant « un outil de développement », notamment pour le secteur privé.

La RSE en Afrique, un outil de développement ?

Les partisans de cette démarche y voient une opportunité pour le développement du continent.  Cet argumentaire repose sur une double volonté. Il s’agit d’une part de mettre au pas les filiales des multinationales dont beaucoup ont été indexées pour leur manque de considération pour les enjeux sociaux et environnementaux des contextes où elles sont implantées. De nombreux exemples suggèrent même des abus, notamment en matière d’appropriation des ressources sans consultation des populations locales, leur exploitation sauvage et la non-distribution des recettes générées. D’autre part, la promotion de la RSE auprès des entreprises implantées en Afrique répond à un paradoxe simple : ces dernières décennies, les taux de croissance et les bénéfices générés par les entreprises en Afrique contrastent avec le niveau de développement social. La RSE est donc un moyen de valoriser les entreprises dans leur rôle social et de maximiser les bénéfices pour la société et l’environnement de leurs activités.

L’accent est en particulier mis sur la nécessité pour les entreprises non seulement de respecter les droits de l’homme mais aussi de le promouvoir. Cet engagement en faveur des droits de l’homme concerne autant les relations et les conditions de travail des salariés que les impacts indirects liés au choix des clients, fournisseurs et collaborateurs. En contrepartie, les entreprises engagées dans cette démarche bénéficient d’un avantage concurrentiel qui les distingue pour leurs bonnes pratiques.

La démarche RSE apparaît aussi comme un outil de développement durable en ce qu’elle inclut une démarche de gestion de l’environnement. Les entreprises sont incitées à évaluer leur impact environnement ainsi qu’à agir pour le réduire. Cet aspect concerne essentiellement des enjeux qui peinent à être pris en charge par les autorités publiques africaines : la gestion des déchets, la lutte contre les pollutions et autres nuisances. D’autant plus que les entreprises, en particulier les groupes multinationaux, portent une lourde responsabilité dans la gestion des ressources, notamment dans les territoires les plus riches en matières premières. Ainsi, dans le Bassin du Congo, la RSE est un instrument clef pour garantir la légalité et la traçabilité des productions de bois, un prélèvement sélectif des arbres ainsi que des cultures agro-forestières raisonnées. Dans le secteur minier, la RSE contribue à renforcer l’application de dispositifs de protection de l’environnement et des riverains ainsi qu’à favoriser le réaménagement des anciennes mines et puits. La gestion des ressources est d’ailleurs pour l’Afrique une problématique cruciale dans la mesure où le changement climatique se manifeste de façon radicale dans beaucoup de régions (désertification, diminution de la biodiversité, salinisation des terres, montée des eaux etc.).

Par ailleurs, le démarche RSE participe à la démocratisation de la vie locale. En effet, cette démarche repose sur la concertation des parties prenantes dans la gestion des rapports de force liés aux divergences d’intérêts. A termes et par un effet d’entrainement, les plus optimistes affirment que la RSE contribue à la régulation et la structuration de l’environnement des affaires car la RSE nécessite une organisation et une formalisation des acteurs économiques[4].

Un outil pas encore adapté aux réalités africaines ?

Malgré son potentiel en terme de développement durable locale, les entreprises africaines peinent à s’approprier la démarche RSE. Notons d’abord que la RSE en Afrique pâtît encore quelque peu d’une notoriété négative. Celle-ci est liée aux pratiques de certaines multinationales qui ont instrumentalisé cette démarche à des fins de greenwashing [5].

Mais la difficile diffusion de la RSE est avant tout à mettre en rapport avec le contexte économique et culturel africain. L’importance du secteur informel est un premier obstacle à la mise en œuvre de la RSE tant pour les filiales de groupes étrangers que pour les entreprises locales. La culture de l’informel empêche les acteurs économiques de se doter du niveau d’organisation interne et externe ainsi que de la visibilité nécessaires à toute démarche RSE.

S’ajoute aussi d’autres comportements provoqués par la pauvreté. En effet, la pauvreté engendre un certain nombre de pratiques qui freinent la mise en place de la RSE au niveau individuel et collectif. Par exemple, l’imprévisibilité et la faible visibilité empêchent de dresser des perspectives à longs termes. En outre, la RSE nécessite de nombreux investissements que les entreprises sont réticeintes à financer, estimant que ces actions n’engendrent pas un retour sur investissement rapide.

La démarche RSE ne peut enfin être effective que si les parties-prenants des activités des entreprises ont le pouvoir nécessaire pour contraindre les entreprises à véritablement intégrer cette démarche dans leurs stratégies. Les partie-prenantes sont toutefois confrontées à un problème de représentation, notamment pour ce qui est de l’environnement et des populations locales. Ceci est d’autant plus le cas dans les régions où les tensions politiques sont vives et où les ressources sont captées par des factions politico-militaires.

Il existe à ce jour plusieurs initiatives visant à promouvoir la démarche auprès des entreprises. Des réseaux et instituts de sensibilisation (Initiative RSE Sénégal, Institut RSE Afrique, l’association Kilimandjao) ont été créés pour former les cadres des secteurs public et privé à cette démarque éthique et proposent la valorisation des bonnes pratiques par des labels. Quelques PME innovent aussi par le modèle de gestion qu’elles présentent. Reste peut être à impulser une dynamique à tous les échelons afin de créer des partenariats entre les autorités publiques et les acteurs économiques de toutes sortes. La RSE peut ainsi être une opportunité pour accélérer la formalisation de la scène économique et politique en Afrique.

Mame Thiaba Diagne


[1] La RSE est issue des  Principes directeurs de l’OCDE pour les entreprises multinationales (1976),  Pacte Mondial des Nations Unies (2000), Principes directeurs des Nations Unies sur les droits de l’Homme et les entreprises  du Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies (2011),  norme ISO 26000, 3e Communication de la Commission européenne sur la RSE (2010).

 

 

[2] Pacte Mondial des Nations Unies, 2000.

 

 

[3] La norme ISO 260000 décline le référenciel de RSE en 7 thématiques : sept thématiques : la gouvernance de l’organisation, les droits de l’homme, les relations et conditions de travail, l’environnement, la loyauté des pratiques, les questions relatives aux consommateurs, les communautés et le développement local – la dimension économique étant considérée comme transversale

 

 

[4] Voir TENE Thierry, « les enjeux de la RSE en Afrique », mis en ligne le 12 septembre 2012, consulté le 10 mars 2016 http://www.youphil.com/fr/article/05637-les-enjeux-de-la-rse-en-afrique?ypcli=ano.consulté .

 

 

[5] Soutenir ostentatoirement des projets de développement durable pour dissimuler les outrages humains et environnementaux provoqués par leur activité. Depuis, la RSE s’est dissociée des pratiques de mécénats. Voir YOUSSOUFOU Hamadou Daouda, « la Responsabilité sociétale des multinationales en Afrique subsaharienne : enjeux et controverses. Cas du groupe AREVA au Niger ». VertigO – la revue électronique en sciences de l'environnement, Volume 14 Numéro 1 | mai 2014, mis en ligne le 30 avril 2014, consulté le 10 mars 2016. URL : http://vertigo.revues.org/14712 ; DOI : 10.4000/vertigo.14712

 

 

Développement de l’énergie en Afrique : quel espoir au delà de la médiatisation ?

energies-renouvelables-scandale-financierQuelle que soit sa source, l’électricité est l’un des piliers de la compétitivité et de la prospérité partagée d’un pays. Revenu au cœur des débats publics, l’accès pour tous à l’énergie est devenu la marque de fabrique de multiples organismes institutionnels, gouvernements et fonds d’investissement compte tenu de la place que tendent à occuper les énergies renouvelables. Rappelons-nous qu’en 2013, le président des Etats Unis d’Amérique a annoncé la réalisation du mégalodron « Power Africa » qui consisterait en la concentration de 7 milliards de dollars USD dans l’installation de 10 000 MW supplémentaires pour connecter 20 millions de foyers et entreprises. En ce début d’année, le ministre français, Jean Louis Borloo était sous les feux des projecteurs pour présenter son plan Marshall qui vise à électrifier toute l’Afrique en dix années à hauteur d’un investissement de 200 milliards d’euros. Bien que ces initiatives soient louables, leur concrétisation et impact peuvent s’analyser de deux façons différentes :   d’une part, par le biais d’une nouvelle forme d’aides au développement dont l’action est davantage centrée autour de secteurs porteurs de richesses ou susceptibles d’affecter plus fortement la population  ; d’autre part, comme une opportunité à saisir par des multi nationales conscientes de l’amélioration du climat des affaires de nombreux pays du continent africain. Garants de l’afro responsabilité, nous avons décidé d’approcher sous trois angles différents cette médiatisation énergétique.

Une question pertinente, mais pas forcément prise sous le bon angle

Plusieurs articles de L’Afrique des Idées ont traité la question de l’énergie en général et de l’accès à l’énergie électrique de façon spécifique.  Malgré les multiples solutions qui existent de nos jours, les principaux obstacles au développement de la filière peuvent se résumer autour des trois points à savoir : (i) l’absence d’un cadre réglementaire propice au climat des affaires et en particulier dans un secteur où la rentabilité s’accorde sur le très long terme[1] ; (ii) la part importante des subventions qui semblent ne profiter qu’aux ménages les plus aisés[2] et (iii) la pérennité des projets par le coût d’accès abordable et durable[3] compte tenu du pouvoir d’achat. La question de l’énergie en Afrique semble donc plus corrélée au climat des affaires et aux disponibilités à payer des clients finaux hors subventions plutôt qu’à la question de capital-investissement qui est l’approche des initiatives évoquées ci-dessus.

Pourtant, plusieurs initiatives locales et sous régionales existent

A l’instar des espaces économiques, il existe aussi des pôles sous régionaux d’électricité (WAPP, EAPP, SAPP, etc..). Ces « Regional Power Pool » militent en faveur de l’intégration régionale. Il s’agira à long terme de créer des autoroutes de transport et de distribution de l’énergie produite. La complexité de la question du stockage jumelée à celle de l’intermittence des énergies nouvelles obligeront les parcs de production à se synchroniser en permanence pour répondre aux besoins de consommation, qui eux sont peu flexibles et ne cessent de s’accroitre.

En ce qui concerne l’électrification des zones rurales, il existe une institution baptisée « Club ER[4] » qui regroupe les agences et structures africaines en charge de l’accès à l’électricité en zone rurale. Basée à Abidjan depuis moins d’un an, le Club ER est une synergie des retours d’expérience des pays membres pour renforcer les institutions et le personnel par des solutions locales. Appuyée par l’Union Européenne pour sa première phase, l’institution est emmenée à voler de ses propres ailes dans les années à venir.

Un continent tourné vers lui-même et vers l’avenir et qui ne fait qu’écrire son Histoire

Dans une Afrique réputée pour son hétérogénéité, l’harmonisation des espaces régionaux a aussi accéléré la mise en œuvre des politiques énergétiques. A l’Ouest, la Commission de l’Union Monétaire Ouest Africaine finance depuis trois ans le Projet Régional de Développement des Energies Renouvelables et de l’Efficacité à hauteur de 20 millions d’euros dans sa phase pilote pour inciter les gouvernements à investir dans les énergies nouvelles. A l’Est, le Kenya et l’Ethiopie renforcent leur interconnexion pour combiner l’énorme parc géothermique et hydraulique en cours de construction. Au Centre, le projet Inga est encore à l’étude. Au Sud et au Nord, le travail a déjà été accompli, quand bien même la diversification des sources de production redéfinit la gestion du secteur. L’Afrique du Sud vient de lancer un Dossier d’Appel d’Offres de 500 MW supplémentaires.

Loin des projecteurs, le secteur de l’énergie en Afrique fourmille d’idées et de projets. Jean Raspail disait « que dans la guerre des ondes, le commentaire masque toujours l’événement[5] ». L’espoir est en déclin car si on ne veut se voir imposer des choix, nous devons être capables d’écrire notre avenir. C’est en cela que l’Afrique marque une révolution formidable car elle brûle certaines étapes ; elle mise autant sur le stockage et les réseaux intelligents sans passer par une industrie centralisée. Dangote souhaite diversifier ses investissements en signant un partenariat avec General Electric, pionnier dans la fabrication de turbines. Le groupe souhaite aussi faire de ses cimenteries des centrales à cycle combiné qui produiraient à la fois de l’électricité et de la chaleur en sus du ciment.

Enfin, l’espoir est en déclin parce qu’il ne s’agira pas simplement d’électrifier le continent. Il faudra garantir une énergie accessible à la masse dans un environnement où plusieurs centres d’accouchement n’ont qu’une bougie ou un téléphone portable pour s’éclairer, de multiples commerces, des hôpitaux et même des morgues ne peuvent respecter la chaine du froid faute d’une continuité de l’électricité, un avion en cours d’atterrissage est victime du délestage de l’aéroport ; ou simplement  ce pénalty d’une phase finale de coupe du monde écourté… C’est en cela que subsistent les défis de l’Afrique que nous voulons.[6]

Léomick Sinsin


[1] Le dilemme de l’électrification rurale

 

 

 

 

 

[2] Les subventions à l’énergie sont elles nécessaires ?

 

 

 

 

 

[3] Quelles sont les énergies les moins chères ?

 

 

 

 

 

[5] Le camp des saints, Jean Raspail

[6] http://terangaweb.com/lafriquequenousvoulons-2/

 

 

 

 

 

Le capital-investissement acclimaté à l’Afrique: un modèle en construction

capitalMalgré les taux de croissance élevés de la dernière décennie, le volume des investissements en Afrique est resté modeste comparé aux autres régions du monde. Le continent ne représente que 6.5% des transactions du capital-investissement sur les marchés émergents contre 78% pour les pays émergents d’Asie (1).  Une situation qui résulte de la stratégie des sociétés de capital-investissement ; ces dernières investissent principalement dans les entreprises à forte capitalisation. Les grandes entreprises des secteurs du pétrole, des mines, de la banque, des télécommunications sont privilégiées au détriment des PME, certes peu structurées, mais représentant l’essentiel du tissu économique des pays. La moyenne des tickets d’investissement est d’environ 10 millions de dollars -hors Afrique du Nord- (2) ; des montants que très peu de sociétés ont la capacité d’absorber. Il se pose ainsi la nécessité de repenser le modèle actuel du capital-investissement dans un contexte où, les performances des entreprises des marchés cibles sont affectées par la baisse des cours des matières premières, réduisant davantage les opportunités d’investissement.

 

Le développement de compétences entrepreneuriales : La solution face à l’effet paradigme

L’effet paradigme résulte des divergences entre les méthodes de gouvernance d’entreprise appliquées par les fonds d’investissements et celles souvent moins orthodoxes des PME africaines. Ce qui constitue un frein au développement du capital-investissement.

Il convient de présenter l’entreprise comme un système composé d’éléments en interaction permanente. Envisager une entreprise en tant que système revient à la considérer comme un ensemble organisé composé de différentes fonctions, individus, ayant tous des objectifs, pouvant être contradictoires. C’est cette contrariété en termes d’objectifs qui oblige le manager à adopter un modèle de gestion moderne afin de concilier les buts et assurer une croissance maitrisée. L’entreprise moderne met en place des procédures, établie des organigrammes, définit les responsabilités et les délégations de pouvoirs puis assigne les rôles aux individus. En Afrique, les PME ou les entreprises en début d’activité communément appelées  start-ups,  sont caractérisées par la concentration du pouvoir entre les mains du chef d’entreprise, qui n’est généralement pas prêt à le partager. Une autre caractéristique de ces entreprises est qu’elles sont pour la plupart familiales. On entreprend en famille. Des facteurs socioculturels peuvent expliquer cet état de fait. L’esprit communautaire, le sentiment d’appartenance à un groupe social, souvent  le village, est particulièrement présent dans les sociétés africaines. Zady Kessi, écrivain et Président du Conseil économique et social de Côte d'Ivoire,  disait dans Culture africaine et gestion de l’entreprise moderne (1998), que « L’esprit communautaire constitue la clef de voûte de l’édifice social africain ».

La mise en place d’un système de développement de compétences entrepreneuriales et d’apprentissage de bonnes pratiques, intégrant cette caractéristique indissociable à la culture de « l’entreprise africaine », qu’est l’esprit communautaire, trouve ainsi sens. Pour ce faire, le modèle des incubateurs est une piste. En effet les incubateurs, en plus d’être des lieux d’apprentissage, sont des lieux de socialisation. On apprend à se connaitre, à partager, à collaborer. Le lien de famille n’est plus le seul moteur de collaboration, donc de productivité. Pour l’investisseur, il permet de diffuser les meilleures pratiques en matière de gestion d’entreprise, mais aussi d’aligner ses intérêts avec ceux de l’entrepreneur ou du dirigeant de la PME dans l’optique de favoriser l’entrée au capital et le partenariat à long terme. Le développement du numérique accélère la transition vers ce nouveau modèle. De plus en plus de centres d’innovations se créent sous l’impulsion d’institutionnels et d’investisseurs. Au Ghana, le  « MEST » est un précurseur. Il a été créé en 2008 grâce au soutien de Meltwater, une multinationale spécialisée dans l’analyse de données en ligne. On le voit plus récemment  au Sénégal avec Cofina start-up House l’incubateur du groupe COFINA, une institution de financement. Cette approche qui semble se développer davantage en faveur des start-ups n’est pas exclusive aux entreprises en démarrage. Le capital humain étant le principal accélérateur de croissance ; les dirigeants des PME dans une démarche participative, au cours de périodes d’incubation ou de « camps de formation » organisés au sein de ces lieux, pourraient être invités à travailler ensemble hors du cadre familial. Le changement de génération à la tête des PME facilite la mise en œuvre de tels programmes. Ces moments seraient des occasions pour faire connaitre les règles du financement, en l’occurrence du capital-investissement, et faire apprendre l’orthodoxie en matière de gouvernance d’entreprise ; favorisant ainsi l’entrée au capital des PME.

 

Promouvoir des équipes locales et une nouvelle stratégie de levée de fonds

La particularité de la plupart des fonds d’investissement  intervenant en Afrique est de disposer d’équipes à très hauts potentiels. Ceci entraine des coûts de gestion élevés; ces dernières ayant des niveaux de rémunération identiques ou proches des standards occidentaux. Des équipes qui souvent, ne résident pas dans les pays où s’opèrent leurs investissements. Pour  J-M. Severino, Président d’I&P -un fonds d’investissement dédié aux PME africaines-, « avec les structures de coûts que doivent supporter les professionnels opérant depuis Londres, Paris ou Dubaï, il est quasiment impossible d’imaginer être rentable en investissant seulement 500 000 euros ou 1 million par opération». Une contrainte qui justifie le fait que ces fonds préfèrent participer à des transactions de plusieurs millions. Pour permettre aux structures plus modestes telles que les PME et les start-ups d’avoir accès aux énormes ressources du capital-investissement, il faut nécessairement favoriser la mise en place d’équipes locales. Cela passe par des transferts de compétences via des partenariats-métiers avec des structures ou des professionnels aguerris du capital-investissement. Ces équipes locales présentent l’avantage d’être proches des entreprises bénéficiaires des investissements. Ce qui s’avère primordial pour la réussite de ces dernières pour lesquelles un accompagnement dit « hand-on » ; c'est-à-dire au plus près de l’entrepreneur, est essentiel. Jean-Marc Savi de Tové, ancien de Cauris Management et associé du fonds Adiwale explique que, « La difficulté de ce métier, c’est qu’il faut vivre à moins de 5 Km de l’entreprise dans laquelle on investit, car l’entrepreneur va avoir besoin de vous presqu’en permanence ».  Les exemples de Teranga Capital au Sénégal ou de Sinergi au Burkina, des fonds soutenus par l’investisseur I&P et dirigés par des équipes locales sont illustratifs. Ces fonds investissent en moyenne entre 30  000 et 300 000 euros. Des montants qui correspondent aux besoins des entreprises.

Aussi réorienter la stratégie de levée de fonds s’avère indispensable. Au Sénégal par exemple -pays ayant bénéficié d’un des montants les plus élevés d’investissement d’impact en  Afrique de l’Ouest- ; sur 535 millions de dollars levés sur la période 2005-2015, plus de 80% ont été mobilisés par le biais de transactions de plus de 10 millions de dollars (3). Les investisseurs habituels des fonds d’investissement ont des exigences de rentabilité qui peuvent contraindre les gestionnaires à cibler, les grandes entreprises présentant un profil de risque moins prononcé ou, des transactions dans les projets d’infrastructures, au détriment des entreprises de plus petite taille ne garantissant pas le niveau de rentabilité souhaité. S’orienter vers des investisseurs sociaux à vocation entrepreneuriale, c'est-à-dire privilégiant un impact social par l’accompagnement des entreprises, favoriserait l’accès aux ressources aux PME et aux start-up. Il s’agit entre autres des fondations, des institutions de développement au travers de programmes spécialisés, d’investisseurs privés, etc. Selon la Banque mondiale, les jeunes représentent 60% de l’ensemble des chômeurs africains. Le rapport Perspectives Économiques en Afrique du Groupe de la Banque Africaine de Développement publié en 2012 indiquait que le continent avait la population la plus jeune au monde, avec 200 millions d’habitants âgés de 15 à 24 ans ; un chiffre qui devrait doubler d’ici 2045. Les défis auxquels fait face l’Afrique, en l’espèce la problématique du chômage des jeunes, rendent davantage pertinent cette approche et le choix du continent comme terre d’investissement pour ces investisseurs. Ce capital dit « patient » permet de rallonger la durée des investissements. En moyenne de sept (7) ans dans le modèle classique, la durée des investissements pourrait aller au-delà de dix (10) ans et ainsi garantir une croissance réelle des entreprises financées.

 

Instaurer un cadre législatif et fiscal avantageux et encourager la création d’associations locales du capital-investissement

Disposer  d’un environnement juridique et fiscal incitatif pour le capital-investissement, véritable alternative à l’emprunt bancaire, est essentiel au plein essor de ce mode de financement. Le développement de ce concept a toujours été précédé par l’introduction d’un cadre juridique organisateur. Aux Etats-Unis où est né le capital-investissement, il a fallu la promulgation du décret de la Small Business Investment Act (4) par le gouvernement américain en 1958, pour voir se développer le métier de capital-investisseur. Certains pays africains ont pris la mesure de l’importance du capital-investissement en édifiant des réglementations propres à ce métier ; c’est le cas de l’Afrique du sud et de l’île Maurice -où sont enregistrés la plupart des fonds d’investissement opérant en Afrique-. Dans l’espace UEMOA, une loi Uniforme sur les entreprises d’investissement à capital fixe a été prise et transposée par certains pays. Malgré des avancées sur le plan fiscal de cette loi, elle reste silencieuse sur certains points. S’agissant de la gouvernance des sociétés, elle n’indique pas les modalités de gestion et de contrôle. Par ailleurs, aucun texte ne précise clairement le capital minimum requis. Des améliorations restent à apporter afin de rendre cette loi plus efficace et incitative ; notamment en rendant possible un accompagnement financier par  les Etats, à ces sociétés, avec pour objectif de favoriser le soutien financier aux PME et aux start-ups. Cela passe par l’orientation de l’épargne locale, en l’occurrence celle collectée par les caisses de retraite, vers les fonds dédiés.

Afin de dynamiser le secteur du capital-investissement en Afrique, la mise en place d’associations locales est essentielle. Tel que préconisé par Jean Luc Vovor, – associé de Kusuntu Partners- lors d’une conférence tenue à Lomé sur le sujet ; les associations locales de capital-investissement devraient avoir pour mission d’informer et de promouvoir cette classe d’actif, parfois méconnue, auprès des partenaires que sont les entreprises en l’occurrence les PME et les start-ups, les sociétés d’investissement, les fonds de pension et les Etats.

La diffusion d’informations passe au préalable par le développement de programmes de recherches liés à ce secteur ; avec des recherches sectorielles, des enquêtes, le développement de normes, et aboutissant sur des sessions de formation et d’information. L’association sud-africaine de capital-risque et de capital-investissement (SAVCA), par son action, a favorisé l’instauration et la promotion de la réglementation relative aux fonds de pension en 2011 ; des amendements ont permis auxdits fonds de faire passer à 10% la part du capitalinvestissement géré. Il s’agit là du rôle déterminant que pourraient jouer les associations locales dans le développement du capital-investissement en Afrique.

 

Un écosystème entrepreneurial dynamique est essentiel au développement du capital-investissement en Afrique. Contribuer à l’éclosion de cet écosystème passe par la mise en place de centres de développement de compétences entrepreneuriales, en favorisant l’accès au financement. Les programmes comme celui lancé récemment par la BAD et la Banque européenne d’investissement, Boost Africa, qui ambitionnent de couvrir la totalité du secteur de la création d’entreprise ; en aidant à constituer un portefeuille de 25 à 30 fonds au cours des prochaines années sont à multiplier. Pour croitre et créer des emplois durables, les entreprises à forts potentiels que sont les start-ups et les PME ont besoin d’investisseurs capables de s’adapter à leur niveau de risque. Le capital-investissement en Afrique doit s’inscrire dans un cadre plus global mêlant développement de compétences, promotion d'équipes locales, accès au financement, et implication des pouvoirs publics.

 

 

Larisse Adewui

 

  1. Source : EMPA, Fundraising & Investment Analysis, Q4 2014
  2. Source : EMPA, Fundraising & Investment Analysis, Q4 2014
  3. Source : Le Marché de l’investissement d’impact en Afrique de l’Ouest : Etat des lieux, tendances, opportunités et enjeux actuels, Pages 12-17
  4. La Small Business Act est une loi du congrès des Etats-Unis votée en 1958,  visant à favoriser le développement des PME.

Blue economy: an opportunity for inclusive growth In Sub-Saharan Africa

blueSub-Saharan African countries have over the last few decades recorded strong growth rates, resulting in an average growth of about 5% in the region in 2014. Countries such as Côte d’Ivoire, Kenya and Senegal have continued to perform well in spite of the notable drop in 2015 as a result of the fall in oil prices.

Despite these performances, most Sub-Saharan African countries continued to be plagued by high levels of poverty and inequalities and low standards of health and education systems, which explain the reason for their very low Human Development Index (HDI). According to the 2015 UNDP report on Human Development, 38 of the 48 Sub-Saharan countries are ranked among the fourth and last categories of countries with the lowest Human Development.

This situation can be attributed to a lack of exploitation of all the potentials available to these African countries. These include potentials offered by the seas, oceans, lakes and rivers, through fishing, tourism, commerce, energy supply and the production of pharmaceutical products which ensure the creation of wealth and employment. While maritime commerce can be said to be developed in the coastal nations of sub-Saharan Africa, fishing, tourism, energy and pharmaceutical production remain under exploited.

This article revisits the under-exploited aspects of the Blue economy in the Sub-Saharan African region that offer  a strong economic growth potential for the region.

Tourism: An under-exploited but important revenue-generating sector for Sub-Saharan Africa

According to the World Tourism Organization, Global revenues for tourism was about $1.5 billion in 2014, in which $221 billion was revenue from passenger transportation and $1245 billion  was from visitors’ expenditures in accommodation, food and drinks, leisure, shopping and other goods and services. This offers a really great opportunity in direct employment, particularly for the youth.

However, although the global revenues for tourism were high, Africa was only able to gain 3% from this total revenue – which equals less than 3% for Sub-Saharan Africa. This low tourism revenue rates is due to lack of significant political action that ensures revenue growth in the tourism sector. This lack of policy is characterized by under-equipped and under-managed beaches, inadequate infrastructure, a lack of promotion of tourist sites, and oftentimes a high political instability. If Sub-Saharan African countries, through the tourism potentials that the oceans offer can improve their tourism sector and achieve at least 10% from the global revenue for tourism totaling about $150 billion, they would then be able to have additional resources to finance other  developmental projects.

Fisheries and Aquaculture: Low African Productivity in the global market

The Food and Agricultural Organization (FAO) in its 2016 report on the State of the World Fisheries and Aquaculture highlights the fact that fish continue to be one of the most traded basic commodities globally, and that more than half of the  these exports are from developing countries. However, African marine and coastal aquaculture production was only 0.2% in 2014 (FAO 2014). This then gives a lower estimated turnover for Sub-Saharan Africa.

Considering the fact that Africa has an estimated maritime area of about 13 million square kilometers, it is a wonder why African production is not large enough. The importance of fishery and aquaculture in the economic transformation of Sub-Saharan African countries towards inclusive economies lies in their ability to create direct employment particularly for the underprivileged population. For example in Mauritius, 29,400 jobs were created through the Fishing sector in 2014, according to the FAO.

More so, there is no doubt that fishery and aquaculture have played an important role in the economic expansion of Asian countries over the past decades. That 53% of the global maritime and coastal aquaculture production of fish come from Asia in 2014, is proof   of  this fact. In other words, the global exports of fish, cited at the beginning of this section, come principally from Asian countries.

Hydro-electricity: Harnessing the   Potential to fully Power Africa

Energy is undoubtedly essential in the economic development of any country. Electricity is vital for the proper functioning of services such as health and education, as well as for the smooth running of businesses that create employment.

Access to electricity, especially in the rural areas would help in the creation of a certain employment, allowing the structural reduction of the level of poverty. Despite these benefits however, according to the African Development Bank, more than 640 million Africans do not have access to power, which corresponds to an access rate of just over 40%. The same source states that the energy consumption per capita in Sub-Saharan Africa (excluding South Africa) is about 180kWh, a far cry from 13,000 kWh per capita in the U.S, and 6,500 kWh in Europe.

Despite the fact that Hydroelectricity supplies about a fifth of the current energy capacity, this represents only a  tenth of its total output. Yet according to the International Energy Agency, the ocean’s renewable energy could supply up to 400% of the global demand. Simply put, the 28 coastal countries in Africa can fully power up their population and can equally export energy to the remaining 20 Sub-Saharan African countries. African states must therefore consider further exploitation of hydroelectricity so as to supply energy to their populations. This would enable the creation of jobs and ensure an all-inclusive growth.

Climate-change awareness

Despite their enormous provision of natural wealth to the population, the over exploitation or the improper exploitation of the oceans, seas, rivers and lakes can have adverse effects on the environment. The Life Index of marine species have indeed decreased by 39% between 1970 and 2000. It is therefore essential to respect certain rules in addressing the environmental production while enjoying the benefits of a Blue Economy. Countries wishing to take advantage of the Blue economy can look into the recommendations made in the Africa’s Blue Economy: A policy Handbook, of the United Nations Economic Commission for Africa. These policies include, among others, the development of a framework in promoting infrastructure that respects the environment such as green ports and the use of renewable technologies. The report also recommends investment in information services on the environment to facilitate the ready availability of information on the climate and the environment.

Translated by: Tomilade Adesola

Source :

http://www.uneca.org/publications/africas-blue-economy-policy-handbook

http://www.undp.org/content/undp/fr/home/librarypage/hdr/2015-human-development-report.html

http://media.unwto.org/fr/press-release/2015-04-15/les-exportations-du-tourisme-international-grimpent-1-500-milliards-d-usd-e

http://www.afdb.org/fr/the-high-5/light-up-and-power-africa-–-a-new-deal-on-energy-for-africa/

http://www.fao.org/documents/card/fr/c/9ba59d60-6d96-4991-b768-3509eeffc4da/

http://www.worldwildlife.org/publications/reviving-the-oceans-economy-the-case-for-action-2015

Is financial aid helping Africa?

“Give a man a fish and you feed him for a day ; teach a man how to fish and you feed him for a lifetime”. In simple words this saying explains the complexity that lies behind financial aid. Back in 1970, the United Nations General Assembly adopted resolution 2626, it was agreed that: “Financial aid will, in principle, be untied […] Developed countries will provide, to the greatest extent possible, an increased flow of aid on a long-term and continuing basis.”

Half a century later, hundreds of billions of dollars have been transferred from rich countries to Africa, yet as the percentage of its population living under the poverty threshold ($1.90/day) has decreased, the total number of people living under this same threshold has increased ; a real paradox. An explanation alone will not do, there is a need to find a solution as well. The Organization for Economic Co-operation and Development (OECD) in its 2015 edition report recorded that $55 billion were given by its member to Africa. Contrary to popular belief, the biggest receivers are not African countries but Asian countries. Afghanistan, Myanmar and Vietnam are the top receivers of financial aid in the world, whereas in Africa the biggest receivers are Egypt ($5.5 billion), Ethiopia ($3.8 billion) and Tanzania ($3.4 billion).

 

Of the $55 billion given to the continent, the biggest donators are the United States ($8.9 billion), the International Development Association (IDA) ($6 billion) and the European Union ($5.9 billion). Almost half of these $55 billion were allocated to the social sector which includes education, health and water treatment. This choice is not random, focusing on such a crucial sector facilitates the development of a country through the expansion of its production function which is allowed by improving the available factors of production. Furthermore, it can be argued that the Millennium Development Goals (MDGs) were directly targeted through such policies. Surprisingly, the economic sector accounts for only one fifth of the $55 billion given. This raises many questions especially when considering that under this category fall transport, communications, energy and banking. By leaving aside such important components, economic growth is hindered and development is in harm’s way.

Usually, the receivers are blamed first when there is a lack of effectiveness from financial aid. Bad governance is pointed out; it is true that some leaders did not hesitate to embezzle financial aid. No one really knows how much wealth Mobutu Sese Seko gathered (even though some claim it to be $13 billion) while his country was running at the time with a debt of no less than $13 billion… Although, even when good intentions are present, mismanagement is another problem. Sadly, the white elephant (Expensive investments that serve no purpose) has become the most widely observed animal in Africa as financial aid is spent on non-essential sectors, due to a lack of expertise. Yet, this should not mean that the responsibility falls solely on the receivers.

The roles of the donators can also be questioned. 46 years ago it was agreed between the UN and the donating countries that each year, they would donate 0.7% of their gross national product (GNP) to developing countries. As of today, only five countries meet this criteria: Denmark, Luxembourg, Norway, Sweden and the United Kingdom… Then again, giving too much money can also be a problem as it causes a dependency on financial aid. Even more troubling is tied aid, its consequences are gruesome as entire populations are deprived because their governments do not satisfy the political criteria established by the community of donators.

Last but not least, the arrival of new donators should be welcomed cautiously. Even though most of the donators are western countries, new ones are emerging. The BRICS (Brazil, Russia, India, China and South Africa) as well as Turkey are more and more contributing. Furthermore, with economic downturns for the western economies, their donations has substantially decreased. This has allowed these new actors to rise, China for instance has pledged to donate $60 billion to Africa during the last China-Africa summit. However, the arrival of new donators does not necessarily lead to a more favorable situation for the receivers ; in the end good governance and inclusive growth are both the reactants and the products in this equation.  

 

Meanwhile, Africans living outside the continent send more and more money home to their families. It is only a question of time before remittances outweigh financial aid given to the continent… A strong reminder that Africans have the power to change Africa foremost.

 

Riad KAID SLIMANE

 

REFERENCES

OECD, Development Aid at A glance, Statistics by region, Africa, 2015 edition. http://www.oecd.org/dac/stats/documentupload/2%20Africa%20-%20Development%20Aid%20at%20a%20Glance%202015.pdf

MOYO Dambisa, Dead Aid: Why aid is not working and how there is a better way for Africa, 2009, p.208

L’Afrique, fer de lance d’une révolution financière ?

Partout dans le monde, on assiste à un bouleversement du paysage financier[1]. Les banques traditionnelles sont prises de vitesse par des acteurs nouveaux, dits barbarement fintech et/ou opérateurs de mobile banking (MNO ou MVNO)[2], optimisant l’usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). En Afrique, cette tendance est croissante. Ce continent peut-il mener la voie d’une nouvelle ère financière ? 

L’Afrique, épicentre technologique des services financiers

Le phénomène de digitalisation financière est plus aigu sur le continent africain pour de nombreuses raisons. Tout d’abord, les startups étiquetées « fintech » grouillent. Ce constat est sans équivoque et ce, dans la plupart des pays africains, notamment en Afrique de l’Est et en Afrique du Sud. Certaines se sont même fait remarquées sur la scène internationale, attirant investisseurs étrangers en quête de solides retours et/ou d’impact social. Ainsi, sur l’ensemble des investissements alloués aux jeunes entreprises africaines dans les NTIC en 2015, 30% concernaient les fintech[3]. Soutenues par un écosystème favorisant le développement de ces entreprises – avec une offre croissante d’accompagnement par des incubateurs et des concours entrepreneuriaux – ces pépites jouissent d’un environnement de plus en plus favorable à leur éclosion.

L’Afrique peut se targuer d’être le continent du mobile money et banking (ou m-paiement). La majorité des services de mobile money s’opérant à l’échelle planétaire ont lieu en Afrique (52%)[4]. Leur développement est exponentiel avec, en 2015, trois fois plus d’utilisateurs de portefeuille mobile et numérique qu’aux Etats-Unis et avec un rythme de croissance trois fois supérieur[5]. Cependant, certaines précisions s’imposent. D’une part, parler de rupture technologique en Afrique revient à négliger la situation actuelle. Contrairement aux pays occidentaux où l’offre bancaire est bien ancrée auprès une clientèle large, l’Afrique – avec des nuances pour l’Afrique du Sud – ne dispose pas de banques jouissant d’une telle base clientèle (9 Africains sur 10 n’ont pas accès aux services bancaires). Dès lors, ces acteurs créent des infrastructures et des services là où l’existant est quasi nul. D’autre part, la révolution en question n’est pas brutale mais par phases. Le déferlement du mobile money appartient à une première tendance, certes non achevée mais déjà talonnée par une seconde vague d’innovation menés par les fameuses fintechs. Alors que les services de mobile money, sont, dans l’ensemble, pilotés par de grands groupes de télécommunications et basés sur le téléphone portable, les fintechs sont surtout le fait d’entrepreneurs innovants en solo et axées sur l’usage d’internet[6].

Pionnière ou retardataire ?

Cette distinction permet de mieux apprécier si l’Afrique fait figure de pionner à l’échelle internationale ou si elle ne fait que rattraper un fort retard de bancarisation, avec des moyens qui lui sont propres. La réponse n’est pas binaire : l’Afrique crée de zéro des solutions répondant à des besoins basiques, pour combler le déficit de réponse adaptée des acteurs traditionnels. Cependant, la forme prise par ces solutions introduit un paradigme nouveau que les pays développés sont en train de copier, prenant dès lors l’Afrique pour modèle. Ainsi, on assiste à un bourgeonnement d’offres bancaires à distance en France (exemples de Soon, Hello Bank pour n’en citer que certaines) ; encore embryonnaires au Nord, elles font en revanche partie intégrante du paysage au Sud. En revanche, le focus sur le Nigeria du dernier rapport du cabinet KPMG sur les services financiers en Afrique souligne que les banques traditionnelles africaines semblent connaître les mêmes problématiques que leurs consœurs occidentales en ce qui concerne le passage au numérique. La conversion de leurs clients – qui utilisent déjà les plateformes numériques mais pour d’autres usages – à des services bancaires en ligne ne va pas de soi et la facilité d’utilisation reste un défi pour nombre de banques africaines.

Pourquoi un positionnement d’avant-garde ?         

Tout problème appelle une solution. C’est cette raison simple qui explique principalement l’ébullition constatée en matière de services financiers innovants. Elle se vérifie magistralement dans la problématique cruciale du financement des PME. Délaissées des banques – qui, peu flexibles, requièrent un nombre faramineux de garanties et comprennent mal leurs capacités de crédit – respectivement trop petites et trop grandes pour la plupart des fonds d’investissement et les institutions de microfinance – avec un ticket d’entrée trop élevé/petit pour ce segment – les PME reçoivent un meilleur accueil auprès de plateformes telles que Merchant Capital ou Rainfin en Afrique du Sud qui ont une connaissance fine de leurs besoins avec une proposition de valeur adaptée et flexible.

Similairement, alors que des institutions de la place existent pour répondre à des problématiques du quotidien, l’utilisation du numérique permet à d’autres acteurs de proposer des solutions plus adaptées, en accord avec les préférences des consommateurs africains[7]. Ainsi, en matière de transferts d’argent, face aux mastodontes occidentaux, l’opérateur de mobile money QuickCash cible les populations non desservies en brousse, reliant en particulier les planteurs de cacao en Côte d’Ivoire et leur famille dans les pays frontaliers. De même, la fintech WorldRemit a su s’imposer en se montrant plus réactive et moins chère pour répondre aux requêtes majeures de la diaspora. Ces exemples soulignent que, l’agilité et l’innovation, au-delà même de la technologie, sont les clés expliquant le succès des fintechs en Afrique. Dans le même registre, l’histoire de M’Pesa confirme cette hypothèse : c’est en saisissant que la population utilisait le temps de communication comme une monnaie d’échange, que Safaricom a eu l’idée de lancer l’opérateur de mobile banking kenyan.

Une tendance en plein essor

Premièrement, le marché est encore très peu desservi et ne demande qu’à croitre. Les chiffres sont cités à tour de bras mais leur effet demeure significatif : sur près de 330 millions d’adultes, 80% manquent d’accès aux services bancaires formalisés. Deuxièmement, une intégration est en cours, à la fois de manière organisationnelle et sectorielle. D’une part, banques et opérateurs de services virtuels tendent de plus en plus à s’associer pour renforcer leur service client et accroitre leur couverture. On peut ainsi citer les unions entre la Commercial Bank of Africa (CBA) et Safaricom au Kenya, créant M-shwari, ou entre des institutions de microfinance et M-Birr en Ethiopie. Multipliant les services, l’intégration entre MTN avec une division de la Standard Bank en Afrique du Sud, entre Airtel et Equity Bank au Kenya ou entre les opérateurs télécom et la Société Tunisienne de Banque ont favorisé des offres nouvelles, telles que la consultation des comptes, le transfert d'argent d'un compte bancaire à un autre via le mobile, le paiement de factures, le prêt bancaire, etc. En Afrique de l’Ouest, cette tendance a favorisé la forte croissance enregistrée depuis 2013 dans le mobile-money[8].

D’autre part, l’innovation est dynamisée par une intégration sectorielle. Cette caractéristique positionne sans conteste l’Afrique comme pionnière. L’utilisation des technologies déployées par les fintechs ouvre la voie à l’inclusion d’autres services financiers (e-santé, e-assurance, e-éducation, etc.). Ainsi, à l’instar de M’Kopa, des fintechs se sont mises à offrir à leurs clients des services divers et variés étoffant leur modèle économique et leur part de marché. C’est dans cette perspective que peut se comprendre la dernière annonce par Jumia de se doter se son propre système de financement par mobile.

Les raisons foisonnent pour que cette tendance se maintienne à vive allure. Jusqu’à présent, contrairement à leurs analogues américains, les fintechs africaines n’ont pas ou peu tiré profit de la masse de données qu’elles drainent quotidiennement. C’est pourtant une mine d’or ! L’analyse de ces informations permettraient entre autres de mieux cibler leur clientèle, avec des offres plus adaptées, de réduire les risques, etc. Une autre opportunité vient de l’adaptation du marché du travail aux problématiques émergeant à mesure que se constitue une classe moyenne à l’aise avec les technologies numériques. De nouveaux métiers et de nouveaux modèles apparaissent. Au Rwanda, les entreprises Rwanda Online et Pivot Access se sont alignées avec la vision nationale de devenir un hub numérique en Afrique en se positionnant comme des plateformes de services intégrés facilitant la vie au quotidien de la population (visa, enregistrement d’entreprise, paiement des impôts, etc. … le tout en ligne). Enfin, et non des moindres, la bonne marche des fintechs va de pair avec la nécessité de répondre urgemment à des enjeux sociaux : leur développement favorise l’inclusion financière, l’entrepreneuriat, l’égalité financière pour les deux sexes et la réduction de la corruption.

Les freins et nuances de ce développement

Si la vague des fintechs est excitante à plus d’un titre en raison de son impact socio-économique majeur pour le continent, elle doit toutefois être nuancée. Tout d’abord, elle s’inscrit dans une mode pour les startups en NTIC. Etre un entrepreneur en Afrique est branché, être un entrepreneur fintech, ça l’est doublement. Le revers de cette clinquante médaille est l’illusion qui peut s’ensuivre. Alors que les fintechs pullulent, bon nombre d’entre elles ont une vie très courte. Le taux d’échec, comme partout, est très élevé, tandis que le discours ambiant semble faire fi des difficultés inhérentes à ce secteur. En Afrique, ces dernières s’expliquent par un manque de capacités techniques. Les diplômés rechignent souvent à rejoindre des startups face à des propositions bien plus alléchantes de grandes entreprises[i]. L’autre écueil tient à la stratégie de distribution. M’Pesa a trébuché sur cet obstacle de taille en Afrique du Sud, en copiant son modèle kenyan et en négligeant l’effet de réseau indispensable pour réussir dans ce marché.

Sur le plan macroéconomique, deux enjeux majeurs pourraient entraver l’expansion des fintechs africaines. D’une part, l’absence ou le patchwork de cadres règlementaires pose un risque à la fois pour les usagers et les acteurs financiers. Comment s’assurer de la viabilité du système ? Comment prévenir toute bulle financière dans un marché faiblement/mal régulé ? Des codes tels que le The GSMA Mobile Money Code of Conduct, the SMART Campaign et the UN Principles for Responsible Investment, ont commencé à voir le jour mais ils restent embryonnaires face à un écosystème fourmillant et peu discipliné. D’autre part, si l’Afrique peut se constituer en modèle, son offre reste limitée à l’intérieur de ses frontières. Selon le rapport de l’UNCTAD, l’exportation des services technologiques africains est marginal, représentant seulement 0,3% des exportations mondiales en technologie de pointe[9], amoindrissant toute idée de positionnement pionner.

En conclusion, le trait le plus inspirant des fintechs africaines, mais qui ne leur est pas propre, est certainement leur agilité. Moins que la technicité, c’est leur spontanéité qui fait pâlir les banques occidentales, ou les poussent à les accompagner pour mieux s’en inspirer[10].

 

 

Pauline Deschryver


[1] http://cdn.resources.getsmarter.ac/wp-content/uploads/2016/08/mit_digital_bank_manifesto_report.pdf

[2] Par Fintech, on entend des innovations techniques appliquées aux services financiers classiques et des services financiers modifiant le paradigme financier ; MNO est l’acronyme anglais pour les opérateurs de réseau mobile virtuel

[3] Disrupt Africa African Tech Startups Funding Report 2015

[4] State of the Industry Report Mobile Money, GSMA 2015

[5] Source : VC4 Africa

[6] White Paper « The powerful rise of the 2nd generation of mobile banking in Africa », FINTECH Circle Innovate & Bankin Reports

[7] Selon le dernier rapport de KPMG sur le secteur bancaire en Afrique, le service client est le premier critère d’évaluation pour une banque

[8] On peut citer les associations entre les groupes Ecobank, BNP Paribas, Société générale et BIAO qui se sont associés à travers leurs filiales d'Afrique de l'Ouest avec Orange, MTN et Airtel.

[9] UNCTAD Technology and Innovation Report

[10] A l’instar d’institutions comme Barclays, qui a mis en place une communauté promouvant les fintechs africaines, Barclays Rise.


Perspectives économiques régionales: une croissance à plusieurs vitesses en Afrique subsaharienne!

Selon les dernières prévisions du FMI, le taux de croissance économique (la croissance moyenne)  de l’Afrique subsaharienne devrait descendre à son plus bas niveau depuis plus de vingt ans. Ces  prévisions publiées précisément le 16 Octobre 2016   dans son rapport semestriel  sur «les Perspectives économiques régionales pour l’Afrique subsaharienne » soulignent  aussi une croissance hétérogène entre les différents pays de la région.

En effet, la conjoncture actuelle de l’économie mondiale, dominée précisément par la baisse continuelle des cours du pétrole et des matières premières,  a eu des effets différents sur les pays de la région en fonction de la structure de leur économie (pays exportateurs ou importateurs de pétrole, pays riches ou pauvres en ressources naturelles).

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             Afrique subsaharienne : croissance du PIB réel

De facto, les pays  tributaires des exportations de ressources naturelles (le pétrole) connaissent aujourd’hui un fort ralentissement    de leur économie. Des tensions causées, en partie, par la chute des exportations vers la Chine – premier partenaire commercial de la région (qui fait face à d’énormes difficultés économiques)  – mais aussi vers le reste du monde. Ainsi les pays comme le Nigéria, l’Afrique du sud et l’Angola ont vu leurs recettes nationales amputées  dans des proportions allant de 15 % à 50 % de leurs PIB depuis le milieu de l’année 2014.

Cependant, cette situation l’économie mondiale profite à d’autres pays comme le Sénégal, la Côte d’ivoire, le Kenya, l’Éthiopie …qui continuent d’afficher de bons résultats, car bénéficiant de la baisse des prix des importations de pétrole, de l’amélioration du climat des affaires. Ces pays devraient  continuer d’enregistrer des taux de croissance allant de 6 %  à  8%  dans les deux prochaines années, selon le même rapport. Mais dans l’ensemble, la production de la région ne devrait progresser que de 1,4 % en 2016. Un chiffre correspondant à ceux des années 1977, 1983,1992 et aussi de l’année 2009  date à laquelle la plupart des pays industrialisés du monde sont rentrés en récession la suite du krach de l'automne 2008.

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Afrique subsaharienne : croissance du PIB réel Pendant les épisodes de ralentissement économique actuel et passés

En plus de ces facteurs exogènes, la manque de transparence  des politiques publiques des pays les plus touchés a fortement contribué à leurs relentissements actuels et aux tensions économiques qu’ils connaissent. En ce qui concerne la politique économique, la réaction des différents gouvernements  fut lente voire même parcellaire.Et les progressions ou les croissances prévues pour les pays comme  la Côte d’ivoire, le Sénégal, l’Ethiopie, etc. pour les années à venir n’auraient pas d’effets ou d’impacts  sur l’économie des pays touchés  en raison de la faible intégration économique de la région.

Toutefois, les prévisions du FMI annoncent aussi une reprise modeste, avec une croissance d’un peu moins de 3 % pour l’année prochaine mais sous certaines conditions. Cette reprise ne serait possible que si  les différents gouvernements concernés, c’est-à-dire ceux qui dependent de l’exportation du  pétrole, mettent en place un ajustement budgetaire efficace à moyen terme.En d’autres termes,ces pays doivent  trouver des nouveaux moyens de financement de leurs économies  qui pourraient contribuer à attenuer l’effet de freinage à court terme sur la croissance et réduire l’incertitude qui fait actuellement obstacle à l’investissement privé.

D’ailleurs, cette problématique du financement des économies africaines a été le thème de la Conférence annuelle 2016 de l’Afrique des Idées qui avait réuni plusieurs experts au sein de l’université Paris Dauphine le 4 juin 2016.  L’élargissement de l’assiette fiscale, les Partenariats Public-Privé (PPP) sont des pistes à explorer pour garantir des moyens durables de financement des économies africaines.

Hamidou CISSE

Améliorer les chances d’être financièrement inclus au Sénégal

siege-bceaoDans les pays développés, la plupart des adultes ont un compte auprès d’une banque ou d’une autre institution financière. La réalité est bien différente dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, et notamment au Sénégal. Selon une enquête effectuée par le Groupe de la Banque mondiale, moins d'un adulte sénégalais sur cinq (17 %) indique posséder un compte dans une institution financière formelle, qui incluent les banques, les institutions de microfinance, et les porte-monnaie électroniques.

Bien que les niveaux d’inclusion financière au Sénégal soient similaires à ceux d'autres pays à revenu moyen inférieur, le pays accuse un retard par rapport au taux d'inclusion moyen des économies d'Afrique subsaharienne.
 
Pourquoi 6 millions d'adultes sénégalais sont financièrement exclus ? Pour répondre à cette question, il est important de remarquer qu’en matière d’inclusion financière, il y a de fortes inégalités. Au Sénégal, l'inclusion financière varie considérablement entre les sous-groupes de population.
 
Par exemple, la probabilité d’inclusion financière des hommes sénégalais est supérieure de neuf points à celle des femmes. Cette différence peut être expliquée en partie par le fait que les femmes participent généralement moins aux décisions financières du ménage. Seules 23 % des femmes ont déclaré être responsables des dépenses quotidiennes du ménage, contre 36 % des hommes.
 
Les populations urbaines sont aussi beaucoup plus susceptibles d'être financièrement incluses que les populations rurales, à 22 % contre 13 %. En outre, les adultes qui gagnent un revenu élevé ou moyen ont 12 % de chances de plus d'être financièrement inclus que ceux qui gagnent un faible revenu.
 
Selon l’enquête, 54 % des Sénégalais déclarent ne pas avoir assez d'argent pour posséder un compte, 19 % indiquent préférer l’utilisation d’espèces, tandis que 14 % estiment ne pas avoir besoin de compte. Enfin, 8 % des adultes trouvent les frais de transaction trop élevés.
 
Au Sénégal, il existe des obstacles à la sensibilisation aux produits et concepts financiers. Par exemple, environ 80 % des adultes interrogés connaissent les services de transfert d'argent, moins de 70 % étaient conscients de l’existence des banques commerciales, et 25 % étaient familiers des institutions de microfinance et de leurs services.
 
Une comparaison internationale dans 12 pays en voie de développement a montré que les Sénégalais ont tendance à veiller sur leurs dépenses et à planifier leur retraite; ils affichent cependant la performance la plus faible quant à leur capacité à comparer les produits financiers, et notamment à lire les prospectus relatifs aux tarifs et conditions, ce qui les empêche de choisir des produits répondant à leurs besoins.
 
Ces résultats sont préoccupants car ils entravent l’adoption et l'utilisation des produits et services financiers formels au Sénégal. Les comptes transactionnels sont généralement le premier point d’entrée dans le système financier formel. Sans un compte pour effectuer des transactions, les Sénégalais sont amenés à effectuer des transactions qui peuvent s’avérer souvent risquées, coûteuses, et incommodes.
 
Le Sénégal a fait une priorité de l’amélioration de l'accès et de l'utilisation responsable des produits et services financiers. En 2012, le pays s’est engagé, en vertu de la Déclaration de Maya, à accroître l'inclusion financière et a depuis adopté une série de mesures. L'approche a été payante : entre 2014 et 2015, le nombre d'adultes formellement inclus est passé de 15 % à 17 %.
 
Compte tenu de ces défis, on peut toutefois se demander comment le Sénégal peut augmenter ses chances des pauvres, des femmes et des populations rurales d'être financièrement inclus.
 
Voici quelques suggestions :

  • Continuer à élaborer des stratégies : les autorités devraient continuer à développer une Stratégie nationale d'inclusion financière (SNIF) pour veiller à ce que l'engagement des parties prenantes, des secteurs publics et privés, en faveur de l'inclusion financière, soit explicite, solide et soutenue.
  • Tirer profit des canaux de distribution sans succursales fixes : de nouveaux modèles économiques, tels que les services bancaires mobiles ou à l’aide d’un agent, peuvent considérablement réduire les coûts de prestation des services financiers, notamment dans les zones à faible densité et reculées, et promouvoir un accès pratique aux services financiers.
  • Encourager l'adoption et l'utilisation de comptes transactionnels de base à peu ou pas de coûts : le Sénégal dispose d’une réglementation qui assure à chacun le droit à un compte bancaire de base et sans frais, toutefois, les incitatifs économiques semblent insuffisants pour que le secteur privé offre volontairement ce type de comptes à ses clients.
  • Promouvoir des services financiers diversifiés : même si de nombreux Sénégalais ont peu d'argent, ils épargnent quand même, principalement par le biais des canaux informels. Les produits d'épargne formels peuvent aider à garantir les épargnes, ce qui peut aider les ménages à gérer les fluctuations de trésorerie, à lisser leur consommation et à construire des montants forfaitaires. Le développement de produits d'assurance pourrait aussi être considéré, puisque ceux-ci peuvent aider à atténuer les chocs et à faire face aux dépenses liées à des événements inattendus, comme les urgences médicales, les vols ou les catastrophes naturelles.
  • Innover : la transmission de messages financiers par le biais des moyens novateurs, tels que les séries de télévision populaires, les films, les vidéos ou les émissions de radio, peut être efficace pour l'amélioration des connaissances et, plus important encore, la modification du comportement. Les SMS périodiques et les applications mobiles pourraient être autant de canaux de diffusion prometteurs et rentables. Des études en Bolivie, au Pérou et aux Philippines montrent que l'envoi de SMS en temps opportun pour rappeler aux gens d'économiser est efficace pour aider à la mobilisation de l’épargne pour atteindre des objectifs d'épargne préalablement déterminés.

 

 

Cet article est issu des Blogs publiés par la Banque Mondiale et a été soumis par SIEGFRIED ZOTTEL.