Boom du e-commerce dans le monde : l’Afrique est-elle préparée ?

ecomDans le monde, 1 462 milliards d’euros ont été générés par l’e – commerce en 2014 avec en tête la Chine et les États – Unies[1]. En parallèle, l’e – commerce pourrait atteindre plus de 50 milliard en 2018 en Afrique[2]. Cette activité correspond à l’achat et ventes  de biens et services sur internet. Malgré la fracture numérique en Afrique- 26% seulement de la population africaine a accès à internet[3]-, la population africaine très jeune et l’essor de la classe moyenne sont autant d’atouts qui permettent au e – commerce d’avoir de beaux jours devant lui en Afrique. Toutefois beaucoup reste à faire pour donner une véritable impulsion au e-commerce en Afrique. Cet article revient sur l’écosystème du e-commerce et les défis à relever pour booster le commerce en ligne en Afrique.

L’écosystème du e – commerce

Le fameux clic sur un site marchand confirmant l’acte d’achat de biens physiques ou immatériel déclenche une multitude d’activités pour que la livraison se déroule dans les meilleures conditions.
Un écosystème gravite autour de la chaîne de distribution. Cette dernière est composée d’intermédiaires ayant pour rôle de produire, de stocker, d’expédier et de livrer les marchandises.
L’écosystème, est composé de quatre éléments :

  • Infrastructure : axes routiers et réseaux internet
  • Économie numérique : Site internet adaptés/ applications mobiles/ gestion de la données et éditeurs de systèmes d’informations
  • Moyens de paiement : carte de bancaire ou par espèce
  • Outils de connexion internet : Les téléphones portables, tablettes et ordinateurs

C’est la combinaison et l’interdépendance de ces éléments qui permettront le développement du e – commerce et par conséquent qui donnera naissance aux prochains champions du secteur. Charge aux entreprises de se différencier grâce aux produits vendus.  

Le développement se fera dans un premier temps dans les villes fortement peuplées et situées à proximité des principaux axes routiers. En effet, c’est dans ces zones où l’infrastructure est développée, où les axes routiers sont dans un meilleur état et  c’est avec une connexion internet rapide  que le délai entre l’achat en ligne et la livraison se feront plus rapidement.

En effet, les coûts sous-jacents au e – commerce sont bien moins élevés que la distribution traditionnelle. Le réseau logistique sera moins complexe puisque contrairement aux distributeurs, les e – commerçants n’ont pas besoin de boutiques physiques pour proposer leurs produits car un site internet suffit pour que le client puisse visualiser des produit, sélectionner un produit et l’acheter. Les e – commerçants économisent des ressources financières car ces derniers n’ont pas à sécuriser des droits de terre pour implanter un point de vente.

Le client dispose de plusieurs moyens de paiements pour régler sa commande à savoir le paiement en espèces ou le paiement en ligne. Ces différentes possibilités auront un impact sur la chaîne de distribution. En effet, un dispositif de sécurité doit être mis en place afin d’éviter les tentatives d’arnaques si le paiement se fait en ligne.
Il faut savoir que le taux de bancarisation reste faible en Afrique. En revanche, les transferts d’argent via le téléphone mobile ne nécessitent pas forcement la possession d’un compte bancaire. Nous pouvons prédire que les moyens privilégiés seront les paiements par espèces et les transferts d’argent via le téléphone mobile.

Le portable sera le support à privilégier pour les achats en ligne!

Le e – consommateur dispose de plusieurs outils afin d’effectuer son achat tels que l’ordinateur, le téléphone  ou la tablette. En Afrique, 12% des consommateurs ont déjà achetés via leur mobile[1].

En effet, le secteur des smartphones a le vent en poupe sur le continent africain. D’une part, nous avons un continent qui a dépassé la barre du milliard d’habitant. En 2050, trois pays à savoir le Nigéria, la République Démocratique du Congo et l’Éthiopie[2] feront partie des 10 pays les plus peuplés du monde. En plus d’être peuplée, la population a la particularité d’être jeune avec une forte propension d’utilisation des TIC et du téléphone portable en particulier.

D’une autre part, la classe moyenne ne fait que croître et s’enrichir. Les constructeurs de téléphone portable africain et groupes internationaux proposent des téléphones entré de gamme à des prix raisonnables avec des fonctionnalités proches voir semblables aux portables haut de gamme. Ce n’est pas étonnant si 97% des africains auront un téléphone mobile en 2017 contre 82% en 2016[3].

Cependant, le principal challenge des e – commerçants sera de convertir les surfeurs en consommateurs grâces à des applications et sites internet adaptés pour les smartphones.

L’Etat, acteur clé du développement du e-commerce!

Tous les éléments précédemment cités permettront l’essor du e – commerce. En revanche, un dernier acteur à savoir l’État pourra accélérer ou ralentir ce développement. Le cadre législatif n’est pas à négliger puisque ce dernier pourra être propice à l’amélioration des infrastructures ainsi qu’à l’accès à internet. Prenons l’exemple du Sénégal avec le Plan Sénégal Émergent (PSE) initié par l’actuel président Macky Sall. Un des grands chantiers de ce plan est l’énergie. Ceci permettra d’améliorer la performance du secteur et de réduire la dépendance du pays. Ces ambitions auront un impact positif sur le e-commerce.
Des infrastructures développées permettront une circulation plus fluide des produits. La distribution continue d’électricité et d’un réseau de télécommunication sont des éléments nécessaires pour que le consommateur puisse effectuer une commande sur un site marchand sans interruption. 

Deux principales compétences seront requises pour lancer un site commerçant. La première compétence est la logistique. L’objectif sera de distribuer le produit le plus rapidement. Pour cela, il faudra définir un réseau de distribution adéquat et performant.
La seconde est informatique et technique. Cette compétence fait partie actuellement des compétences les plus recherchées du marché du travail. Celle-ci permettra non seulement de concevoir un site internet ergonomique ainsi qu’un back office capable de traiter les données mais aussi de comprendre le consommateur pour proposer des produits et d’établir une cartographie de la région livrée au fil des livraisons.  
L’interaction de ces compétences permettra de suivre le produit dans toute la chaîne de distribution. L’état aura la responsabilité de promouvoir cette discipline afin de profiter des retombés économiques.

En conclusion, le boom se fera en plusieurs vagues sur le continent Africain selon le degré de maturité des éléments précédemment cités. Plusieurs scenarios sont envisageables pour l’e-commerce en Afrique :

  • L’e – commerce amènera le développement d’une économie local : Cdiscount avant de s’implémenter en Afrique a fait appel à Bolloré Africa Logistics pour déléguer les activités logistiques. Les prochains e – commerçants locaux devront faire confiance aux acteurs locaux afin de créer un écosystème et faire en sorte que l’essor du e-commerce puisse aussi profiter aux acteurs locaux.
  • L’e – commerce produira des groupes nationaux : Les entreprises de commerce électronique ne proposeront pas seulement des services de ventes mais aussi des services annexes tels que la logistique, informatiques ou des services de cartographie. À titre d’exemple, Jumia, e – commerçant nigérian et 1er e – commerçant du continent africain propose désormais des services logistiques grâce à une expérience gagnée avec le temps. Les entreprises pourront aussi proposer des services plus complexes tels que des points de retrait plus nombreux, retour du produit et remboursements plus rapide. Lorsque le secteur du e – commerce aura atteint un niveau de maturité, les entreprises seront tentées par l’internationalisation. C’est à moment que l’état pourra intervenir afin de faciliter cette démarche en proposant un régime fiscal favorable tout en protégeant les entreprises nationales des entreprises étrangères.

Néanmoins, le commerce électronique sera confronté à plusieurs challenges.
La cybercriminalité sera un fléau qu’il faudra combattre. Ce dernier affecte autant les particuliers que les entreprises. En effet, les consommateurs seront découragés pour renseigner leurs identifiants bancaires et par conséquent d’effectuer une commande sur un site marchand non sécurisé.
Enfin, la mondialisation est une opportunité à double tranchant pour le e – commerce en Afrique. Quand bien même ceci permet aux entreprises de vendre leurs produits à d’autre pays, si l’état ne met pas en place un régime protégeant ces mêmes entreprises, le pays ne sera pas à l’abri de la concurrence étrangère. Des entreprises étrangères proposeront des produits présents localement mais de meilleure qualité ou avec des prix plus intéressants.

 

Issa KANOUTE


[1] Deloitte

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[2] RFI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TIC et agriculture : pour mieux informer et accompagner les agriculteurs !

inclusion_financièreMalgré la montée de l’urbanisation dans certaines villes africaines, l’Afrique pourrait trouver son salut dans l’agriculture. On peut citer le Nigeria qui en réponse à la baisse continue et soutenue des prix des hydrocarbures a décidé de se replier sur l’agriculture afin de maintenir son niveau de croissance économique. Dans le monde, environ 60% des terres cultivables sont non cultivées. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, une grande partie de ces terres se trouvent aux États-Unis et en Russie. En revanche, l’Afrique possède aussi beaucoup de terres cultivables non cultivées. Selon McKinsey, l’agriculture ferra partie dans les années à venir des secteurs offrant le plus de perspectives de croissance et de profitabilité. L’industrie agricole pourra s’appuyer sur les NTIC pour accompagner sa croissance et surtout éviter le gaspillage alimentaire.
Le gaspillage alimentaire est, en effet, une grande problématique dans le monde. Cependant, force est de constater que le gaspillage ne se produit pas au même moment dans la chaîne de distribution et varie suivant le pays en question. Le gaspillage a plutôt tendance à se produire pour les pays les moins avancés après la récolte durant la phase de récolte et de transformation contrairement au pays riches et industrialisés pour lesquels le gaspillage se produit durant la phase de consommation par le client final. Pour les PMA (pays les moins avancés), ceci peut s’expliquer par différentes raisons telles que le manque de moyens financiers, d’infrastructures de transport ou de conservation et de communication.

Aujourd’hui avec le développement des NTIC, ces derniers  peuvent apporter une plus-value importante au secteur agricole. Cet article présente   les effets positifs des NTIC sur l’industrie agricole et identifie les conditions à remplir afin que les effets soient ressentis dans toute la chaine de distribution pour limiter le gaspillage alimentaire.

 

Le secteur agricole est dépendant des principaux éléments suivants :

  • Le cheptel : Les agriculteurs doivent s’assurer que le troupeau puisse vivre dans les meilleures conditions (protections contre les maladies, achat de vaccins …) ;
  • La météo : la majorité de l’irrigation des champs en Afrique subsaharienne provient de l’eau de pluie ;
  • Engrais et semences : obtenir les meilleurs produits aux meilleurs prix ;
  • Terre : entretenir la qualité de la terre afin que les récoltes puissent pousser dans des conditions optimales ;
  • Récoltes : s’assurer que les récoltes puissent subvenir aux besoins du village et que le reste puisse être revendu au meilleur prix.

 

La gestion de l’information

L’agriculteur doit donc avoir une bonne connaissance des différents paramètres liés  aux éléments ci-dessus. Et les NTIC peuvent l’aider à y arriver.

Les NTIC ont pour principal but d’accéder et d’échanger  l’information grâce à des supports comme les téléphones portables ou les ordinateurs. Les informations permettent aux agriculteurs d’accéder aux prix du marché des engrais et semences ou du marché des animaux (achat et revente, vaccins). En effet, une grande partie des récoltes sert à nourrir les habitants d’un village et le reste est revendu. Cependant, les agriculteurs n’ayant pas accès aux prix du marchés sont souvent emmenés à revendre leurs récoltes bien en deçà des prix du marché. Grâce aux NTIC, ces derniers pourront s’aligner plus facilement sur les prix du marché.
Les NTIC auront pour principal objectif de connecter les villages au monde extérieur notamment pour les prix du marché ou la connaissance des effets néfastes de certains produits chimiques.

Les effets sur la chaine de distribution

L’efficacité d’une chaine de distribution se mesure par la circulation de l’information. Et ceci peut se faire grâce aux applications mobiles. Ces dernières permettront le rééquilibrage de l’offre et de la demande. 
Un des moyens pour limiter ces gaspillages serait d’informer en continue et en temps réel les acteurs en aval de la chaine de l’évolution des récoltes afin d’écouler les produits dans les délais impartis (durée de vie faible pour certains aliments)., Aujourd’hui, de nombreuses applications ont vu le jour pour aider les paysans. Prenons l’exemple de l’application M-Farm qui a pour principales objectifs d’informer l’agriculteur en temps réel de la météo mais aussi des potentiels acheteurs.  Ce type d’application donne plus de pouvoir aux paysans qui pourront anticiper et mieux contrôler leurs récoltes sur le long terme.

Les conditions nécessaires pour bénéficier des effets des NTIC

Plusieurs conditions doivent être réunies afin que les NTIC soient utilisées à bonne escient.
La couverture réseau fait partie des conditions primordiales. Celle-ci selon sa puissance et sa fréquence permettra de faire circuler l’information.
Ensuite vient la problématique et pas des moindres de l’analphabétisme. La meilleure solution pour lutter contre cela reste la scolarité. Cependant, une alternative s’offre aux développeurs des NTIC pour faire face à cet obstacle. Il s’agit de l’utilisation d’images et pictogrammes. Non seulement l’utilisation des NTIC en sera simplifiée mais elles seront aussi accessible à plus de personnes du fait de l’existence d’une multitude de dialectes. Car il  est commun de retrouver plusieurs dialectes au sein d’un même village. Les solutions informatiques proposées doivent aussi être lisibles dans plusieurs dialectes afin de toucher un maximum de personnes au sein d’un même village mais aussi dans une même région.

L’agriculture restera donc un secteur à privilégier et à soutenir par le pouvoir étatique. Ce secteur reste une valeur sûre sur le long terme grâce aux terres très fertiles ainsi qu’une météo conciliante. Dans le cas où les NTIC sont utilisées à bon escient, celles-ci pourront diminuer le gaspillage alimentaire. Les prochaines étapes pour le secteur agricole seraient d’automatiser la production et de trouver une alternative à l’irrigation des champs par l’eau de pluie. Ces actions permettraient d’accélérer l’industrialisation de secteur agricole. Les NTIC constituent un support essentiel à la croissance de l’agriculture.

 

Issa Kanouté

 

Sources

Partage d’informations

http://www.finyear.com/Les-nouveaux-enjeux-technologiques-de-la-Supply-Chain_a36813.html?platform=hootsuite

Stimuler les rendements agricoles grâce aux TIC

http://www.scidev.net/afrique-sub-saharienne/tic/actualites/stimuler-les-rendements-agricoles-gr-ce-aux-tic.html

Les sols fertiles d’Afrique peuvent-ils nourrir la planète

http://www.nationalgeographic.fr/12418-les-sols-fertiles-afrique-peuvent-ils-nourrir-la-planete-enquete-alimentation/

Paradoxe : Afrique ; région la plus touchée par la faim mais ou il y’a le plus de terres fertiles

"Il est certain qu’il s’agit là d’une vision optimiste de l’avenir. La Thaïlande exporte actuellement davantage de produits agricoles que tous les pays subsahariens réunis,"

Terres africaines exploités par des groupes étrangers. Face à la pression démographique, manque de terres en Chine donc viennent en Afrique pour exporter en Chine

Travailler en collaboration avec grandgroupe qui possède la technologie

MacKinsey y croit toujours

http://www.jeuneafrique.com/mag/358092/economie/mckinsey-y-croit-toujours/

Gaspillage alimentaire

http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/10/16/chaque-annee-1-3-milliard-de-tonnes-de-nourritures-gaspillee_4507636_4355770.html

Ampleur des pertes et gaspillage alimentaires

http://www.fao.org/docrep/016/i2697f/i2697f02.pdf

Les terres cultivables non cultivées dans le monde

http://www.agter.org/bdf/fr/corpus_chemin/fiche-chemin-208.html

Déçu par le pétrole, le Nigeria renoue avec l’agriculture

http://www.jeuneafrique.com/depeches/354558/economie/decu-petrole-nigeria-renoue-lagriculture/

Article teranga : TIC et agriculture: l’innovation au service du secteur primaire

http://terangaweb.com/tic-et-agriculture-linnovation-au-service/

High tech : le top 10 des applications mobiles africaines

http://www.jeuneafrique.com/165339/societe/high-tech-le-top-10-des-applications-mobiles-africaines/

 

Les NTIC et la problématique de l’éducation en Afrique

tic-en-education-en-afrique-1440x564_cLe développement des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) a révolutionné le monde entier dans divers domaines de la vie. Parmi ces domaines, on peut citer la médecine où les NTIC ont favorisé les dialyses, les échographies, les radiographies entre autres. Le commerce avec les achats et ventes en ligne, le système bancaire et l’éducation. Cet article s’intéresse à l’apport des NTIC dans le système éducatif en Afrique et propose quelques pistes  pour repenser le système éducatif africain à travers les NTIC seront proposées.

 

Les NTIC, un cadeau pour l’éducation

Les succès des Technologies de l’Information et de la Communication dans le système éducatif sont indénombrables. Tous les acteurs dans ce système liés aux ministères chargés de l’éducation pour les élèves et étudiants en passant par les enseignants et les parents d’élèves, profitent des NTIC. Les étudiants en sont les plus bénéficiaires. Grâce aux NTIC, l’État peut détecter rapidement des problèmes liés à l’éducation tels que la baisse des performances scolaires, le manque du personnel scolaire et d’enseignants dans une localité donnée pour procéder à des solutions rapides. De plus, les technologies favorisent la mise en place des cours en ligne qui peuvent pallier les problèmes d’infrastructures comme le manque d’amphithéâtres. Elles permettent également des projections vidéo pour une bonne visibilité des cours. La préparation des cours, la recherche de nouveaux exercices, devoirs et examens sont de plus en plus facile pour les enseignants grâce à l’internet. Dans cette optique, les NTIC permettent d’alléger la tâche des enseignants. Les parents, depuis la maison ou le lieu du travail, peuvent être au courant des activités de leurs enfants, de leurs performances courantes grâce à une bonne combinaison des NTIC avec les établissements scolaires. Les élèves et étudiants, ont de leur côté, une facilité dans la recherche. L’internet fournit une panoplie d’exercices corrigés et des cours pouvant améliorer la compréhension des leçons. Même si les ressources de l’internet ne peuvent aucunement remplacer les cours reçus en classe, elles peuvent aider les élèves à se mettre au jour. Les élèves n’ayant pas de professeurs disponibles peuvent recevoir des cours à distance grâce aux technologies. Plusieurs forums offrent des réponses et des discussions intéressantes entre étudiants et professeurs afin de trouver des solutions aux leçons non comprises. Les NTIC permettent un réseau plus large aux élèves et étudiants pour des questions réponses sur les incompréhensions et les difficultés.

 

Les NTIC, un piège pour les élèves

Si les Technologies de l’Information et de la Communication offrent beaucoup d’avantages au système éducatif, elles ont néanmoins quelques inconvénients notables sur l’éducation. En effet, elles ont entrainé une dépendance des enfants aux jeux vidéo. Même si ces jeux vidéo ont un effet stimulateur sur l’intelligence et les réflexes des enfants, ils ne peuvent pas remplacer les devoirs à domicile. Pourtant, les enfants consacrent de plus en plus de temps aux jeux vidéo qu’aux études. Certains enfants substituent des heures de sommeil et de repos aux jeux vidéo, ce qui fait que ces enfants arrivent souvent à l’école en étant fatigué. Le développement des ordinateurs, des logiciels et de l’internet n’a pas que des effets positifs à l’éducation ; il pourrait entrainer la baisse de l’effort intellectuel des acteurs du système éducatif, plus particulièrement des élèves et étudiants. La plupart des étudiants se limite aux ressources de l’internet tandis que les bibliothèques sont de plus en plus délaissées. Non seulement, il y’a plusieurs sites internet non fiables, mais aussi certains substituent la réflexion intellectuelle par des données de l’internet. L’effet pervers est le plagiat des travaux réalisés par les pionniers sur un sujet.  Et si les heures d'étude ne sont pas substituées pas par des jeux vidéo chez les jeunes élèves, elles sont substituées par les réseaux sociaux comme Facebook et autres…

 

Quelles pistes d’accélération pour repenser le système éducatif africain à travers les NTIC ?

L’utilisation des NTIC pour repenser l’éducation en Afrique passe par plusieurs niveaux dont l’inclusion de l’informatique au cœur du système éducatif africain, l’amélioration des  programmes télévisés pour l’insertion des enfants, l’adaptation du mobile et d’internet à l’éducation.

 

Mettre l’informatique au cœur du système éducatif africain

Au cours des vingt dernières années, de nombreux gouvernements ont adopté des politiques visant à encadrer l’intégration des NTIC dans l’éducation. Mais dans la mesure où l’intérêt pour l’apprentissage par ordinateur n’a grandi que récemment, il y a une absence totale de politique en matière d’informatisation du système éducatif africain. Si tous les pays africains avaient des politiques orientées vers l’intégration des NTIC à travers la mise en place des salles informatiques dans les établissements publics et privés, cela contribuerait à améliorer le niveau du système éducatif en africain. Il est donc nécessaire de promouvoir l'apprentissage assisté par ordinateur. Des reformes sont indéniablement nécessaires dans ce sens pour inciter les établissements privés secondaires et supérieurs à s’équiper  de salles informatiques. En effet, il est impératif d’insérer dans les programmes au moins deux heures de cours d’informatique par semaine. L’enseignement automatisé dans les programmes permettra de remédier à l’insuffisance de professionnels qualifiés dans différents domaines surtout dans les disciplines scientifiques. En outre, l’envie des élèves à apprendre de nouvelles choses, et leur curiosité de manipuler un ordinateur est une motivation supplémentaire  à leur présence en cours. Cela contribuera également à diminuer le taux d’absentéisme et le taux d’échec scolaire dans les pays africains. Par ailleurs, les États doivent aussi remplir pleinement leur rôle en équipant davantage les écoles publiques du secondaire à l’université, de salles informatiques de qualité. Ces mesures permettront de réduire significativement les incartades entre les programmes scolaires et les besoins réels de l’économie en main d’œuvre qualifiée.

 

Rendre le Mobile plus éducatif

Depuis plus d’une décennie, le marché de la téléphonie mobile a connu une expansion très forte à l’échelle mondiale. La vitesse de diffusion de cette technologie a été particulièrement rapide en Afrique subsaharienne. Dans le même temps, plus de 350 millions de personnes en Afrique subsaharienne sans école ni accès à l’électricité vivent dans des zones couvertes par le réseau mobile. Ce qui signifie que le mobile pourrait être un facteur déterminent dans la nouvelle construction de l’éducation africaine. Dans ce cas, comment le rendre plus éducatif ?

En initiant des collaborations ou des partenariats entre les États africains et les opérateurs téléphoniques. Les opérateurs téléphoniques peuvent jouer un rôle important dans la promotion du système éducatif africain. Les États africains doivent les inciter à s’impliquer davantage dans le nouveau système de l’éducation par le mobile. Les efforts doivent se concentrer dans les zones urbaines déjà couvertes par le réseau Mobile et s’étendre progressivement vers les zones rurales pas toujours bien couvertes. Pour cela, le ministère de l’éducation en collaboration avec les enseignements, doit élaborer des programmes clairs et détaillés sous forme d’application Mobile. Il s’agit de mettre en place des cours enseignés à l’école via le téléphone Mobile en tenant compte des diversités linguistiques existant dans les pays africains. Par exemple, il est important de réaliser certaines matières en plusieurs langues/dialectes et en fonction des spécificités des territoires. Dans ce cas, l’enfant ne sera plus déconnecté de l’école surtout dans les milieux ruraux où les filles ont tendance à rester à la maison alors que  les garçons eux sont privilégies pour les études.. Ainsi, le Mobile éducatif permettra de contribuer au changement des mentalités que le continent a éperdument besoin pour son développement. Au final, il serait propice à la croissance de la productivité des agriculteurs, la sécurité sanitaire, l’accès à l’éducation pour les personnes qui en étaient jusqu’ici exclues, la formation continue des enseignants en zones rurales, l’inclusion financière, ou encore l’optimisation des infrastructures routières.

 

Rendre l’internet plus éducatif 

L’Afrique enregistre un retard notable dans l’utilisation de l’internet comme outil pour l’amélioration du système éducatif. Selon l’UIT en 2015, seuls 19 % des Africains ont accès à l’internet. Ce faible taux s’accompagne d’une pénétration d’internet dans les ménages de seulement 11 %, contre près de 36 % dans les pays arabes par exemple. Parallèlement, alors qu’en moyenne, 28 % des foyers sont équipés d’un ordinateur (portable/fixe ou tablette) dans les pays en voie de développement, ils ne sont que 8 % en Afrique subsaharienne.

Face à cette situation, les gouvernements africains doivent conjuguer leurs efforts afin d’investir dans les NTIC pour améliorer l’offre  d’internet dans les établissements publics avec un système wifi pour faciliter les déplacements au sein des établissements. Au niveau de l'enseignement supérieur, l’utilisation de l’internet pourrait être le plus efficace grâce à la mise en place des programmes à distance. La formation à distance dans l’enseignement supérieur a plusieurs avantages. Elle est d’abord une alternative à l’enseignement supérieur traditionnel. Elle permet d’améliorer la qualité de l’enseignement dans plusieurs domaines. Cependant, les universités africaines montrent un intérêt significatif pour cette nouvelle méthode d’apprentissage, notamment en raison de l’inefficacité du système éducatif africain. Ainsi, les pays africains doivent mettre en place des campus numériques avec des bibliothèques connectées à la disposition des étudiants. Cela permettra de donner un élan à la promotion de la recherche scientifique dont le continent a éperdument besoin aujourd’hui.

L'enseignement par Internet doit encore faire face dans de nombreux pays africains à des obstacles majeurs, le premier d'entre eux étant la faiblesse des infrastructures antérieures de télécommunication et le coût prohibitif des tarifs d'accès à l'Internet. Par exemple, les responsables pédagogiques au niveau des ministères et des facultés doivent améliorer les outils pédagogiques qui peuvent être adaptés à l'Internet. Les contenus de nos programmes aujourd'hui disponibles en ligne sont pour la plupart établis en occident et ne s’adaptent donc pas nécessairement à des étudiants africains. Nous devons être capables de réaliser des programmes inclusifs à nos valeurs ancestrales, culturelles, sociologiques et tout simplement en cohérence à notre identité. Toutefois, plusieurs universités ont conscience de l’importance de l’Internet dans les programmes et réorientent leurs programmes existants à l’enseignement par Internet. L'enseignement par Internet peut contribuer à oblitérer certaines difficultés auxquelles les pays africains doivent faire face aujourd'hui, c'est-à-dire celles liées à l’inefficacité de l’appareil éducatif.

 

Yedan Ali

Amadou Sy

TIC et Développement Durable en Afrique

e-governmentTout au long des siècles, les innovations technologiques ont façonné les rapports entre les individus, ainsi que les interactions entre ceux-ci et leur environnement. On pense par exemple à l’imprimerie d’abord pratiquée par les Chinois (depuis le IIème siècle après JC) puis perfectionnée et démocratisée par Gutenberg. Il est dit que l’imprimerie contribua fortement à diffuser la pensée et les idées dès la Renaissance, révolutionnant par ricochet la transmission d’informations et de connaissances entre les individus. L’expansion d’internet dès le début des années 2000 a considérablement modifié nos modes de vie et ouvert la voie à de nouveaux outils et modèles de communication.  A travers ces nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), le monde est devenu un « village planétaire » : la mondialisation, disait-on ! En révolutionnant nos environnements, nos cadres de vie, nos systèmes d’apprentissage, nos déplacements, nos schémas de réflexion, bref notre quotidien, les TIC ont remanié de fond en comble nos sociétés. Au cœur des transformations de ces dernières, les innovations technologiques apportent des réponses à des problèmes sociaux, économiques et environnementaux. Constat encore plus marqué dans les pays africains : le boom des télécommunications y a créé des conditions idéales pour le développement d’application et de logiciels locaux.

 L’exemple le plus marquant est celui de la téléphonie mobile en Afrique subsaharienne. Le téléphone portable y est actuellement le 1er moyen d’accès à internet. Selon une étude publiée en 2013 par l’Association Mondiale des Opérateurs Télécom (GSMA), le nombre d’abonnés mobile dans cette région du monde a progressé de 18% par an entre 2007 et 2012[1]. En Afrique, la plupart des téléphones portables vendus sont des smartphones sous Androïd, un système d’exploitation pour lequel il est très facile de créer des applications/logiciels mobile. Ceux-ci permettent de créer des synergies entre différents secteurs et contribuent à l’innovation sociale (e-santé, e-learning, etc.), économique (mobile Banking, e-commerce…), environnementale (consommation d’électricité, gestion des déchets urbains etc.)

D’abord cantonnées à un usage privé, les TIC sont aujourd’hui plébiscitées dans la sphère formelle et institutionnalisée: elles sont appréhendées tels de véritables outils de développement, de croissance socio-économique pour des populations en quête d’émergence. Ces innovations technologiques, impactent inégalement les PIB des différentes pays africains : selon une étude du Mc Kinsey Global Institute (MGI) rendue publique en novembre 2015, internet contribue à 3,3% au PIB du Sénégal, 2,9% pour le Kenya, 2,3% pour le Maroc et 1,4% pour l’Afrique du Sud.[2]

Il n’est donc pas surprenant que les TIC soient directement mentionnées dans 4 des 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) adoptés par l’ONU en septembre 2015. En tant que catalyseurs pour l’éducation, l’égalité homme-femme[3] ou moteur de la construction d'infrastructures résilientes pour une industrialisation durable[4] qui profite à tous, il est largement reconnu que les TIC jouent un rôle fondamental dans l’émergence de l’Afrique. Cet article revient sur le rôle que les TIC peuvent jouer dans l’émergence de l’Afrique ainsi que la manière dont elles participeront à la croissance inclusive sur le continent. 

 

  1. Les TIC comme catalyseurs de développement en Afrique

Tout l’intérêt des TIC en Afrique repose sur leurs usages et les services qu’elles permettent de développer : elles ne sont plus seulement utilisées comme de simples supports de communication (privée ou professionnelle)  mais plutôt comme de véritables instruments à des fins de développement socioéconomique. Le recours aux TIC dans le continent est passé d’un « usage de loisirs » à une « utilisation thérapeutique » : elles apportent des solutions aux besoins de base des populations : éducation, santé, transports, alimentation, accès à l’énergie et à l’eau potable etc.[5] Pourtant ce ne fut pas toujours le cas ; pendant très longtemps les « TIC-Sceptiques » ont vu l’émergence de ces nouveaux moyens de communication comme l’arbre qui cache la forêt ; un miroir aux alouettes qui détournait l’attention des « vrais » problèmes de l’Afrique : la famine,  la malnutrition, l’analphabétisme, l’illettrisme, les épidémies et pandémies, les guerres, les catastrophes naturelles et toute autre calamité collée à la représentation que certains se faisaient ( se font encore !) du continent. Ne dit-on pas que le temps est meilleur juge ? A ce propos, le temps a donné raison aux « TIC-Optimistes ». En effet depuis une dizaine d’années pléthores d’applications mobiles, développées par des start-up innovantes ont prouvé que les TIC ne sont pas superflues, bien au contraire qu’elles sont une des solutions pour résoudre  ces « vrais » problèmes auxquels les pays africains font face.

Pour les plus connues, elles s’appellent Obami en Afrique du Sud (plateforme-web de cours et vidéo éducatives gratuits),  Gifted Mom au Cameroun (santé de la femme enceinte et des nourrissons), M-Pesa au Kenya (paiement mobile), Jumia (e-commerce), W Afate au Togo (imprimante 3D à base de déchets électroniques),  M-Louma au Sénégal (bourse agricole en ligne). Toutes initiatives audacieuses illustrent le rôle incontournable que jouent les TIC dans la lutte contre la pauvreté, l’accès de tous à une éducation de qualité, l’accès aux soins de santé. Comme l’a souligné Alain François LOUKOU[6]  « les TIC ne constituent pas un problème totalement découplé des autres problèmes de développement. Elles sont plutôt en interaction avec eux». De plus l’usage des TIC à travers le développement d’applications mobile revêt une dimension de responsabilité intergénérationnelle, très peu mise en avant dans l’analyse de l’émergence des TIC en Afrique. En effet, en développant une application comme Gifted Mom, ou Obami, les créateurs répondent non seulement à des besoins actuels mais aussi anticipent des besoins futurs des générations suivantes : accès aux soins de santé,   accès à l’éducation etc.

En ce sens les TIC sont bel et bien des instruments qui permettront d’atteindre les Objectifs du Développement Durable tels que définis par les Nations Unies. On peut ainsi paraphraser la définition du Développement Durable en disant que les TIC sont des technologies qui permettent de répondre aux besoins des générations actuelles et à ceux des générations futures.

 

  1. Les TIC comme instruments de croissance inclusive

Il est indéniable que les Technologies de l’Information et de la Communication contribuent à booster le développement pour le continent africain. Il est révolu le temps où on voyait les TIC comme un luxe pour l’Afrique (en proie à de lourds retards structurels et infrastructurels). Aujourd’hui grâce aux TIC de nombreux entrepreneurs africains proposent  à leurs compatriotes des solutions locales aux problèmes locaux.  Mieux, certaines initiatives visent même une portée internationale : on parle de Glocalisation développer des solutions locales qui peuvent aussi bien s’étendre bien au-delà du marché national (notamment au sein de pays partageant des difficultés identiques). C’est le cas notamment des applications de transferts d’argent par mobile dans des sociétés où très peu de particuliers disposent de compte bancaire classique, mais possèdent 2 voire 3 téléphones portables. Aujourd’hui la réflexion ne porte plus sur l’utilité avérée des TIC pour le développement de l’Afrique. La question fondamentale est désormais comment les TIC peuvent-ils contribuer efficacement à la croissance durable et inclusive des pays africains ?

Face à ces bénéfices mentionnés ci-dessus, les gouvernants, les acteurs économiques mettent à pied d’œuvre des stratégies de promotion des TIC via l’émergence de l’économie numérique. Selon The Australian Bureau of Statistics,  l'économie numérique peut être définit comme l’ensemble des activités économiques et sociales génératrices de revenus qui sont activées par des plateformes telles que les réseaux Internet, mobiles et de capteurs, y compris le commerce électronique. Cette nouvelle catégorie d’économie regroupe le secteur des TIC, les secteurs utilisateurs et les secteurs à fort contenu numérique, ces derniers ne pourraient exister sans ces technologies. Le caractère multidimensionnel des innovations technologiques en font un vecteur non négligeable de croissance, de productivité et de compétitivité dans certains divers secteurs comme l’agriculture, la finance, l’accès à l’énergie, la consommation de bien et services etc.

Mais pour que les TIC deviennent de véritables leviers de croissance (inclusive donc qui profitent à tous), les ressources nécessaires doivent être mobilisées.

  1. Le rôle des Etats

En commençant par une offre éducative et de formation en adéquation avec les besoins du marché de l’emploi. Très peu de structures éducatives proposent des enseignements à l’utilisation des TIC ; très peu d’écoles primaires, de collèges, de lycées en Afrique disposent d’ordinateurs pour l’enseignement de l’informatique. Rares sont les établissements qui proposent des cours ou ateliers d’initiation à internet. L’apprentissage se fait intégralement dans le circuit informel (auprès des amis, de la famille ou dans les cyber café).  Inutile de préciser les dérives que ce manque d’encadrement engendre (utilisation détournée des outils de communication à des fins peu éthiques).  Beaucoup d’apprenants sont des autodidactes ou au mieux ont suivi des enseignements dans des structures d’apprentissage et d’initiation aux TIC[7]. Ces formations arrivent trop tard dans l’offre de formation éducative quand elles n’en sont pas à la marge.  Le secteur de l’économie numérique est un secteur porteur dont les besoins en compétences seront très forts dans l’avenir. Pour ce faire, l’Afrique a besoin de former les futurs codeurs, ingénieurs, développeurs et ne pas s’enfermer dans un état de léthargie qui en fera un désert de compétences.

Par ailleurs du côté des administrations publiques, pendant longtemps celles-ci n’avaient pas investi la sphère digitale ; depuis quelque temps, on note une digitalisation des  structures gouvernementales (site web, compte sur les réseaux sociaux, numéro d’accès via application mobile etc.). Ceci dénote une mobilisation par le geste des pouvoirs publics qui comprennent progressivement l’intérêt des TIC dans la gestion quotidienne des services. La mise en place d’une administration dématérialisée permettrait aux Etats d’être plus performants et mieux servir les citoyens.

  1. Le rôle des entreprises

Rappelons que pour une croissance inclusive des pays Africains, les entreprisses  sur le continent ont également un  rôle primordial à jouer.

Aujourd’hui encore, l’accès à internet s’avère coûteux pour beaucoup de particuliers. L’offre tarifaire (très vaste pour que chaque consommateur trouve chaussure à son pied) reste souvent très élevée pour une consommation en permanence. Il n’est donc pas rare que certains n’aient pas accès à internet pendant plusieurs jours car leur forfait est épuisé. Il faudra alors recharger son téléphone pour avoir internet.  L’accès à internet est certes en hausse mais il est encore insuffisant pour combler la fracture numérique Nord/Sud et atténuer les disparités intrarégionales (zones rurales, péri urbaines et urbaines). Les coûts d’accès élevés sont un corollaire de la faiblesse des infrastructures et de la faible connectivité intracontinentale[8]. La réduction des tarifs des « abonnements » internet est un prérequis majeur pour que l’accès à internet en continu ne soit plus un luxe pour certains.

Pour cela, les entreprises de télécommunication en collaboration avec les Etats et les investisseurs doivent travailler à améliorer les infrastructures de télécommunications. Dans le cadre de leur Responsabilité Sociétale (RSE) ces entreprises gagneraient à déployer des réseaux de télécommunication plus performants et plus modernes : la vétusté des équipements et le faible taux d’électrification du continent sont les principaux handicaps qui affectent la qualité de service des opérateurs.

Le manque de capitaux dans le secteur des télécommunications peut  être résolu par la mise en place de garanties à savoir un climat des affaires plus sain et responsable. Conjointement avec les  Etats,  les entreprises doivent lutter conte la corruption et les pratiques déloyales. C’est ainsi que les pays africains sauront attirer de nouveaux investisseurs, pour palier le faible renouvellement des équipements et l’obsolescence des infrastructures. Les difficultés issues de la vétusté des équipements résultent aussi des défaillances dans la maintenance des infrastructures. Les insuffisances constatées s’expliquent également par l‘absence de ressources humaines hautement qualifiées. Toujours dans le cadre de leur RSE, les entreprises peuvent favoriser le renforcement  de compétences, de capacités en nouant des partenariats avec des centres de formations, afin que ceux-ci forment les apprenants aux métiers dont ont réellement besoin les entreprises. Une fois de plus l’éducation et l’offre de formation se trouvent au cœur de l’impact des TIC sur le développement des pays africains.

Mentionnons avant de clore cet article un élément peu traité dans la réflexion sur les TIC en Afrique : la gestion des déchets électriques et électroniques (DEE). Dans un contexte où la communication entre 2 opérateurs concurrents coûte excessivement chers, les consommateurs ont pris l’habitude d’avoir plusieurs téléphones (un pour chaque opérateur) ou un téléphone à 2 ou 3 puces. A cela s’ajoutent les tablettes et ordinateurs (portable ou fixe). Si on considère que chaque individu change de téléphone portable tous les 18-24 mois, tout cela représente une tonne de déchets non ou mal recyclés. Un certain nombre de précaution (par exemple porter des équipements de protection) sont à prendre dans le traitement de ces déchets.  En effet tous ces appareils sont composés d’éléments toxiques pour la santé des personnes et l’environnement s’ils ne sont pas correctement recyclés. En l’absence de réglementations, le marché du recyclage et de la revalorisation des DEE est principalement informel donc sujet à de graves manquement dans le respect des mesures de sécurité.  Dans le cadre de la RSE, les entreprises de télécommunication seront appelées à trouver des solutions à la gestion des « e-déchets ». Ces derniers, s’ils sont négligés entraineraient de graves dommages de santé aux recycleurs (cancers, problèmes respiratoires), et d’importants dommages environnementaux (pollution des nappes phréatiques et des sols à proximité des centres sauvages de tri et recyclage)[9].

 

Les TIC sont effectivement des instruments au service du développement durable de l’Afrique mais en poussant la réflexion plus loin, on peut affirmer qu’avec un certain nombre de prérequis remplis, les TIC peuvent être des catalyseurs de la croissance soutenable et inclusive des pays africains. Nous avons énuméré quelques points d’amélioration à l’égard des Etats et des entreprises en tant que principaux acteurs du développement du continent ; sans toutefois nier l’importance de la société civile dans cette marche vers l’émergence. Les TIC sont aujourd’hui un maillon fort de l’économie de beaucoup de pays africains dont la contribution d’internet pourrait atteindre 5 à 6% du PIB des pays africains d’ici 2025. Ce qui montre que le secteur est hautement dynamique. À cela, il faut ajouter un secteur informel dont les données par essence « informelles » échappent à toutes statistiques officielles.  Le secteur informel génère des  milliers (voire des millions) de petits emplois et des revenus substantiels aux personnes de tous âges et de tous sexes qui l’exercent partout où les réseaux sont disponibles.

Pour confirmer ces faits, il serait nécessaire que soient mis en place de solides indicateurs d’appréciation de l’impact réel des TIC sur le développement des sociétés africaines. Pour cela deux pistes : d’une part quantifier la part de l’économie numérique aux PIB des pays africains (à travers par exemple le nombre d’emplois décents et pérennes crées dans les secteurs liés aux TIC.). On parle d’approche comptable car elles s’expriment uniquement en termes financiers ou création d’emplois. D’autre part quantifier le manque à gagner des pays africains en cas de « privation » des TIC ; on évaluerait ainsi les conséquences organisationnelles sur les entreprises, les particuliers, les administrations de  la non utilisation des TIC.

 

Rafaela ESSAMBA


[3] 5.b  Renforcer l’utilisation des technologies clefs, en particulier l’informatique et les communications, pour promouvoir l’autonomisation des femmes

[4] 9.c  Accroître nettement l’accès aux technologies de l’information et de la communication et faire en sorte que tous les habitants des pays les moins avancés aient accès à Internet à un coût abordable d’ici à 2020

[5] Besoins qu’on peut assimiler aux 2 premières bases de la pyramide de Maslow à savoir les besoins physiologiques et ceux de sécurité/protection

[6] Alain François Loukou, « Les TIC au service du développement en Afrique : simple slogan, illusion ou réalité ? »

[7] Signe d’un fort engouement pour l’économie numérique et les TIC, des espaces d’innovation digitale (hub, pépinières, espace de co-travail, incubateurs..) voient de plus en plus le jour en Afrique.

[8] La plupart des pays africains utilisent la largeur de bande passante internationale pour un partage de données au  niveau local ; opération extrêmement chère.

L’économie bleue: une opportunité pour assurer une croissance inclusive en Afrique Subsaharienne!

blueDurant ces dernières décennies, les pays  d’Afrique Sub-Saharienne ont enregistré de forts taux de croissance entrainant une croissance moyenne de 5 % dans la région en 2014. Même si l’on note une baisse de ce taux en 2015 due à la chute des prix du pétrole, certains pays tels que la Côte d’Ivoire, le Kenya et le Sénégal continuent d’enregistrer  de belles performances en matière de croissance. Toutefois, malgré ces performances, la plupart des pays d’Afrique Subsaharienne restent minés par des niveaux de pauvreté  et d’inégalités élevés, des systèmes de santé et d’éducation peu performants, ce qui explique  leurs indices  de développement humain (IDH) très bas. Selon le rapport du PNUD sur le développement humain en 2015, 38 pays sur les 48 que compte l’Afrique Sub-Saharienne sont dans le quatrième et dernier cadrant, soit le cadrant des pays ayant un faible développement humain. On peut attribuer à cette situation, une inexploitation de toutes les potentialités dont disposent les pays africains. Parmi ces potentialités se trouvent celles offertes par les mers, les océans, les lacs, les fleuves et les rivières à travers la pêche, le tourisme, le commerce, la fourniture d’énergie et la production des produits pharmaceutiques qui permettent de créer de la richesse et des emplois. Si le commerce maritime est développé dans les pays côtiers d’Afrique sub-saharienne, la pêche, le tourisme, la production énergétique et la production pharmaceutique restent peu exploités. Cet article revient sur les aspects sous-exploités de l'économie bleue en Afrique subsaharienne et qui présentent un fort potentiel de croissance économique pour la région.

Tourisme : un secteur à forte recette mais très peu exploité par les pays de l’Afrique sub-saharienne

Selon l’Organisation mondiale du tourisme, les recettes mondiales du tourisme ont atteint 1500 milliards d’USD en 2014  dont  221 milliards d’USD de recettes de transports de voyageurs et 1245 milliards d’USD de dépenses des visiteurs en hébergement, repas et boissons, loisirs, achats et autres biens et services. Cela offre une très grande opportunité en termes d’emplois directs surtout pour la jeunesse.  Cependant, bien que les recettes mondiales du tourisme  soient élevées, l’Afrique n’en tire que 3 %, soit donc moins de 3 % pour l’Afrique Subsaharienne. Ce faible taux de recettes liées au tourisme est dû à un manque de politique d’envergure pour accroître les recettes du secteur touristique. Cette insuffisance de politique est caractérisée par des plages très peu aménagées et développées, une insuffisance d’infrastructures, un manque de promotion des sites touristiques et très souvent une forte instabilité politique.  Si les pays africains au Sud du Sahara, à travers les potentialités de tourisme qu’offrent les mers, peuvent améliorer leur secteur touristique et obtenir au moins 10 % de la part des recettes mondiales du tourisme, soit donc 150 milliards de dollars, alors ils pourront disposer de ressources supplémentaires pour financer des projets de développement.

Pêche et aquaculture : une faible production africaine dans la production mondiale

Le rapport de la FAO sur la situation mondiale des pêches et de l’aquaculture de 2016 montre que le poisson continue de faire partir des produits de base les plus échangés dans le monde et que plus de la moitié des exportations en valeur proviennent des pays en développement. Cependant, la production aquacole marine et côtière de l’Afrique en 2014 n’a été que de 0,2 % (FAO, 2014), ce qui donne un chiffre moins que cela pour l’Afrique Sub-Saharienne. Quand on sait que l’Afrique dispose d’une zone maritime de 13 millions de kilomètres carré sur sa juridiction, on peut se demander pourquoi la production de l’Afrique est ci-basse. L’importance de la pêche et de l’aquaculture dans la transformation économique des pays d’Afrique Sub-Saharienne vers des économies inclusives réside dans leur capacité à créer des emplois directs surtout pour des populations défavorisées. Par exemple en Ile Maurice, le secteur de la pêche a permis de créer 29400 emplois en 2014 selon la FAO.  Il n’y a aucun doute que la pêche et l’aquaculture ont joué un rôle important dans l’essor économique des pays asiatiques durant ces dernières décennies. La preuve est qu’en 2014, 53 % de la production aquacole maritime et côtière mondiale de poissons viennent de l’Asie. Autrement dit, les exportations mondiales en valeur de poissons, citées au début de la section, viennent principalement des pays asiatiques.

Hydro-énergie : une potentialité à exploiter pour alimenter l’Afrique à 100 %

Il n’est pas sans doute que l’énergie est indispensable dans le développement économique de tout pays. L’électricité est indispensable pour le bon fonctionnement des services de santé, des services d’éducation et pour le bon fonctionnement des affaires, créatrices d’emplois. L’accès à l’énergie surtout en milieu rural permettra de créer un certain nombre d’emploi permettant de réduire structurellement le  niveau de pauvreté. En dépit de ces bénéfices de l’énergie, plus de 640 millions d'Africains n'ont pas accès à l'énergie, ce qui correspond à un taux d'accès légèrement supérieur à 40 %, selon la Banque africaine de développement. De même, selon la même source, la consommation d'électricité par habitant en Afrique subsaharienne (Afrique du Sud exclue) est de 180 kWh, contre 13 000 kWh par habitant aux États-Unis et 6500 kWh en Europe.  Bien que l’hydroélectricité fournisse  environ un cinquième de la capacité actuelle, le potentiel utilisé n’atteint même pas le dixième du total. Pourtant, selon l’Agence Internationale de l’Énergie, l’énergie renouvelable des océans pourrait fournir jusqu’à 400 % de la demande globale d’énergie. Autrement dit, les 28 pays côtiers pourraient alimenter 100 % de leur population et également exporter de l’énergie vers les 20 pays restant d’Afrique sub-saharienne. Les États africains doivent donc songer à une exploitation totale de l’hydroélectricité pour fournir de l’énergie à toute la population, ce qui permettra de créer des emplois et assurer une croissance inclusive.

Prise en compte des changements climatiques

Si les océans, les mers, les rivières et les lacs offrent d’énormes richesses à la population, leur surexploitation ou mauvaise exploitation pourraient avoir de conséquences néfastes sur l’environnement. En effet, l’indice de vie des espèces maritimes a connu une baisse de 39% de 1970 à 2010. Pour donc prendre en compte la production de l’environnement tout en profitant des bénéfices de l’économie bleue, il est primordial de respecter quelques règles. Les pays souhaitant donc profiter de l’économie bleu peuvent se référer aux recommandations du rapport Africa’s Blue Economy : a policy  handbook de la Commission économique des nations unies pour l’Afrique. Ces politiques comprennent entre autres le développement d’un cadre pour promouvoir des infrastructures respectant l’environnement telles que les ports verts, l’utilisation des technologies renouvelables… Le rapport préconise également l’investissement dans les services d’informations sur l’environnement pour faciliter et la disponibilité des informations sur le climat et l’environnement.

 

Hamed Sambo

 

 

Source :

http://www.uneca.org/publications/africas-blue-economy-policy-handbook

http://www.undp.org/content/undp/fr/home/librarypage/hdr/2015-human-development-report.html

http://media.unwto.org/fr/press-release/2015-04-15/les-exportations-du-tourisme-international-grimpent-1-500-milliards-d-usd-e

http://www.afdb.org/fr/the-high-5/light-up-and-power-africa-–-a-new-deal-on-energy-for-africa/

http://www.fao.org/documents/card/fr/c/9ba59d60-6d96-4991-b768-3509eeffc4da/

http://www.worldwildlife.org/publications/reviving-the-oceans-economy-the-case-for-action-2015

 

TIC, Entrepreneuriat et les start-up technologiques

Notre précédent article sur les Télécommunications en Afrique dressait un panorama du secteur sur le continent, avec des chiffres témoignant de l’importance et de la croissance du secteur aujourd’hui et pour les années à venir. La croissance attendue du nombre d’abonnés mobiles en Afrique et le développement de la data vers des réseaux plus rapides (3G et 4G) font du secteur des NTIC un secteur privilégié par les entrepreneurs et startups africaines et les investisseurs.

La multiplication et le succès des incubateurs numériques dans les grandes capitales africaines témoignent de l’esprit d’entreprenariat et d’innovation qui se développe chez les jeunes africains. En particulier, l’Afrique du Sud, le Kenya ou le Nigéria sont des places incontournables dans l’écosystème de l’entrepreneuriat numérique en Afrique, de par le nombre de structures d’accompagnement (incubateurs, accélérateurs…), du nombre de startups qui voient le jour et des financements qu’attire le secteur. Les KINGS (Kenya, Côte d’Ivoire, Nigeria, Ghana et Afrique du Sud) représentent ces pays africains en plein essor économique, et porteurs du développement des NTIC et du digital, aussi bien dans la sphère entrepreneuriale que dans la cour des grands.

ntic

D’autres pays, comme le Maroc, Maurice ou le Sénégal ne sont pas en reste et attirent de nombreuses entreprises du secteur des TIC. En 2015, les investisseurs et les institutions d’aide au développement auraient accordé près de 185 millions de dollars de financement aux startups africaines.

 

Les principaux incubateurs numériques en Afrique

Afrique du Nord

Afrique de l'Ouest

Afrique de l'Est

Afrique du Sud

WikiStartp.tn

Flat6Labs.com

PlugAndPlayEgypt.com

Tahrir2.com

 

JokkoLabs.net

Cticdakar.com

iLabLiberia.org

MobileWebGhana.org

mFriday.org

CCHubNigeria.com

WennovationHub.com

ActivSpaces.com

Tekxl.com

IceAddis.com

iHub.co.ke

HiveColab.org

TheHubKampala.com

kLab.rw

Teknohama.or.tz

 

mLab.co.za

Google.co.za/Umbono

BongoHive.com

i-Hub.mg

 

 

Source : Etude Forbes Afrique 2015

 

En effet, aux quatre coins de l’Afrique, notamment en Afrique de l’Ouest et Centrale, les entrepreneurs jouissent d’espaces d’échanges, de création et de développement, leur permettant de développer des applications et outils répondant aux besoins de la société et des consommateurs africains. Par ailleurs, l’organisation d’évènements, concours et Hackathons contribue à favoriser l’esprit entrepreneurial et à l’animation du secteur des TIC.

 

"Contraction de "hack" et "marathon", un hackathon est un événement lors duquel des équipes (composées de développeurs, mais aussi parfois de designers et de chefs de projet) doivent développer un projet informatique, en général un logiciel ou une application. Elles doivent le faire sur une période limitée, et généralement courte (une journée, une nuit, un week-end). Le but est donc de coder rapidement quelque chose de malin (d'où le "hack"). Il s'agit aussi de développer de manière intensive, sans s'arrêter (d'où le marathon). C'est aussi souvent une compétition festive à l'issue de laquelle un jury choisit et récompense des gagnants." Journal du net

 

Prenons l’exemple de Tekki48, un événement de 2 jours dédié aux startups organisé à Saint-Louis au Sénégal par le CTIC Dakar et Jokkolabs, en partenariat avec une université locale. L’événement a accueilli plus de 100 participants venus de tout le pays et 50 projets ont été pitchés devant un jury composé des acteurs clés de l’écosystème de l’entrepreneuriat au Sénégal. En particulier, depuis ces dernières années, les applications et startups technologiques à succès se concentrent sur des secteurs de l’économie dont le développement va de pair avec la croissance du continent. On retrouve ainsi des applications et plateformes dans les services financiers, avec l’essor des startups de la Fintech (M-Pesa, WeCashUp), du secteur de la santé, Healtech (JokkoSanté, Gifted Mom), de l’éducation, Edutech (WikiAfrica), de l’énergie et dernièrement, le secteur agricole (XamMarse, Trade at Hand).

Le point commun de ces startups technologiques à succès est l’aptitude qu’elles ont à allier esprit entrepreneurial et utilité sociale, ce qui leur permet non seulement de toucher un marché large, mais également d’attirer plus facilement des financements. Nous évoquons la question des financements à juste titre, car bien que le secteur des TIC soit prometteur en Afrique, les startups technologiques restent confrontées aux mêmes difficultés et contraintes que les startups classiques.

 

C'est aussi une question de financements et de ressources humaines!

En premier lieu, il n’est pas évident pour tous de trouver les financements nécessaires au développement de son projet. Prix, concours, emprunts ou Business Angels sont autant de pistes pour les entrepreneurs avertis, mais encore faut-il convaincre les investisseurs. Les structures d’accompagnement et de coaching jouent un rôle central sur ce volet, par le biais de l’incubation, des formations et ateliers divers. Par ailleurs, le développement de certaines plateformes requiert des compétences technologiques ou sectorielles (tel est le cas des startups technologiques dans le domaine de la santé ou des secteurs financiers par exemple), mais aussi commerciales et managériales. « Un technicien inventif et compétent est rarement un vendeur ou un homme d’affaires dans l’âme. », souligne Claude Migisha co-fondateur de The iHills Network, et membre fondateur de kLab, dans un article dédié au sujet.

Ces ressources humaines peuvent s’avérer difficiles à trouver et/ou coûteuses pour une jeune startup. De plus, les coûts de développement se répercutent parfois sur le prix du produit/service, ce qui limite son accessibilité à la population. Il convient donc que ces innovations technologiques, notamment celles ayant un impact social évident, soient accompagnées par le développement d’un environnement des affaires favorable ; on parle d’un accès facilité au financement, des infrastructures technologiques entretenues et la formation d’une ressource humaine adaptées. Au Kenya, suite à l’ICT Innovation Forum (Mars 2015), Bitange Ndemo, le précédent Secrétaire Permanent au ministère de l’information, de la communication et de la technologie, et Uhuru Kenyatta, le Président de la république, souhaitent faire du Kenya une « startup nation », par le biais de mesures encourageant l’innovation chez les jeunes, le financement de la recherche et du développement, dans l’optique notamment de créer des emplois.

 

 

Ndèye Fatou Sène

 

Sources

 

Aperçu des télécommunications en Afrique

ihub-Nairobi-4-e1454490094336Cet article est le premier d’une série sur les technologies de l’information et de la communication (TIC) en Afrique. Il vise à dresser un panorama général des télécommunications en Afrique, permettant de mieux comprendre l’environnement dans lequel s’inscrivent les problématiques abordées dans les articles à venir. 

Les TIC, auparavant aussi appelées Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communications (NTIC) ou en anglais, Information Technologies tout court, n’ont pas de définition universellement reconnue. Elles sont généralement comprises comme un ensemble de technologies permettant le traitement et le transfert de l’information. En 2006, l’OCDE définit le secteur des TIC comme celui dont les entreprises ont comme principales activités le traitement et la communication de l’information de manière électronique, y compris sa transmission et son affichage[1]. Plus récemment, dans son rapport sur le développement dans le monde 2016, intitulé « Les dividendes du numérique », la Banque mondiale définit les technologies numériques comme « internet, les téléphones mobiles et tous les autres outils servant à recueillir, stocker, analyser et partager des informations sous une forme numérique » [2]

Les technologies qui seront principalement abordées dans cette série seront donc celles qui répondent à cette définition, en particulier la téléphonie fixe et mobile ainsi qu’internet, et les services qui y sont liés.  

Téléphonie fixe

Sans surprise, la téléphonie fixe est marginale dans le paysage des télécommunications en Afrique subsaharienne. Les lignes fixes sont souvent considérées comme s’appuyant sur des infrastructures obsolètes, issues des anciennes entreprises nationales gérant les télécommunications, et couteuses à entretenir et donc souvent en mauvais état. Ces dernières années, ces entreprises ont plutôt concentré leurs investissements dans le développement des réseaux mobiles, considérés comme plus prometteurs.

Par conséquent, la téléphonie fixe a rapidement été dépassée par la téléphonie mobile : Il y avait en 2015 50 fois plus de connexions par téléphones portables que par fixes, avec un taux de pénétration des lignes fixes inférieur à 1%, le plus bas au monde[3]. La Banque Mondiale elle, constate une augmentation constante des abonnés africains à une ligne fixe jusque 2009 (1,57%), avant une légère baisse pour atteindre 1,11% en 2014[4]. La téléphonie fixe, pourtant révolutionnaire dans les pays occidentaux à sa naissance, semble donc bel et bien dépassée par des technologies apparaissant comme plus riches en termes de possibilités offertes.

Internet

Parmi les technologies plus attractives, l’internet qui est pourtant vu comme un levier de développement essentiel, est néanmoins un des domaines dans lequel le continent africain apparaît comme le plus en retard. En améliorant l’accès à l’information et en baissant son coût, il permet par exemple à des agents économiques jusque-là isolés ou du moins limités géographiquement, d’avoir accès à de nouveaux marchés, par exemple avec des services de eCommerce et de mAgri. Alors que 80% de la population des pays développés est connectée à internet, et 40% de la population mondiale, en 2014, ils ne seraient que 19,2 % en Afrique subsaharienne selon la Banque Mondiale[5]. L’Internet Society précise dans un rapport publié en 2015 que ce chiffre cache des disparités importantes, certains pays comme le Maroc observent un taux de 50% tandis que d’autres avoisinent les 2%, la moyenne étant à 10%[6].

La difficulté d’accès à internet s’explique par une bande passante insuffisante et couteuse : pour une même quantité, elle couterait 30 à 40 fois plus chère en Afrique qu’aux États-Unis et représenterait une part beaucoup plus importante des revenus annuels par habitant (800% en Afrique contre 15% aux États-Unis), avec d’importantes variations régionales[7]. Les pays enclavés rencontrent plus de difficultés que ceux qui bénéficient directement des câbles sous-marins, et les zones rurales sont également bien moins connectées que les centres urbains, qui regroupent un cinquième de la fibre terrestre.

Face à ces difficultés, des projets de « backbones », des réseaux terrestres permettant de relier les câbles sous-marins aux zones enclavées, sont en cours mais doivent faire face à des défis géographiques et financiers. Le développement des câbles sous-marins a tout de même contribué à l’augmentation de la bande passante en Afrique, multipliée par 20 entre 2009 et 2014 ; elle a ainsi permis de connecter 176 millions de personnes en plus à l’internet[8]. Néanmoins, la prépondérance du téléphone portable en Afrique, et les services mobiles qui y sont liés, donnent une place particulière aux données: en 2015, 90% des connexions internet du continent se faisaient par l’internet mobile[9].

Abonnés mobiles

Le GSMA recense en 2015, 557 millions d’abonnés mobiles en Afrique, ce qui représente un taux de pénétration de 46% ; il prévoit qu’ils seront 725 millions en 2020[10]. Malgré le fait que ces chiffres font de l’Afrique la deuxième région avec le plus grand nombre d’abonnés uniques derrière l’Asie, elle reste la moins connectée, avec un taux de pénétration bien en dessous de la moyenne mondiale de 63%. Et elle devrait toujours l’être en 2020, avec un taux de 54%[11]. Parmi les obstacles au développement des services mobiles, l’on peut évoquer le coût, les dépenses liées au mobile représentant une part importante du revenu ; des couvertures variables par les réseaux mobiles, notamment 3G et 4G ; et enfin une faible culture technologique des populations. 

L’Afrique est néanmoins le continent avec la plus grosse croissance en nombre d’abonnés, avec une croissance moyenne de 11% les dernières années mais qui devrait ralentir à 6% entre 2015 et 2020, mais toujours au-dessus de la moyenne mondiale de 4%. 8 pays possèdent à eux seuls 55% des abonnés, à savoir le Nigeria (15%), l’Egypte (10%), l’Afrique du Sud (7%), l’Ethiopie (6%), l’Algérie et le Kenya (5%) et la Tanzanie et la RDC (4%)[12].  La Banque mondiale, qui prend en compte le nombre de personnes ayant accès à un téléphone portable, constate, elle, un taux de pénétration de 73% du mobile dans les pays d’Afrique subsaharienne.

Le développement de la data

D’un point de vue plus qualitatif, l’on constate une évolution vers des réseaux dits de 3ème génération et 4ème génération (3G et 4G), chaque « génération » permettant des débits de transmission plus rapides. 28 pays possèdent déjà des réseaux 4G, avec des lancements récents en Tunisie, au Burundi, au Liberia, au Nigeria, au Soudan, en Tanzanie et en Ouganda. D’ici 2020, ils devraient être 50 pays à la proposer. Cette évolution vers ces réseaux plus rapides contribue au développement de nouveaux services mobiles, notamment basés sur l’utilisation de smartphones mais pas uniquement. Le prix de ceux-ci reste prohibitif pour de nombreux utilisateurs africains : vendus en moyenne à 230$ en 2012, ce prix est descendu à 160$ en 2015, tandis que des smartphones à moins de 50$ commencent à apparaître.

Les opérateurs cherchent à tenir compte des réalités économiques mais aussi des attentes de leurs clients en proposant des « kits » alliant téléphone abordable, forfait voix, SMS et données (Orange), ainsi qu’éventuellement des applications supplémentaires – éducatives ou musicales ; ou en adaptant leurs offres, par exemple en offrant gratuitement l’accès à certaines applications populaires comme WhatsApp, Facebook (MTN Rwanda). Cette évolution vers l’internet mobile se manifeste aussi bien dans les flux de données, qui peuvent augmenter de 60% et 75% d’une année sur l’autre, voire d’un trimestre sur l’autre ; que dans les revenus issus de ceux-ci.

Quelle contribution à l’économie ?

Ainsi, les revenus issus de l’industrie mobile en Afrique, représentent aujourd’hui 53,5 milliards de dollars, contre 42 milliards en 2010. Même si les revenus liés à la voix et aux SMS représentent toujours la plus grosse part de l’économie du mobile, c’est l’augmentation des revenus liés aux données qui sont à la base de cette croissance. En effet, les revenus issus de l’internet mobile représentent en moyenne un cinquième des revenus des opérateurs.

Le GSMA distingue les revenus directement issue de l’économie mobile, constitués par les activités des opérateurs téléphoniques, les distributeurs de produits et services mobiles ou encore les fournisseurs de services d’infrastructure ; les revenus indirects liés aux activités engendrées dans d’autres secteurs (achat de matériaux, recours à d’autres services) ; et enfin les gains de productivité permis dans les autres secteurs (communications facilitées, accès à information et nouveaux services via SMS, voix, 3G-4G…). En 2015, le GSMA estime les revenus directs à 50 milliards de dollars, ceux indirects à 12 milliards de dollars, et les gains de productivité à 92 milliards ; additionnés, les revenus issus de l’économie mobile s’élèveraient à 153 milliards de dollars, soit 6,7% du PIB des économies africaines.

En termes d’emplois, entre ceux du secteur même et ceux d’autres secteurs, tirés par la demande de l’économie mobile, le GSMA estime que celle-ci a contribué à créer 1,3 millions d’emplois directs et 2,4 millions indirects.            

Marie Caplain

Cet article a été publié le 09/09/2016.


[1] OCDE, DSTI/ICCP,  Working Party on Indicators for the Information Society , « Information Economy – Sector definition based on the international standard industry classification (ISIC 4) », Mars 2007.  

[2] Banque mondiale. 2016.  « Rapport sur le développement dans le monde 2016 : Les dividendes du numérique. » Abrégé. Washington :  Banque mondiale. Licence : Creative Commons Attribution CC BY 3.0 IGO, p.2.

[3]  Douglas Sele, Michael Mudau, « Telecommunications in Sub-Saharan Africa, Fixed & Mobile markets overview », Detecon, 02/05/2016.

[4] Banque Mondiale, Fixed telephone subscriptions (per 100 people), Subsaharan Africa, 1960-2014.

[5] Banque Mondiale, Internet users (per 100 people), Subsaharan Africa, 1990-2014.

[6] Towela Nyirenda-Jere & Tesfaye Biru, « Internet development and Internet governance in Africa », Internet Society, 22/05/2015.

[7] Towela Nyirenda-Jere & Tesfaye Biru, « Internet development and Internet governance in Africa », Internet Society, 22/05/2015.

[8] Hamilton Research, « Africa: Africa’s Terrestrial Transmission Network Reaches 1 Million Kilometres During 2015 », Africa Bandwidth Maps, 11/11/2015.

[9] Towela Nyirenda-Jere & Tesfaye Biru, « Internet development and Internet governance in Africa », Internet Society, 22/05/2015.

[10] GSMA, The Mobile Economy – Africa 2016.

Le GSMA parle « d’abonnés uniques » c’est à dire de personnes possédant une carte SIM ou plus, et non pas le nombre de carte SIM en circulation. L’industrie mobile a tendance à comptabiliser chaque carte SIM ce qui peut fausser les statistiques.

[11] GSMA, The Mobile Economy – Africa 2016.

[12] GSMA, The Mobile Economy – Africa 2016.

Le numérique peut-il vraiment changer votre vie ?

Depuis que le football ne fait plus rêver, le nouvel eldorado social africain se trouve dans l’entrepreneuriat, avec un intérêt particulier dans les domaines du virtuel. En même temps que le nombre d’Africains connectés monte en flèche, Internet, les réseaux sociaux en général ainsi que les solutions numériques sont  envisagés dans tous les discours. Ces changements se suivent forcément de modifications plus ou moins profondes dans le quotidien des uns et des autres, parfois pour le meilleur, parfois pour le pire. Le digital a-t-il une influence si grande sur nos vies ?

  1. Le digital change-t-il nos habitudes ?

Le réseau social Facebook a atteint en juin 2014 les 100 millions d’utilisateurs mensuels en Afrique. Avec une telle croissance, les faits par eux même  prouvent que les modes de vie changent, ici comme ailleurs. L’ampleur de ces changements se perçoit plus facilement dans des nations à forte présence technologique comme le japon ou Singapour, mais de plus en plus les vies africaines se modifient, de manière parfois plus forte qu’ailleurs. Le continent vert étant par exemple le seul sur lequel le mobile est utilisé à plus de 80% par rapport aux ordinateurs et autres tablettes pour les connexions sur le Web.

 

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(c) Jeune Afrique / Infogram

Plus généralement, on voit le digital changer les sociétés de plusieurs manières. Nous le voyons quand nous nous rendons compte que plus du tiers de la population mondiale aujourd’hui dispose d’internet. Nous voyons de  plus en plus fréquemment nos mamans nous envoyer des demandes d’amitié sur Facebook *pour notre plus grand malheur*, pendant que nos papas regardent leurs matchs, consultent leurs mails, profitent des services vidéos comme YouTube via leurs téléphones. Et la tendance est croissante, puisque les transports par drones d’Amazon et les ballons distributeurs de Wi-Fi nous font passer dans un univers digne des meilleures séries de science-fiction.
Nous voyons aussi le digital quand nous pouvons assister en streaming (en direct) à l’E3, la conférence du jeu vidéo, et lorsque nous pouvons lancer des campagnes de financement participatif (« Crowdfunding »). Ces campagnes de financement permettent entre autres de redonner ses couleurs à une culture comme avec le projet JeParleBassa’a 2.0, qui vise à réhabiliter certaines langues  locales au Cameroun. Le digital permet à  une entreprise de faire de la location de voitures sans voitures, et le digital permet aussi à une voiture de se déplacer sans chauffeur. De la monnaie à la météo en passant par la télévision, les transports. D’ailleurs prenez une minute, et pensez au téléphone. A chaque appels que vous émettez, vous entendez distinctement la voix d’une personne située à des milliers de kilomètres de votre position, vous arrivez à la voir en direct et même, vous pouvez lui faire un transfert d’argent *ce qui doit être fréquent si vous êtes africains*.

Il y a moins de quarante ans que l’internet est entré dans nos habitudes, mais on peut difficilement imaginer un monde sans le digital. Ceci dit, ces changements globaux n’ont pas forcément d’impact réel sur les vies des africains, qui sont relativement en retard dans la course aux datas.

  1. Le digital change-t-il vraiment la vie ?

Selon beaucoup, pas vraiment. Soyons un peu pragmatiques. L’homme n’en est pas à sa première révolution, et à moins que les mayas aient raison, l’humanité a encore quelques belles années avant que nous ne soyons tous dévorés par les oranges mutantes issues de l’agriculture OGM. En attendant, l’homme a toujours vécu des innovations, et très peu ont réellement changé quelque chose à notre manière fondamentale de vivre. Malgré les discours  optimistes à souhait, en fait, tout   est pareil. Notre manière d’aimer par exemple n’a pas changé, les compétences nécessaires au leadership n’ont pas  changé, et on se rend compte que la vie est un éternel recommencement, vu que Pokemon et les jeans déchirés  sont revenus à  la mode.  De plus, malgré les ambitions philanthropiques et mégalomaniaques des superpuissances et des milliardaires de l’heure, on n’a pas encore vu beaucoup de réalisations  vraiment utiles pour l’humanité, au point que certains se demandent si ces projets humanitaires sont vraiment si humanitaires que ça.

Parce qu’entre nous, l’Afrique est pauvre. Bon. Soyons politiquement corrects. L’Afrique est un « contexte géopolitique complexe et incertain». Qu’est-ce que des applications web, le data mining ou les drones peuvent apporter à une région où on a des coupures de courant de vingt heures par semaine? Qu’est-ce que les « wazzaps » et les « fassbook » peuvent apporter à quelqu’un qui vit sous le seuil de un Euro par jour ? Comment est-ce possible que l’homme soit capable d’aller sur la Lune et sur Mars, et qu’il soit inapte pour éradiquer la famine ?

 

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(c) Jeune Afrique / Infogram

A contrario, la transformation digitale qu’est en train de connaitre le continent africain ne se fait  pas sans risques. En Algérie qui est le cinquième pays africain sur  les réseaux sociaux, on a récemment ouvert un centre de désintoxication contre  Facebook. Incroyable mais vrai. Pendant ce temps des terroristes notoires utilisent fréquemment des vidéos de propagande diffusées via les réseaux sociaux, ainsi que des services de messagerie chiffrée comme Telegram, l’application de messagerie qui permet d’envoyer des messages virtuellement impossibles à intercepter. Le digital change même la manière de faire la guerre.

Des variations notables du quotidien africain sont certes perceptibles. Outre les 25 % d’abonnés mensuels revendiqués par le continent, on compte aussi une utilisation plus que massive des outils de messagerie instantanée comme WhatsApp, qui a affiché deux années de suite un taux de croissance de plus de 50%. L’Afrique est aujourd’hui le premier continent en matière d’utilisation de solutions de paiement mobile comme avec M-PESA au Kenya, et de manière générale le digital a rendu l’Afrique beaucoup plus mobile. Dans les deux sens que peuvent prendre ce mot.

  1. Qu’est-ce que le digital apporte alors à l’Afrique ?

Des perspectives.

Il ne faut pas se voiler la face. Les discours sur le prétendu réveil africain n’auront pas passé l’épreuve du temps. Beaucoup des problématiques sociales, économiques, structurelles de  l’époque des indépendances sont encore bien présentes de nos jours. Ceci dit, même si une connexion internet ne remplace un champ détruit par la sécheresse, le digital est loin d’être un placement à perte, au contraire.

Considérer que le numérique n’est pas une  priorité parce que le peuple a faim, c’est  équivalent à considérer en pleine deuxième guerre mondiale que la fabrication d’armes  et les entraînements  des soldats ne sont pas  une priorité… parce que le peuple a faim. C’est incohérent, surtout qu’en vérité, on est vraiment en guerre. Les épidémies, l’instabilité sociale, et les très nombreux préjugés nuisent à l’image de l’Afrique, et empêchent l’instauration d’un climat entrepreneurial fiable.

Sur tous ces champs de bataille, les technologies de l’information et de la communication offrent des perspectives, ouvrent des portes. Le simple accès à l’information permettrait déjà de mieux gérer certaines épidémies, pendant que les applications de sécurité routière offrent de belles solutions à des problèmes concrets, permettant de [plus ou moins] réduire les taux d’accidents en attendant les super-routes promises par tous les plans africains d’émergence en 2025, 2035, 2045 et cetera.

S’agissant de l’éducation la question ne se pose même pas. A l’heure actuelle on devrait intégrer l’utilisation des blogs et des algorithmes dès la sixième pour rattraper le retard pris sur les nations des autres continents. Au japon, on envisage déjà d’introduire le code dans les programmes scolaires. Au primaire -_-.

De toutes manières, même si les technologies de l’information ne résolvaient aucun problème et ne changeaient rien au quotidien, il faudrait  quand même capitaliser dessus. Si on ne le fait pas, d’autres le feront à notre place et ils ont même déjà commencé. Les projets visant à « connecter l’Afrique » sont des priorités pour de nombreuses grosses boites américaines et chinoises. La ville de Hong Kong à elle seule produit plus de contenu sur WIKIPEDIA que tout le continent Africain. Faudra-t-il attendre que le monde vienne écrire nos articles à notre place ?

Quelques-uns ont compris, et certaines de nos figures politiques se sont aussi mises à la page, avec des mesures plus ou moins utiles, éthiques, efficaces. L’exonération d’impôts sur l’importation de matériel technologique ou l’achat d’ordinateurs pour les universités sont déjà adoptées, même si on débattra plus tard de la pertinence souvent discutable de celles-ci. Dans le même temps les coupures brutales de l’internet en périodes électorales ne sont pas rares non plus. En outre il n’est pas rare de voir quelques « négligences » de la part des gros médias sociaux, envers certaines figures emblématiques africaines. Le compte « officiel » de l’artiste Youssou n’dour notamment, avec 173k abonnés, n’est pas certifié. Comme quoi le digital ne peut pas tout changer, sans une vraie volonté.

Cela signifie que nous avons encore du chemin à faire, mais ce qui est sûr c’est que ce chemin sera bien moins pénible pour les nations et peuples africains qui auront compris ce qui est plus qu’un slogan pour quelques geeks en mal de reconnaissance : Le digital, c’est le futur. Si vous en doutez, vous vous trompez.

 

Cet article est issu de TechofAfrica.com, site d'actualités sur les nouvelles technologies et les startups en Afrique.

 

Quatorze propositions pour repenser le système éducatif au Mali

maliDepuis l’indépendance du Mali le 22 septembre 1960, les différentes autorités successives ont toujours considéré que le système éducatif était un secteur prioritaire. Dès 1962, la première réforme fut adoptée pour rompre avec le système éducatif colonial avec un enseignement de masse et de qualité tout en préservant la culture et les valeurs maliennes. Mais au fil des années, cette réforme a été revue maintes fois, notamment lors des séminaires de 1964 et  1978,  des  Etats  généraux  de l’éducation en 1989, de la Table ronde sur l’éducation de base, du Débat national sur  l’éducation en 1991,…, et plus récemment, le Forum national tenu en octobre-novembre 2008. Aujourd’hui encore, l’État continue à investir dans l’éducation et d’ailleurs plus du tiers du budget national y est consacré. Malgré tous ces efforts, le système éducatif du Mali reste l’un des moins performants dans le monde avec un taux d’alphabétisation estimé à 38,7% pour les enfants qui commencent l'école primaire. Le rôle de l'éducation étant crucial pour le développement d'un pays, le Mali doit penser encore à améliorer son secteur de l'enseignement. C'est pourquoi, Nelson MANDELA disait : « L’éducation est l'arme la plus puissante qu'on puisse utiliser pour changer le monde ». Cela nous ramène à poser les questions suivantes : Quelle éducation pour un enfant citoyen ? Quel système éducatif pour répondre aux défis du monde actuel et aux défis auxquels fait face la société malienne ? Cet article propose des pistes pour réformer le système éducatif malien en vue de le rendre plus performant et plus adapté aux défis de la société malienne.

Par Eloi TRAORE[1]

                                                                          

  1. Ecrire à ses enfants à la « Maison »

L’état des lieux se résumant le plus souvent par : « On ne peut pas leur parler » ; « Je leur parle ou j’essaye de leur parler, mais cela ne marche pas, ils n’écoutent pas » etc. L’adolescent normal dira qu’il n’en a rien à faire ! Mais ce n’est pas parce qu’il dit, qu’il n’en a rien à faire, qu’il n’en a rien à faire, et qu’il ne faut plus lui parler ! Et surtout parce qu’il ne veut pas écouter qu’il ne faut plus lui écrire. C’est justement là qu’il faut lui écrire ! Tenir la famille par le dialogue. Donc l’écriture comme alternative au discours oral. L’éducation, c’est travaillé avec nos enfants au quotidien. En parallèle, il faut redonner à la science, la littérature, l’histoire, leur pouvoir symbolique. La capacité à faire rêver et à faire comprendre l’enfant. Qu’elle renvoie l’enfant aux problèmes qu’il se pose, sans qu’elle ne soit pas un ensemble d’exercices sur un parcours du combattant pour vérifier qu’il peut passer en classe supérieure. Ex : Il n’y a pas un enfant qui ne sera pas animé ou intéressé si on y met un peu d’enthousiasme, de vivacité  devant « les Etoile Sirius des Dogons ou l’Orion des Touaregs», ou du jeu de « wôli » et qui ne dira pas qu’il se joue–là quelque chose qui le concerne directement, parce que c’est de l’humain dont il est question, c’est-à-dire de lui.

  1. Adopter la pratique du « Conseil en Classe »

Le conseil doit être est un moment ritualisé. Il s’agit de motiver d’une part l’enfant à écrire éventuellement sur le cahier de la classe, ou à mettre dans la boîte aux lettres un petit mot pour expliquer qu’il veut que l’on discute d’un sujet  en classe. Mais c’est uniquement au conseil que l’on en parlera, pas tout de suite. On va y réfléchir en se donnant le temps pour en parler. Donc un rituel de prise de parole, qui permet de s’écouter et d’entrer dans une discussion collective qui inclura d’autre part les préoccupations du personnel enseignant. En ce sens que le rituel doit permettre à cet effet à l’enseignant aussi de s’adresser directement et facilement aux différents responsables de l’éducation. Concrètement, il s’agira de rentrer dans un processus de dédramatisation des problèmes en les exposant dans un climat de confiance mutuelle.

  1. La création de « Classes vertes »

« L'abeille qu'on met de force dans une ruche ne fera pas de miel » dit un proverbe malien. En effet, vivre ensemble l’expérience du monde avec les éléments de la nature et évoquer après le vécu par écrit, pour que l’expérience du monde leur permette d’accéder à la littérature. Faire savoir aux enfants ce que c’est « une pirogue, un éclat, une ruche », parce que beaucoup n’ont jamais été en pique-nique au bord d’une rivière. Ce n’est pas parce qu’on ne leur a pas appris à lire le, la, les; ce qu’ils ne voient pas, c’est ce que c’est. Le rapport des enfants par rapport au moment, par rapport au monde étant un rapport questionnant,  « la littérature et les sciences » constituent à titre d’exemple des excipients dans ce principe innovateur que sont les « classes vertes ». Comment se fait-il que des gamins fascinés par la science-fiction tirent la gueule devant la loi de Joule ? Ou par les éléments de la nature (eau, feu, air, lumière) ont du mal à comprendre les propriétés chimiques des CO2 + H2O ? Travailler donc la littérature et les sciences en classes vertes revient á insuffler donc une dynamique aux programmes d’enseignements qui sensibilisent dans le primaire, se consolident dans le secondaire et responsabilisent dans le supérieur.

  1. Ré-institutionnaliser les lieux éducatifs

L’école est complètement dans une logique dans laquelle les intérêts individuels prennent le pas sur la cohérence du collectif. Une école où l’emploi du temps est une tranche napolitaine, qui juxtapose des cours au gré de la fantaisie du chef d’établissement et de ses adjoints, mais aussi des impératifs de l’institution, n’est pas véritablement institutionnalisée. Il s’agit et surtout de construire des institutions centrées autour d’un projet qui est celui de l’apprentissage à travers la prise en compte de la spécificité régionale, c’est-à-dire si le Kénédugu ou le Dogon ou encore le Gourma etc. doit rester à Sikasso, au Pays Dogon, à Gao, Tombouctou ou pas.

  1. La motivation des enfants face au laxisme généralisé 

On dit souvent, les élèves ne réussissent pas parce qu’ils ne sont pas motivés, mais on peut retourner l’affirmation : les élèves ne sont pas motivés parce qu’on ne leur transmet pas assez l’envie de réussir. Et rien ne démotive plus que l’échec. Il faut donc trouver les moyens de motiver les élèves afin de les inciter à donner le meilleur d’eux-mêmes. Et c’est seulement comme cela que l’évaluation aura  une vertu positive et permettra de déceler les véritables capacités des apprenants. Partir de l’évaluation de ce que chacun sait faire et par une exigence au coude à coude l’aider à ce qu’il peut faire le mieux.

 

Par Hermann DIARRA[2]

  1. Prôner une scolarisation massive des filles 

Le Mali est un pays où les femmes comme dans le reste du monde, passent plus de temps que les hommes à s’occuper des enfants. Par conséquent, éduquer les filles dans une conjoncture de plus en plus difficile, serait une solution pour la maîtrise de notre croissance démographique. De plus, l’éducation des femmes apportera certainement la croissance économique car avec peu d’enfants et des femmes professionnellement actives, le revenu par habitant pourrait être plus élevé. Mais avant d’en arriver là, il serait indispensable de changer la vision des parents qui pensent que l’éducation de leurs filles est un investissement moins prometteur que celui des garçons à long terme. En effet, pour ces parents, l’avenir des filles serait réservé au mariage et à la maternité. Pour inciter les familles à envoyer leurs filles à l’école, les autorités pourraient prendre en charge la totalité de la scolarité des filles inscrites dans l'école publique ainsi que leurs soins et nourriture. Par ailleurs, concevoir des programmes de bourses et d’aides financières pour les filles scolarisées est une piste à étudier. Plus de promotion pour les filles !

  1. Une famille responsable dans l'éducation de ses enfants 

La famille doit prendre conscience de sa responsabilité dans l’éducation de leurs enfants. Éduquer ses enfants n’est pas uniquement les nourrir, les vêtir, les soigner et les protéger, mais c’est aussi leur transmettre les valeurs de la vie, notamment le courage, le respect. L'enfant a besoin d'être guidé : nul besoin de rappeler qu’il ignore ce qui est le mieux pour lui. Il incombe à la famille de préparer leurs enfants à être des adultes responsables, car le sens élevé de la responsabilité est une condition sine qua non de toute réussite. Parce qu’un étudiant responsable mis dans des conditions de travail adéquates a sans doute toutes les chances de réussir. Par ailleurs, dans le cadre de l’éducation de leurs enfants, certains foyers qui sont comme de véritables camps militaires où règne la terreur doivent plutôt privilégier la communication au châtiment corporel. Donc concrètement établir un dialogue permanent. L´Education, c’est de tenir le contact au quotidien avec l’enfant pour maintenir intacte la structure familiale. Sinon, l’enfant aura du mal à se confier à ceux qui sont censés être ses protecteurs. Par ailleurs, pour accompagner les parents, les écoles doivent convoquer les parents au moins une fois par an pour un dialogue sur les progrès,  les  difficultés et les efforts de leurs enfants.

  1. Une éducation civique et patriotique

Dans cette ère de mondialisation, vu la situation, si rien n’est fait, c’est l’âme du Mali qui sera vendu. Pour faire face aux enjeux et défis de la globalisation, le Mali a certes besoin de citoyens compétents mais surtout responsables et engagés. C’est pourquoi Thomas SANKARA disait : « Il faut que l’école nouvelle et l’enseignement nouveau concourent à la naissance de patriotes et non d’apatrides », car un patriote sera pour la justice, contre la corruption et pour un Mali un et indivisible. D’où l’intérêt de la mise en place d’actions concrètes comme l’instauration d’une journée de l’éducation civique et patriotique lors de laquelle, les enfants pourront intérioriser notamment l’amour de la patrie, le respect des biens publics, de la discipline et des aînés. Par ailleurs, les élèves doivent comprendre que les symboles ont un sens et que tout ce qui a un sens est important. C’est pour cela que les autorités doivent tout mettre en œuvre pour que le drapeau du Mali flotte au-dessus ou au centre de chaque école en permanence, et l’hymne national joué avant chaque rentrée de classe. Il faudrait amener les élèves à réfléchir progressivement selon les cycles sur chaque ligne de l’hymne nationale et en débattre…

  1. Le parrainage des enfants de familles pauvres 

L’état devrait réfléchir à la mise en place d’un système de parrainage qui pourrait être un moyen efficace pour permettre aux élèves d’avoir accès à une scolarité souvent difficile, voire impossible pour les enfants de familles pauvres. Concrètement, chaque école aura la mission d’identifier les enfants nécessitant un appui financier pour la  poursuite de leur scolarité ou ceux en très grandes difficultés. Ainsi, la générosité de certains maliens pourra s’exprimer en faveur de cette noble cause nationale. Pour cela, on peut mettre en place de rencontres sous forme de soirées organisées par l’ORTM, ou dîner entre hommes d’affaires sélectionnés/invités pour la bonne cause : aider les familles défavorisées dans la réussite de l’éducation de leurs enfants. Cette soirée profitera à toutes les parties. D’un côté, financer les familles défavorisées et d’un autre, rencontre entre personnalités (tissage de nouvelles opportunités peut être…). Non seulement cette mesure serait un coup de pouce non négligeable à la stimulation de la scolarisation mais elle pourrait également être considéré comme un travail social, qui serait utile à la réduction des inégalités sociales criantes au Mali. Donc solidarité et le suivi de la générosité pour s’assurer que l’investissement a été utilisé à bon escient…

 

Par AMADOU SY[3]

  1. Appliquer le « numerus clausus » dans les facultés maliennes

L’université́ doit être réservée aux candidats ayant le baccalauréat avec la mention 11/20.  Le système de « numerus clausus » ou « nombre fermé » consiste à limiter les effectifs à l’entrée des facultés. Il faut impérativement désengorger les amphithéâtres qui sont pléthoriques. Il faut reconnaitre que tout le monde n’est pas apte à poursuivre des études universitaires. Dans ce cas, il serait plausible de définir les qualifications obligatoires pour tous depuis la dernière année du lycée. Chaque candidat devrait avoir un dossier dans lequel sont détaillés ses motivations et un choix sur 2 ou 3 universités. Selon les résultats de chaque lycéen au Bac, il reviendrait à l’Etat à travers son ministère de l’éducation d’orienter les candidats en fonction de leurs motivations et choix d’universités. Bien sûr, pour certains, cette qualification impliquera une formation universitaire. Pour d'autres, non ! Puisque certains se dirigent vers l'université parce que c'est "la façon" qu'on leur a indiqué de réussir dans la vie, sans autre réflexion… Alors que pour eux, pour les individus qu'ils sont, ce n'est pas le cas, la bonne formation à la bonne personne et non sans l'université, point de salut ! Grâce à ces mesures, les universités recruteront en fonction des besoins, des qualifications, des budgets pouvant assurer un enseignement supérieur de qualité́.

  1. Reformer en profondeur les programmes d’enseignements secondaire et supérieur

Le paysage du système éducatif du Mali montre aujourd’hui un décalage entre les programmes actuels surchargés et sans débouchés professionnels, et des secteurs économiques en carences de personnel qualifié pour aviver leur essor. Il faut dans un premier temps, revaloriser les métiers liés à l’agriculture, l’élevage et l’artisanat. Dans un deuxième temps, insérer des programmes plus adaptés à l’histoire du Mali et créer un programme de culture générale nécessaire afin de préparer les élèves et étudiants à  faire face une fois diplômés, aux exigences de la vie professionnelle malienne. Enfin dans un troisième temps (le plus important ?), il est nécessaire de promouvoir l'apprentissage assisté par ordinateur. Des réformes sont indéniablement nécessaires dans ce sens pour inciter (obliger ?) les établissements privés secondaires et supérieurs à s’équiper au moins d’une salle informatique. Par ailleurs, l’Etat malien doit aussi remplir pleinement son rôle en équipant davantage les écoles publiques du secondaire à l’université, de salles informatiques de qualité. Ces réformes permettront de réduire significativement les incartades entre les programmes scolaires et les besoins réels de l’économie en main d’œuvre qualifiée dans les secteurs de l’agriculture, l’élevage et la pêche.

  1. La création de l’Université de l’agriculture, de l’élevage et de l’artisanat (UAEA)

Nos universités actuelles forment des futurs chômeurs qui basculeront très rapidement dans l’informel. C’est inconcevable de constater que les jeunes diplômés parfois même après un doctorat, sont obligés de travailler dans des métiers qui sont en décalage total avec leur domaine de qualifications. Pour remédier à ce problème majeur, la création de l’Université de l’Agriculture, de l’Elevage et de l’Artisanat (l’UAEA) est nécessaire pour former de véritables agents économiques en parfaite adéquation avec la configuration actuelle de l’économie malienne. L’UAEA permettra de former de nouveaux agents aptes de bien rentabiliser par exemple les terres agricoles, de bien maitriser l’eau, d’accroître la productivité et au final de contribuer significativement à la réduction du chômage surtout dans les zones rurales. D’après Moussa MARA, « la croissance de l’urbanisation du Mali est beaucoup plus rapide que sa croissance démographique. 60% de la population urbaine vie à Bamako ». Dans ce contexte, l’UAEA permettra aussi de baisser les flux d’émigration des zones rurales vers les zones urbaines.

  1. Mettre en place le système de l’alternance dans les formations techniques et professionnelles

En tenant compte des besoins de l’économie du pays, la réussite de l’éducation nationale passera aussi par le système d’alternance dans les formations techniques et professionnelles. Il s’agit d’établir un contrat tripartite entre l’élève, l’école professionnelle et l’entreprise. L’accès au monde du travail de l’élève se fait tout d'abord par une phase d'apprentissage dans l’entreprise d’une à deux semaines par mois. Cette phase est complétée par une formation parallèle d'une à deux semaines par mois dans une école technique ou professionnelle. Ce caractère dual de la formation professionnelle composée d'une phase en entreprise et d'une phase scolaire, est l’une des solutions pour redonner de l’élan au système éducatif malien. Grâce à l’alternance, les jeunes pourront faire le bilan sur leurs atouts et points faibles, et acquérir des aptitudes professionnelles complètes, directement axées sur l'entreprise et un métier précis bénéficiant à toutes les parties prenantes.

  1. Mettre les collectivités au cœur du système éducatif

Dans un contexte de décentralisation au Mali, l’objectif est de donner plus de pouvoir aux collectivités territoriales. Dans ce sens, la place de l’éducation est primordiale pour la réussite de cette décentralisation. Les collectivités territoriales à travers les communes, les cercles et les régions ont un rôle important à jouer. L’Etat malien doit privilégier des opérations de décentralisation des compétences qui exalteront le poids des collectivités territoriales pour le bon fonctionnement du système éducatif. Il faut la mise en place des lois pour définir et préciser la répartition des rôles et des compétences des collectivités locales en matière d’éducation. Pour les communes, l’accent doit être mis sur l'implantation, la construction, l'équipement, le fonctionnement et l'entretien des écoles maternelles et élémentaires. Elles sont responsables du personnel non enseignant (accueil, restauration, etc). Pour les cercles, l’accent doit être mis sur la construction et les travaux dans les écoles de l’enseignement secondaire. Enfin, les régions doivent se consacrer à la fois sur la définition de la politique régionale d’éducation et la bonne gestion de l’UAEA. Grâce aux collectivités, la décentralisation du système éducatif permettra d’apporter de l’authenticité et de l’efficacité dans le développement des territoires en impliquant l’élève à la fois au cœur du système éducatif et dans le développement de la collectivité.

 

L’école doit faire son auto critique, c’est-à-dire apprendre autre chose que ce qu’elle apprend actuellement, en permettant d’apprendre un certain nombre de valeurs comme le « civisme » sans tomber dans le discours politique. Par exemple la morale c’est l’enseignement de l’autre, d’autrui, donc on n’est pas tout seul. La morale, ce n’est pas de dire c’est ceci le bien ou le mal. Mais « autrui existe ».

 

Eloi TRAORE, Hermann DIARRA & AMADOU SY

 

 


[1] Conseiller Pédagogique Office de la Migration des Jeunes et Prof. des Universités Populaires Gießen / Lahn-Dill-Kreis Allemagne

 

[2] Membre du Centre d’études et de Réflexion du Mali (CERM), de L'Afrique des Idées, il est sympathisant de l’Union des fédéralistes africains (UFA). Titulaire d'un master en Réseaux et Télécommunications, il est aussi diplômé en management des systèmes d'information

 

[3] Consultant en Diagnostic Economique et Financier auprès des Comités d’Entreprise/Comité de Groupe Européen, membre du Centre d’Etudes et de Réflexion du Mali (CERM) et membre de l’Association des Jeunes pour les Nations Unies à Genève (ADJNU). Il a publié de nombreux articles sur le développement de l’Afrique en général et le Mali en particulier notamment sur le champ de l’éducation

 

Bâtiment d’Afrique, un gouffre énergétique !

batimentL’Afrique  d’aujourd’hui connaît un processus d’urbanisation très  rapide qui est nourri par une croissance démographique élevée. Il faut souligner que le bâtiment et, plus généralement, l’urbanisation se situent au cœur des enjeux économiques, sociaux et environnementaux de nos sociétés. Il est donc vital d’anticiper les besoins en infrastructures et en ressources et de limiter les dégradations environnementales et sociétales associés au processus d’urbanisation, particulièrement au regard de la durée de vie importante des constructions urbaines. Le bâtiment durable s’inscrit dans cette perspective et vise également à proposer des éléments de réponses aux difficultés rencontrées par certains pays en matière de lutte contre la pauvreté et les inégalités, d’accès à l’énergie et à un approvisionnement énergétique durable et sobre en carbone, de gestion des ressources naturelles et d’adaptation au changement climatique.

Problèmes énergétiques du Bâtiment en Afrique

L’Afrique est confrontée à des problèmes d’approvisionnement énergétique ainsi qu’à un déficit d’accès à l’électricité pour une part importante de sa population. Près de 530 millions d’habitants dépendent de sources d’énergies polluantes et peu efficientes (bois, charbon, gaz) pour la cuisson, le chauffage et l’éclairage[1]. La demande en énergie devrait s’accroître considérablement avec l’urbanisation et pourrait, par exemple, être multipliée par cinq d’ici 2030 et par douze d’ici 2050 dans les pays de la Coopération Économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)[2].

Il faut souligner que les économies africaines restent, à l’heure actuelle, très dépendantes des énergies fossiles, notamment du pétrole (42 % de la consommation énergétique en 2011), du gaz (15 %) et du charbon (13 %), mais aussi de la biomasse (29 %) et dans une moindre mesure de l’hydroélectricité. Malgré un potentiel considérable, moins de 1 % du mix énergétique est attribuable aux énergies renouvelables[3]. Une augmentation de la demande aura donc des effets sensibles sur les émissions de gaz à effet de serre, sur l’exploitation de certaines ressources, mais également sur un prix de l’énergie déjà élevé[4].

Le développement du marché du bâtiment durable doit s’inscrire donc dans ce contexte, avec la mise en place de politiques visant à la fois à réduire les besoins à travers l’efficacité énergétique mais également à permettre le développement de sources d’énergies moins polluantes.

La structure DEV-ENERGY PLUS, mise en place depuis 2015 au BENIN, s’inscrit entièrement  dans cette logique. Cette jeune entreprise témoignera au fil du temps  de son savoir-faire dans le domaine des énergies renouvelables, de l’efficacité énergétique et du développement durable dans la région de l’Afrique de l’Ouest.

Le bâtiment durable rime avec efficacité énergétique et énergie renouvelable

L’objectif premier du bâtiment durable est la mise en œuvre de mesures permettant d’atténuer l’impact environnemental du bâtiment (neuf ou existant), notamment au travers d’une plus grande efficacité énergétique et d’une meilleure gestion des ressources, tout en garantissant un niveau de confort élevé pour les occupants. Cela peut prendre la forme de stratégies de conception dites « passives » (architecture bioclimatique), de stratégies « actives » (intégration des énergies renouvelables, usage de matériels performants…)[5] et d’interventions sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment (usage de matériaux locaux, gestion optimale des déchets, etc.).

Parmi les nombreux autres avantages de la construction durable  on citera : une baisse des coûts de construction (8 à 9 % selon McGraw-Hill construction[6]) et des coûts d’exploitation et d’entretien, une meilleure résilience aux changements climatiques, ou encore un plus grand confort menant à une réduction des dépenses de santé et une hausse de la productivité des occupants (de 1 à 9 %, source GIEC[7]).

Intégrer les énergies renouvelables dans la conception des bâtiments en Afrique (panneaux solaires, éolienne de toit, climatisation solaire…) peut, par ailleurs, être un des éléments de réponse aux problèmes déjà évoqués de pauvreté énergétique, de manque d’accès à l’énergie, d’utilisation de sources d’énergies polluantes ou encore d’exploitation non durable de certaines ressources (biomasse), et ce sans avoir recours à des investissements onéreux en infrastructures. La promotion de l’utilisation de matériaux et de techniques de conception traditionnels, généralement mieux adaptés aux conditions locales, peut également être un moyen de valoriser des compétences spécifiques, y compris dans le secteur informel, et apporter un soutien aux économies locales.

L’Afrique reste  le continent disposant le plus de ressource énergétique naturelle mais demeure toujours le moins alimenté. Pour atténuer donc ce paradoxe  il faut absolument une adéquation entre la conception des bâtiments et la maitrise de leur consommation énergétique. La promotion des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique s’avère nécessaire. Des entreprises africaines tout comme  DEV-ENERGY PLUS en  fait une priorité : « procurer des solutions énergétiques sur mesure pour assurer un développement durable de l’Afrique » telle est notre mission.

 


[1] Oi, A., design and simulation of photovoltaic water pumping system. Partial fulfillment of the requirements for the Degree of Master of Science in Electrical Engineering, Faculty of California Polytechnic State University, San Luis Obispo, September 2005.

 

[2] Kane Mamadou, R.A., Les onduleurs pour systèmes photovoltaïques. Cythelia, Juillet  2001: p. 49

 

[3] P.A.B. James, A.S.B., R.M. Braid, PV array <5 kWp + single inverter = grid connected PV system: Are multiple inverter alternatives economic? Solar Energy, September2006. 80(9): p. 1179-1188

 

[4] cherfa, F.B., Etude et réalisation d’une centrale photovoltaïque connectée au réseau de distribution électrique BT Mémoire de magister, Ecole nationale Polytechnique Elharach, 2004

 

[5] Marcelo Gradella Villalva, J.R.G., and Ernesto Ruppert Filho, Comprehensive Approach to Modeling and Simulation of Photovoltaic Arrays IEEE TRANSACTIONS ON POWER ELECTRONICS, mai 2009. 24

 

[6] Patel, M.R., Wind and Solar Power Systems. Ph.D, édition CRC PRESS

 

[7] XU, J., Filtrage active shunt des harmoniques des réseaux de distribution d’électricité, Thèse de doctorat de l’INPL, Nancy, Janvier 1994

 

Eduquer au Développement Durable : l’importance des synergies multipartites!

developpement-durableDéfini de façon consensuelle comme un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs[1], le développement durable est aujourd’hui au cœur des réflexions et des prises de décisions. Les nombreuses crises économiques, sociales et environnementales de par le monde soulèvent des inquiétudes pour notre avenir commun. Il est primordial qu’interviennent des mutations fondamentales et structurelles à long terme de nos systèmes socioéconomiques, ainsi que des changements de comportements, notamment individuels. L’éducation – dans son sens le plus large en tant qu’action de former, développer et faire grandir l’individu, non seulement pour lui-même, mais aussi pour qu’il puisse participer à la construction de la société[2] a un rôle prépondérant à jouer. L'éducation en tant qu’outil de transmission d’une génération à l'autre est l’un des instruments les plus puissants pour réaliser ce changement structurel et façonner un avenir viable pour tous.

De ce fait, il faut repenser l’éducation[3] en termes de durabilité afin qu’elle serve d’appui et de catalyseur pour l’atteinte des Objectifs de Développement Durable (ODD) tels qu’énoncés par les Nations Unies en septembre 2015. En ligne avec un proverbe africain « un seul bras ne peut faire le tour d’un baobab » pour signifier la nécessité de l’union pour réussir un défi aussi colossal, les partenariats rassemblant plusieurs acteurs sont l’une des  clés pour atteindre ces ODD. Les acteurs privés, publics doivent œuvrer individuellement et surtout collectivement pour relever les défis auxquels nous faisons face.

Qu’est-ce-que l’Éducation au Développement Durable ?

Selon l’Unesco (en charge de coordonner la mise en œuvre du Programme d'action mondial pour l'EDD), l’éducation au développement durable consiste à intégrer dans l'enseignement et l'apprentissage les thèmes clés du développement durable. Il s’agit par exemple d’aborder le changement climatique, la prévention des catastrophes, la biodiversité, la réduction de la pauvreté ou la consommation durable. Elle est intrinsèque et transversale : elle fait corps avec les disciplines déjà enseignées et simultanément se pense dans l’interaction entre les différents champs disciplinaires. L’EDD ne doit pas être perçue ou traitée comme une nouvelle discipline d’apprentissage. Elle se construit et s’adapte au niveau scolaire et au public en apprentissage. De ce fait, l’EDD débute dès les premiers cycles de l’éducation (maternelle) et se poursuit dans les dernières années de l’éducation formelle (enseignement supérieur).

EDD : de la nécessité de réformer les systèmes éducatifs !

Une Éducation au Développement Durable demande de transformer de fond en comble l’environnement éducatif de chaque pays. Elle doit être spécifique à chaque pays selon les enjeux et ambitions de celui-ci en matière d’éducation, d’environnement, d’économie etc.  Développer une EDD demande d’intervenir sur différents volets dont les plus importants sont :

  • Le contenu de l’apprentissage > intégrer les enjeux du Développement Durable aux programmes éducatifs et concevoir des outils d’apprentissage innovants et interactifs. Définir un plan d’action, une stratégie et des indicateurs de suivi…
  • La pédagogie et la méthodologie d’apprentissage > renforcer les compétences des personnels éducatifs. La faiblesse et le manque de compétences des éducateurs est l’un des premiers obstacles à l’Éducation au Développement Durable[4]
  • L’action et la mise en pratique > encourager la réflexion critique, la prise de décision des apprenants sur des problèmes de leur quotidien. Planifier et réaliser des projets individuels et collectifs en réfléchissant aux liens entre les actions et leurs impacts.

Quels acteurs pour une EDD efficace ?

Dans la réflexion et l’application des chacun de ces volets, il est nécessaire d’inclure des acteurs externes (à la classe et au milieu scolaire) : instaurer le dialogue et la collaboration entre tous les acteurs de la société. En matière d’EDD, il est nécessaire que toutes les parties prenantes travaillent en synergie. Par parties prenantes ici on entend toute structure (publique, privée) impliquée de près ou de loin par l’éducation. On peut citer de manière non exhaustive, les pouvoirs publics, les organisations de la société civile, les entreprises, les apprenants, les médias…

  • Les pouvoirs publics: pour atteindre les Objectifs de Développement Durable dont l’objectif numéro  4 est l’accès à une éducation de qualité intégrant les enjeux de Développement Durable, il est primordial d’instaurer un leadership politique fort. Celui-ci favorise un climat organisationnel nécessaire au changement, mobilise les ressources adéquates. Ainsi le renforcement des politiques d’éducation en ligne avec les engagements mondiaux, régionaux, nationaux et locaux en est la pierre angulaire.
  • Les organisations de la société civile œuvrent sur le terrain et pour beaucoup ont un rôle de lanceurs d’alerte (notamment en ce qui concerne la préservation de l’environnement). Elles ont un rôle non-négligeable à jouer : d’une part à travers leur participation à la refonte des ouvrages pédagogiques, en développant des programmes éducatifs extrascolaires qui complèteraient les enseignements théoriques. Il est essentiel d’intégrer davantage de contenus et de pratiques d’apprentissage axés sur l’EDD afin de s’assurer que tous les apprenants aient les connaissances, les attitudes et les compétences nécessaires pour répondre aux défis du développement durable tout au long de leur vie et d’autre part, dans le renforcement de compétences des équipes éducatives. En effet, le déficit de compétences en éducation au développement durable des éducateurs, reste encore un obstacle majeur à surmonter.
  • Les entreprises en tant que structures de création de valeur économique ont été les 1ères à intégrer les enjeux de Développement Durable. À travers leurs engagements de RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) elles doivent trouver des réponses aux problèmes auxquels elles font face tous les jours. Elles doivent ainsi participer à la refonte des programmes scolaires (surtout dans l’enseignement supérieur et la formation technique). Il convient de faire évoluer les profils et les compétences professionnels pour les adapter aux métiers dont les entreprises ont besoin ; de développer l’offre de stage, mentorat et autres moyens d’accompagnement et d’insertion professionnelle
  • Les apprenants doivent jouer un rôle de premier plan en tant qu’agents du changement : ils sont des ambassadeurs de choix auprès de leurs parents et du reste de la communauté. En tant que partie prenante (beaucoup ignorée), ils doivent activement et davantage être impliqués aux discussions relatives à leur avenir. La mise sur pied de club ou comité développement durable dans les établissements scolaires est une piste pour intégrer les apprenants dans cette démarche.
  • Les médias (presse écrite, radios, télévisions etc.) peuvent contribuer à l’EDD à travers la vulgarisation des enjeux de Développement Durable. Ceci peut prendre plusieurs formats : article de presse, émission-débat TV ou radio, diverses campagnes de sensibilisation et d’information. Mais ceci toujours en collaboration avec les autres parties prenantes.

En septembre 2015, les Nations Unies ont adopté de nouveaux objectifs (pour mettre fin à la pauvreté, lutte contre les inégalités et l'injustice et faire face au changement climatique d'ici à 2030) afin de parvenir à un Développement Durable. Pour autant ces 17 objectifs ne pourraient être atteints sans un changement de paradigme notamment un ajustement des systèmes éducatifs. D’où l’importance de la mise en place d’une approche intégrant l’Éducation au Développement Durable au sein des diverses structures de formation, d’apprentissage. Après avoir précisé ce qu’est l’Éducation au développement durable, nous avons pu présenter des actions prioritaires pour l’EDD :

  • Aligner les politiques de formation et d’apprentissage aux enjeux de Développement Durable
  • Renforcer les compétences des personnels éducatifs.
  • Mettre en place des projets structurants

Les principaux obstacles observés sont l’absence ou la faiblesse des stratégies/politiques d’éducation au développement durable. À cela s’ajoute le manque / la faiblesse des compétences des équipes éducatives. Cet article se veut un plaidoyer pour la mise en commun des forces vives de toutes les parties prenantes car les partenariats multipartites sont une solution pour pallier les obstacles ci-dessus énoncés. L’éducation au Développement Durable est un vrai défi à relever en Afrique mais certains pays en ont pris la mesure et prennent des initiatives dans ce sens que nous devons valoriser.

 

Rafaela ESSAMBA


[1] Selon le rapport « Notre avenir à tous » publié à l’issue de la Commission des Nations Unies sur l’Environnement en 1987. Plus connu sous le nom Rapport Brundtland du nom de la Ministre Norvégienne, Gro Harlem Brundtland qui dirigea les travaux de ladite commission. Rapport téléchargeable ici.

[3] Nous évoquons ici l’éducation formelle fournie dans le cadre des études scolaires (de la maternelle à l’enseignement supérieure)

[4] Selon le Rapport Final « Façonner l’avenir que nous voulons » de la Décennie des Nations Unies pour l’éducation au service du développement durable (2005-2014) http://unesdoc.unesco.org/images/0023/002303/230302f.pdf

La place des villes dans un Sénégal émergent

dakarAvec près de la moitié de la population résidant en zones urbaines, le Sénégal présente un taux d’urbanisation supérieur à la moyenne observée en Afrique subsaharienne (40 %). Dans ce pays, la proportion de citadins a quasiment doublé ces dernières décennies — de 23 % dans les années 1960, elle est passée à 43 % en 2013 — et devrait s’établir à 60 % à l’horizon 2030. Certes, cet essor s’accompagne d’immenses défis, mais il offre aussi aux responsables sénégalais l’occasion d’opérer une transformation structurelle de l’économie.

En effet, on note que ce sont les centres urbains, et principalement la capitale Dakar, qui tirent la croissance. Ils sont globalement à l’origine de 65 % du PIB national, Dakar se taillant la part du lion (55 %). La région de Dakar abrite 50 % de la population urbaine sénégalaise, concentre plus de 52 % des emplois créés dans le pays et regroupe plus de 80 % des sociétés immatriculées au registre du commerce. À elle seule, la capitale accueille 62 % des créations d’entreprises.

Cependant, les villes sénégalaises souffrent dans leur ensemble d’un déficit infrastructurel chronique et d’une carence de services publics. Dans les villes secondaires, en particulier, 68 % des ménages sont raccordés au réseau d’alimentation en eau, tandis que les 32 % restants dépendent de bornes-fontaines. Par ailleurs, seuls 36,7 % des foyers en milieu urbain disposent d’équipements sanitaires de base (latrines, fosses septiques). Outre Dakar, seuls six centres urbains bénéficient d’un accès partiel à un système d’égout, à savoir Rufisque, Louga, Saint Louis, Kaolack, Thiès et les villes touristiques de Sally et Mbour. La gestion des ordures ménagères est en outre problématique dans la plupart des villes du pays, aussi bien sur le plan de l’enlèvement que du traitement des déchets. À cela s’ajoute une capacité limitée de planification de l’aménagement urbain : moins de 20 % des villes et des municipalités possèdent un plan d’urbanisme, et la plupart de ces plans sont obsolètes ou ne sont pas appliqués faute de capacités de gestion urbaine suffisantes dans les collectivités locales. L’inadéquation de la réglementation en matière de gestion et d’aménagement du territoire entraîne des distorsions sur les marchés foncier et immobilier, et conduit au développement d’implantations sauvages à la périphérie des villes, dans des zones sujettes aux inondations.
 
Mais, en dépit de ces difficultés, il existe plusieurs leviers d’action que les responsables publics sénégalais pourraient mettre en œuvre.
                                                                                                                                                        
Renforcer le rôle des villes secondaires et améliorer la gouvernance de la zone du Grand Dakar

Le manque de réseaux d’infrastructures et de services adéquats dans les villes secondaires exacerbe l’exode rural vers la capitale, ce qui a pour effet de dégrader encore davantage les conditions de vie des populations pauvres et de mettre à rude épreuve les capacités techniques et financières déjà limitées des autorités municipales et métropolitaines. Aussi faut-il répondre aux besoins de financement à deux niveaux différents :

  • en renforçant le rôle des villes secondaires, notamment des capitales régionales, pour qu’elles deviennent des pôles de développement plus productifs et plus vivables, afin de soulager l’agglomération urbaine de Dakar ;
  • en investissant dans l’agglomération urbaine de Dakar afin de répondre au manque d’équipements infrastructurels non financés ces vingt dernières années.

 
Les autorités sénégalaises peuvent également améliorer la gouvernance urbaine et surmonter les difficultés associées à l’urbanisation en mettant l’accent sur des enjeux communs et en y faisant face avec anticipation. En particulier, elles doivent mettre sur pied de nouveaux modèles de gestion décentralisée et une coopération multidimensionnelle afin de créer des systèmes économiques en zones urbaines plus efficaces et des villes inclusives qui garantissent l’égalité d’accès au logement, aux services et à l’emploi.
 
La Revue de l’urbanisation au Sénégal préconise de s’orienter vers les priorités stratégiques suivantes : revoir et moderniser les outils de planification territoriale ; dynamiser l’économie urbaine au moyen de programmes ciblés ; améliorer l’offre et l’accès aux services urbains ; développer les structures de gouvernance du territoire ; et réfléchir à des stratégies innovantes pour financer l’expansion du stock d’infrastructures urbaines. Ces cinq thématiques clés seront traitées dans le cadre de la mise en œuvre de « l’Acte III de la décentralisation » et de l’actuelle stratégie économique nationale, le « Plan Sénégal émergent » (PSE).

En outre, à la suite des recommandations formulées dans la Revue de l’urbanisation, le ministère de la Gouvernance locale et du Développement a fait appel à la Banque mondiale afin qu’elle appuie la mise en place d’interventions dans plusieurs villes du pays, dans l’objectif de prolonger durablement l’impact des efforts engagés. Le renforcement des autorités municipales et la réalisation des objectifs de développement économique à long terme du pays passent par l’instauration de systèmes de financement locaux fiables et autosuffisants. Le gouvernement tient par ailleurs à multiplier les réseaux interconnectés entre les villes et les régions et à tirer parti des opportunités économiques que recèle la population urbaine.

L’heure est venue pour les dirigeants sénégalais de fixer le cadre qui permettra de relever les défis du développement urbain et de répondre aux besoins d’une population en plein essor, dans un souci d’inclusion et d’efficacité.

Pour plus d'informations, s'il vous plaît voir Perspectives urbaines : villes émergentes pour en Sénégal émergent (French).

 

Cet article est issu des Blogs publiés par la Banque Mondiale et a été soumis par SALIM ROUHANA.

Un contrat social pour financer l’émergence en Côte d’Ivoire

civLes personnes fortunées empruntent pour financer leurs investissements car les banques leur font confiance. Ceux qui ont moins de moyen, et qui ont donc davantage besoin de prêts, n'y ont pourtant pas accès et font souvent appel à la solidarité familiale ou communautaire pour leurs investissements. La même logique peut être faite à l’échelle des pays. Ceux à revenu élevé empruntent, tandis que les pays africains à revenu faible n'ont qu'un accès limité aux marchés de capitaux.

Au cours de ces dernières années, seul un quart des pays subsahariens ont pu accéder aux émissions obligataires internationales, les autres n’ayant d’unique choix que de solliciter l'aide internationale. Si les flux d'investissements direct étrangers, qui comptent pour près de 3 % du PIB de l’Afrique subsaharienne, ne sont pas négligeables, ils sont majoritairement dirigés vers l'extraction de ressources naturelles où 80 % à 90 % de ces montants ressortent presque immédiatement pour financer les importations nécessaires aux projets. Comment un pays comme la Côte d'Ivoire peut-il sortir de cette impasse ?

La réussite des pays émergents montre la voie à suivre. Si l'aide internationale peut financer l'impulsion initiale, les pays en quête d'émergence doivent avant tout compter sur eux-mêmes. Cela signifie qu'ils doivent mobiliser leurs propres ressources pour financer leur développement. Et c'est peut-être aussi là une définition de l'émergence.

Pour la Côte d'Ivoire, une telle option devrait se traduire par une augmentation de l’épargne domestique pour que celle-ci puisse financer les besoins du pays. Située à environ 20 % du PIB en Côte d’Ivoire, elle est pourtant au-dessus de la moyenne africaine et de celle des pays à bas revenu, mais reste éloigné du niveau des pays émergents d'Asie, où elle dépasse 30 %.

Le véritable problème de la Côte d'Ivoire en matière de financement domestique se situe sur un autre plan,  à deux niveaux. D'abord, l'État ne démontre pas de capacité à générer une épargne publique suffisante. La pression fiscale du pays s’établit à 16 % du PIB, soit en deçà des objectifs des décideurs politiques ivoiriens et de la région UEMOA (20 %), pourtant inférieurs aux taux observés au Maroc ou en Afrique du Sud (25 %).  Les autorités ivoiriennes ne mobilisent en outre que 25 % des recettes potentielles de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui pourraient être perçues sur l’ensemble des transactions internes du pays. À titre de comparaison, un pays émergent comme l'Ile Maurice affiche un taux de recouvrement équivalent à 75 % de son potentiel de TVA.

Le deuxième problème est lié à l'épargne privée. Le défi n'est pas tant d'augmenter son montant mais d'améliorer son affectation. Aujourd'hui, seuls 15 % des épargnants ivoiriens placent leurs économies dans le système financier local, un taux deux fois inférieur à la moyenne africaine. Ce choix ne permet pas de profiter du formidable effet de levier que pourrait générer le multiplicateur de crédit sur l'ensemble de l'économie. Par voie de conséquence, les montants de crédits octroyés par le système financier ivoirien s’élèvent à 30 % du PIB, alors que ceux-ci atteignent plus de 100 % dans des pays comme le Maroc, l'Afrique du Sud et l'Ile Maurice. Ce taux est par ailleurs inférieur aux montants recensés au Ghana, Sénégal et au Togo.

Imaginons que la Côte d'Ivoire puisse agir à la fois sur la mobilisation de son épargne publique et la capacité de crédit de son système financier. Imaginons encore que le recouvrement des impôts atteigne 20 % du PIB et que le taux de crédits augmente jusqu'à 80 % du PIB. Au taux de change actuel et en utilisant le revenu du pays en 2015, ces sources de financement s’établiraient à 40 milliards de dollars ou une hausse de 21 milliards de dollars par rapport aux montants déclarés fin 2015.

Les montants ainsi générés par les sources domestiques permettraient de compléter les engagements financiers extérieurs d’environ 25 milliards de dollars. Compte-tenu des annonces sur la période 2016-20 tenues par le Groupe Consultatif en mai dernier à Paris l'ensemble des financements intérieurs et extérieurs serait amplement suffisant pour couvrir les investissements identifiés par le Plan national de développement sur la période 2016-20, et pour ouvrir la voie vers l'émergence.

La question qui demeure est la suivante : comment parvenir à accroître la mobilisation et l'utilisation de l'épargne domestique tant du côté du secteur public que privé ?  La réponse est éminemment complexe  mais une chose est sûre : elle devra inclure un contrat social à travers lequel les différents acteurs se feront mutuellement confiance et qui possèdera des règles claires et transparentes qui chercheront à optimiser le bien-être collectif du pays et non pas les intérêts pécuniaires de certains groupes particuliers. Les contribuables devront pouvoir compter sur la bonne utilisation de leurs paiements par les pouvoirs publics. De même, les épargnants devront avoir confiance en leurs banques, lesquelles devront en retour avoir suffisamment d’assurances quant à l’effectivité du remboursement de leurs prêts.

Pour en savoir plus, consultez le dernier rapport sur la situation économique en Côte d'Ivoire.

Cet article est issu des Blogs publiés par la Banque Mondiale et soumis par JACQUES MORISSET.

Vers une nouvelle crise de la dette en Afrique subsaharienne ?

dette-grece-colosse-mai-2011Les annulations de dette consécutives à l’atteinte du point d’achèvement des PPTE (entre 2001 – 2012) ont offert aux pays africains[1], ceux d’Afrique subsaharienne en particulier, une fenêtre d’opportunités pour financer leur développement, qu’ils semblent pour la majorité avoir saisi [2]. Pour financer ces dépenses, les pays se sont appuyés sur de nouveaux emprunts. La dette publique des pays d’Afrique subsaharienne qui est passée de 104% du PIB fin 2000 à 39% à fin 2012[3], a d’ores et déjà atteint 50,6%, soit une augmentation annuelle moyenne de 4 points de %[4]. Cette forte croissance de la dette dans les pays africains, qui excède celle de l’accélération de la croissance suscite aujourd’hui plusieurs interrogations. Devrait-on réellement s’en inquiéter ? Cet article revient sur la politique de financement du développement la dette des pays africains et les risques potentiels liés à cette stratégie.

A la lecture des statistiques disponibles (WEO du FMI) – même les plus pessimistes –  sur la performance économique et le niveau de la dette des pays africains, on est tenté d’exclure tout risque que pourrait induire la dette sur les économies africaines. Cependant, en considérant les facteurs qui soutiennent cette performance économique, la capacité limitée des pays africains à collecter davantage les ressources domestiques et le rythme soutenu de croissance de la dette, la question se pose avec pertinence[5]. Dans un article précédent, il a été montré que la dette n’est profitable à une économie que si elle permet de financer des activités permettant d’accélérer la croissance à un niveau excédant les taux d’intérêt escomptés et si l’Etat est suffisamment capacité pour collecter les fruits de ces investissements. Ce qui n’est pas encore forcément le cas dans les pays africains.[6] La capacité de mobilisation des ressources intérieures (et donc de la richesse créée) est faible et repose sur une petite partie de l’économie alors que la croissance générée est davantage le fruit d’investissements étrangers dans des secteurs qui ne favorisent pas la transformation structurelle de l’économie.

A juste titre, les analyses de viabilité de la dette (AVD) réalisées[7] par le FMI et la Banque Mondiale, montrent que le profil de risque d’endettement des pays africains a rapidement évolué entre 2012 et 2015. Sur les 39 pays bénéficiaires de l’IPPTE, 7 ont déjà atteint un risque élevé d’endettement (contre 5 en 2012), 18 sont classés en risque modéré (13 en 2012) et 5 sont classés en risque faible (contre 11 en 2012).  Il apparaît donc évident que l’évolution de la dette dans les pays africains n’est pas sans risques que plusieurs facteurs contribuent à accentuer. 

Premièrement, le profil de la dette dans les pays africains a beaucoup changé. En plus d’un recours accru aux marchés financiers locaux, et pour certains pays aux marchés financiers internationaux, les pays africains se tournent de plus en plus vers les pays émergents, notamment la Chine, l’Inde et la Turquie. Ces nouveaux emprunts, s’ils répondent à un besoin de diversification des partenaires et des risques, paraissent toutefois onéreux pour les économies africaines. Sur les marchés financiers internationaux et locaux, les taux d’intérêts varient entre 5 et 10% – cas des récentes émissions effectuées par la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Nigéria, le Sénégal ou encore la Zambie. Auprès des émergents, non soumis aux règles d’APD de l’OCDE, les emprunts se font à des conditions dit semi-concessionnels – soit à des taux variant entre 0.5 et 1%.

Deuxièmement, la dynamique économique des pays africains tend à s’estomper certes (à degré variable entre les pays). La chute des cours des matières premières[8], induits par le ralentissement économique des pays émergents, affectent les pays africains[9] et va se traduire par des entrées moins importantes de devises, nécessaires pour assurer le service de la dette extérieure notamment. Aussi la fin de la récente crise financière, et donc de la politique monétaire conciliante menée par la Fed américaine en réponse à cette crise et qui a poussé les investisseurs à s’intéresser aux marchés africains, va induire une baisse des investissements à destination du continent. Dans ce contexte, un effet de change pourra rendre plus onéreux le service de la dette libellé en devises, absorbant ainsi une bonne partie des ressources des pays et accentuant les pressions sur les finances publiques.

Si le ré-endettement s’est constitué comme une option aux pays d’Afrique sub-saharienne, notamment pour ceux ayant bénéficié de l’IPPTE, pour financer leur développement ; il ne s’est pas forcément appuyé sur une politique de financement global alliant mobilisation des ressources domestiques et externes. Il apparaît plutôt comme un outil utilisé mécaniquement par les Etats pour compenser l’insuffisance des ressources domestiques et financer leurs investissements. Cette stratégie est aujourd’hui porteuse de risques, révélant par la même occasion les limites de la politique économique menée par les pays durant la dernière décennie. Si une nouvelle crise de la dette n’est pas envisageable à court terme, la poursuite de cette stratégie peut s’avérer très contraignante pour les économies africaines à moyen-long terme d’autant plus que la perspective d’une nouvelle IPPTE est à écarter au regard du profil des créditeurs. Il apparaît dès lors nécessaires pour les pays africains d’inclure dans leur stratégie de développement une politique propre de gestion de l’endettement mais aussi de renforcer la collecte des ressources internes.

Foly Ananou


[1] Fin 2012, le nombre de pays africains ayant bénéficié de l’IPPTE s’établissait à 39.

[2] La réduction de la dette se traduit de fait par une di munition du service de la dette, créant donc des marges de manœuvre budgétaire pour déployer la politique publique.

[3] Cette donnée cache de fortes disparités. La Côte d’Ivoire et la Guinée qui ont bénéficié de l’initiative fin 2012, tire cette moyenne vers le bas ; certains pays ayant bénéficié de l’initiative assez tôt dès la première moitié de la décennie ont fait croître leur dette entre temps. Toutefois, elle révèle assez bien comment cette initiative a permis de réduire considérablement le poids de la dette des pays africains.

[4] Cette donnée s’applique à un pays moyen. Une analyse plus fine par pays révèle de forte disparité et des trajectoires différentes. Les pays exportateurs de matières premières ont une situation plus critique que les autres (cas du Ghana)

[5] En effet, ce qui inquiète, ce n’est pas tant le niveau de la dette mais son accélération qui se fait dans des conditions non maitrisées.

[8] Qui ne devrait pas se résorber à court terme selon les estimations de la Banque Mondiale (Commodity Market Outlook)

[9] Durement les exportateurs et les gains sont modérés pour les importateurs

Développement des Comores : il faut (aussi) regarder au-delà des facteurs économiques!

Avec un indice de Développement humain faible, (moins de 0.550)[1],  les Comores sont un des pays africains les plus inégalitaires du continent. En plus des inégalités, c’est un pays qui connait des problèmes dans sa transformation avec une urbanisation galopante avec plus de 60 % des citadins vivant dans des bidonvilles. À cela, il faut ajouter la crise énergétique qui pèse sur la croissance économique, qui n’a pas dépassé 1.1 % en 2015, et un chômage élevé chez les jeunes. Ces problèmes économiques doivent inciter à  repenser l’économie et les politiques de développement du pays pour répondre aux attentes du peuple comorien comme l’a souligné Son Excellence Monsieur Le Président Azali Assoumani lors de son discours d’investiture en mai 2016: «  Je mesure pleinement l’ampleur de vos attentes et plus particulièrement, l’unité, la paix, la sécurité et le décollage économique de notre pays». Mais au-delà des facteurs économiques qui limitent son développement, les Comores font face également à des problèmes sociaux qui ne sont pas sans effets sur les progrès économiques du pays et qui demandent une remise en cause des comoriens. La question est donc de savoir comment les comportements influent-ils sur le  développement socio-économique des Comores ? Cet article traitera de certaines caractéristiques de la société comorienne qui pourrait être un frein au progrès économique et social des Comores.
 

La faculté de choix
Ces dernières décennies, la recherche sur les sciences naturelles et sociales a développé des théories stupéfiantes sur la façon dont les individus pensent et prennent des décisions. Alors que les gens posent toujours comme hypothèse que les décisions sont prises de façon délibérative et autonome, selon des préférences logiques et des intérêts personnels, de récents travaux montrent qu’il n’en est presque jamais ainsi : on pense de façon automatique – au moment de prendre une décision, les individus utilisent généralement ce qui vient naturellement à l’esprit ; on pense de façon sociale – les normes sociales influent en grande partie sur notre comportement et bon nombre de personnes préfèrent coopérer tant que les autres coopèrent ; et on pense par modèles mentaux – ce que les individus perçoivent et la façon dont ils interprètent ce qu’ils perçoivent dépendent de visions du monde et de concepts issus de leurs sociétés et d’histoires communes.

La belle tradition du ‘Anda’ aux Comores

À l’origine, le ‘Anda’ symbolise le Grand Mariage mais c’est devenu un phénomène social qui joue un rôle primordial dans la vie de chaque comorien. Je ne vais pas ici faire un bilan global du mariage et dire qu’il est mauvais ou pas car ce serait ignorer les maintes ramifications, irremplaçables et essentielles dans le déroulement de la vie aux Comores et qui ne relèvent pas du seul domaine économique. Les effets du ‘Anda’ tels que la gestion du quotidien, la structuration villageoise, le maintien d’une cohésion sociale et l’établissement de systèmes de gouvernance à l’échelle locale et régionale, nous permettent de voir à quel point ce phénomène est ancré en chacun de nous depuis notre naissance. Notre conduite et notre prise de décisions est programmée tel une machine dès notre jeunesse à suivre et respecter tout cela au risque d’être traité de non désirable, d’être banni de la société ou même au sein de nos propres maisons. La majorité des comoriens en sait quelque chose et beaucoup d’intellectuels y ont laissé leurs marques mais le plus important  concernant  le ‘Anda’ est que nous devons trouver le moyen d’allier coutume et modernité et faire en sorte que cette coutume se modernise de façon à répondre aux impératifs de développement du pays.


L’islam est-il un frein pour le développement ?

La religion joue un rôle fondamental en tant que déterminant du développement économique d’une région donnée et dispose d’un impact considérable sur la formation et l’évolution du corpus juridique et institutionnel d’une société, qui est lui-même un déterminant majeur et reconnu de longue date du développement économique. Dans les pays musulmans, l’influence de l’islam est si envahissante qu’elle empêche de nombreux États comme les Comores de s’interroger sur les vraies raisons de leur retard. Toutes les réponses apportées sont religieuses… Si les choses vont mal, nous sommes punis par Dieu pour avoir abandonné le droit chemin comme on a tendance à le souligner quand on est confronté à la mort : « c’est la volonté de Dieu ! » et on met de côté toutes les causes médicales, etc. Toutefois , comme on peut le constater dans plusieurs pays musulmans comme les Émirats Arabes Unis, le Qatar, l’Arabie Saoudite et autres qui sont très avancés qu’aucune religion ne puisse être «  par essence » défavorable au développement économique, puisque l’effet de ses dogmes est contingent aux conditions économiques, sociales et historiques du moment. Dans le cas des Comores où la pratique des lois islamiques que ce soit dans le collectif ou l’individualisme laisse à désirer. Surtout avec la nouvelle génération de «  musulman non pratiquant » qui semble croire qu'il suffit pour être musulman, de le déclarer avec la bouche et cela, même si on n'applique rien des obligations de l'Islam. Tous cela pour dire qu’aux Comores, on a plus nos repères dans la religion mais on tâtonne, nous devons soit nous déclaré pays laïc ou être de vrais musulmans pour le bien de notre développement.


La jeunesse comorienne est-elle une bombe à retardement ?
De nos jours, les jeunes comoriens, s’engagent en politique, et dans beaucoup d’autres secteurs. Ces nouveaux militants ont comme objectif de faire bouger les choses dans notre pays. Défendre les intérêts de la jeunesse paraît être leurs préoccupations majeures. Ils se lèvent ainsi pour revendiquer leurs droits à des conditions de meilleures conditions de vie. Ces jeunes comoriens longtemps défavorisés, veulent à travers leur engagement, avoir la liberté de choisir leur mode de vie. Et s'il n’y avait pas à choisir et que nous étions réduit à un seul mode de vie : la pauvreté ? Devraient-ils abandonner et continuer à critiquer les dirigeants sans bouger le petit doigt ou brandir le drapeau national et construire leurs vies par leurs propres mains ?

Plusieurs études montrent de façon concrète comment ces théories s’appliquent aux politiques de développement. Une meilleure compréhension et une vision plus subtile du comportement humain peut générer de nouveaux outils d’intervention et aider à atteindre des objectifs de développement a beaucoup d’égards – développement du jeune enfant, situation financière des ménages, productivité, santé et autres. En apportant même de légers ajustements au contexte décisionnel, en préparant les interventions sur la base d’une compréhension des préférences sociales et en exposant les individus à de nouvelles expériences et de nouveaux modes de pensée, on peut créer de meilleures conditions de vie.
Cependant n’y a-t-il pas un danger à essayer de changer les normes culturelles et religieuses d’une communauté par un «  big push » visant à modifier rapidement l’équilibre culturel d’une population, et donc ses normes coopératives ? Comme dit l’adage, qui va doucement, va surement. Il y a beaucoup à faire pour ce beau paradis et jeune pays que sont les Comores pour notre développement socio-économique et cela ne dépend que de notre mode de vie individuel et collectif  à nous tous peuple comorien car c’est uniquement ensemble qu’on mènera le bateau à bon port.

 


[1] African Economic Outlook 2016